Association « semi-nomade », Bruit du Frigo, créée en 1997 par deux étudiants en architecture, se pose la question suivante : comment réellement impliquer les habitants dans l’aménagement de leur cadre de vie ? Les membres des projets participatifs portés par le collectif investissent l’espace public, et le transforment. Ses créateurs défendent l’idée d’une ville plus souple et plus humaine, dans laquelle l’espace public vit et respire.
La rue appartient à tout le monde. Pour les artistes, le quartier s’est tout de suite imposé comme cadre du projet. Diurne comme nocturne, légale comme illégale, l’activité y est permanente. Les populations qui s’y croisent sont, elles aussi, d’une diversité extrême. L’événement est le fruit d’une collaboration de longue durée entre ces habitants et acteurs du quartier et les artistes en résidence.
Les partenariats sont nombreux : aux côtés de la Poste ou de la SNCF, l’association Récup’R ou la bibliothèque Flora Tristan (pour n’en citer que quelques uns) proposeront des créations originales. L’enjeu est de parler de la vie de quartier telle qu’elle est … y compris d’ailleurs dans ce qui en son sein est souvent tu ou négligé. En collaboration avec le service Propreté de la ville, Geneviève Rando offrira aux spectateurs les Chroniques d’une insurrection imaginaire des balayeurs de rue, laissant parler ces témoins de la rue qui « ne payent pas de mine, ne font pas de bruit ». Dans un grand jeu de l’oie inventé de toutes pièces, le Bruit du Frigo et IPPO retraceront eux le quotidien d’une personne en situation de prostitution, loin des clichés.
L’art occupe évidemment une place centrale dans les animations. Le Croquimaton de Diane Berg proposera aux volontaires de poser pour quelques minutes, et de repartir avec un portrait dessiné par l’artiste. Chaque portrait sera également utilisé pour raconter une histoire, les images étoffant peu à peu la fresque urbaine évolutive qui habillera les parois extérieures de l’atelier. Dans un tout autre registre, Samuel Boche construira, à base de matériaux de récupération trouvés dans le quartier, une cabane dans laquelle il dormira le temps de la manifestation. Une façon originale de nous interroger sur l’habitat précaire.
La Grand-Rue gomme les frontières entre rue et espace privé. Pour quelques jours, on y mange, discute, flâne, crée. Aux visiteurs seront proposés massages, café, ateliers culinaires ou de construction, promenades et projections. Cette réappropriation décalée du vivre-ensemble porte aussi un message social fort : les quartiers de la gare, déclassés ou éloignés pour certains, ne demandent qu’à être (re)découverts. Un changement de regard particulièrement actuel quand on se souvient que le projet Bordeaux Euratlantique, actuellement en préparation, transformera entièrement le visage de cette partie de la ville dans les années à venir.