« D’habitude, la concertation pour les problématiques locales se fait à huit clos… L’objectif de 33 tours est justement de casser cette norme pour faire parler les gens que l’on a pas l’habitude d’entendre » explique Stéphane Juguet, anthropologue spécialiste des politiques territoriales.
Comme le dit si bien Jean-Philippe, régisseur général et à ces heures perdues conducteur du bus, « il fallait trouver un moyen de reveiller les esprits citoyens et politiciens, pour démontrer que tous les chemins sont bons à envisager… Nous ne sommes pas obligés d’attendre que les élus fassent les choses, au contraire c’est aux citoyens d’agir pour leurs territoires. »
4 000 KM et 500 girondinsPar bus, voiture à pédale ou engin autonome, l’équipe a parcouru 4 000 kilomètres, pour au final rencontrer plus de 500 girondins. « Il fallait se mettre au format de la rue, pour atteindre les lieux stratégiques comme les lycées, marchés ou grandes surfaces » commente Stéphane Juguet.
Les moyens mis en place pour réaliser ce grand débat citoyen l’ont été de façon ludique pour permettre à tous de participer. Sous la forme de jeux qui stimulent l’imaginaire, questions sur le thème « comment imaginez-vous la gironde en 2033 ?», ou ateliers participatifs. 5 axes ont pu être ressortis de l’opinion publique.
Nécessité du dialogueLes témoignages attestent premièrement la nécessité du dialogue, de l’échange dans le but de mettre en commun les expériences ou avis. « Il faut arrêter de construire des cages à lapin dans les campagnes, et s’appuyer sur le patrimoine pour en faire des lieux de vie. Dans ces lotissements sans vie, sans histoire, il n’y a pas possibilité de faire société » témoigne un habitant.
AutonomisationLe deuxième axe qui est ressorti de ce périple est l’autonomisation au sens énergétique d’une part, alimentaire d’autre part mais également au point de vue du territoire. Un riverain lance par exemple « dans les campagnes, nous pourrions créer des centrales locales de production d’énergie. »
Un autre thème est revenu souvent à travers ces rencontres : « prendre soin ».
Au sens de la santé, de l’entraide, mais également au sens des territoires à préserver. « Pour bien vivre et bien veiller à demain, il faut garantir des services de proximité » affirme untel, « en ville il faut être performant, rapide. Cela pose la question du bien-être » dit un autre.
Le quatrième aspect qui a émergé de l’opinion publique est la répartition sur le territoire tant sur le contraste entre l’urbain et le rural que sur les liaisons inter-territoires. Les girondins ont fait entendre l’envie de renforcer un chapelet de villes moyennes pour équilibrer le poids des métropoles.
L’action au premier planToutes ces priorités ont été pointées du doigt par les habitants de Gironde, mais si une thématique devrait prédominer le débat public, il s’agit bien de l’action avec un grand « A ».
Ce extrait du film où intervient un girondin illustre à merveille l’action en question : « dans la démarche 33 tours, ce qui m’intéresse, c’est de réfléchir pour sortir des idées concrètes qui vont se réaliser. Si c’est pour faire une étude qui ne sert à rien et qui reste dans un placard, autant s’arrêter… Ecrire des grandes phrases, ça ne sert à rien. Penser demain, c’est agir aujourd’hui ! ».
Stéphane Juguet, anthropologue en charge de l’enquête a proposé à la suite de ces témoignages, de créer 3 collèges de projets. Un collège citoyen qui serait en charge d’un projet, un collège d’élu qui exercerait un rôle de soutien et un collège d’investisseurs qui financerait le tout. « Cette idée a été soumise aux politiques qui la trouvent très intéressante à développer. Le problème est que lorsque cette réflexion fut engagée, le contexte actuel de la disparition des départements n’existait pas… ».
Que vont devenir ces territoires face à cette nouvelle donne ?Ce qui ressort de la tournée « 33 tours » est que « les gens se foutent des réformes territoriales… Les idées subsistent pour autant, et les besoins ne vont pas disparaître. Droite, gauche, municipalité, région, déparement, la population n’en a rien à faire, ce qui compte c’est le concret du terrain » revendique haut et fort Stéphane Juguet. Peu importe le flacon donc, pourvu qu’il y ait vitesse d’action.