« Je me suis lancé dans ce projet de maraîchage parce que j’avais besoin de donner du sens à mon travail » explique François Driot, maraicher de 32 ans à la ferme du Mas foret. D’abord formé au droit, François se décide en janvier 2018 à racheter une partie du terrain mis en vente par la SAFER à Mérignac pour monter un projet de maraîchage biologique. Un changement radical de mode vie, motivé par des valeurs et un attachement au territoire sur lequel il a grandi. « J’ai été très bien accompagné par la SAFER qui a organisé un appel à Manifestation d’intérêt (AMI) auquel j’ai répondu et que j’ai remporté » raconte François. Une réussite qui n’était pourtant pas gagné d’avance puisque la SAFER lui avait signalé après la venue d’un expert de la chambre d’agriculture de la Gironde qu’une grande partie de la parcelle sur laquelle il comptait installer son activité est hydromorphe et donc incompatible avec le maraîchage.
Un projet agricole qui respecte l’environnement tout en valorisant l’économie locale
Pourtant, loin de se décourager, François décide de tenter sa chance, « j’ai créé plusieurs buttes et des bassins d’irrigation, j’ai creusé des fossés et j’ai surtout appris à comprendre mon terrain qui était très plat et avec une mauvaise évacuation des eaux. J’ai cherché à comprendre ce que je pouvais faire pour l’améliorer » précise François. De son coté la SAFER a fait confiance à ce projet qui aujourd’hui montre des résultats impressionnants, « cette année j’ai fait 5 tonnes de légumes, je passe ensuite par des magasins bio qui sont à moins de cinq minutes de mon exploitation, pour vendre ma production » se félicite François. Un projet d’installation agricole qui respecte l’environnement tout en valorisant l’économie locale c’est l’accord parfait de toutes les ambitions de la SAFER lorsqu’elle étudie les dossiers d’installation.
Pourtant, il n’y a pas que des projets agricoles qui ont pu voir le jour sur ce grand terrain Sabatey. Dassault, dans le cadre de sa compensation écologique après l’agrandissement de ses locaux à Mérignac devait revaloriser un espace naturel s’engageant à protéger et réaménager un habitat pour les espèces vivant dans la zone. C’est dans ce cadre-là que les négociations avec la SAFER ont amené à l’achat d’un terrain de 17 ha dans lequel des transformations visant à recréer un lieu propice à une biodiversité locale ont été mises en oeuvre. Dassault s’est ainsi engagé à protéger la zone pour une durée minimum de 30 années.
Un terrain aux nombreux enjeux
Pour les autres dossiers sur ce foncier de 86 ha, les candidats sont aussi venus avec des projets forts et viables sur le long terme comme c’est le cas pour Vincent Dubourg, 30 ans, éleveur de porc noir de Bordeaux depuis 2018. Le terrain qu’il a acquis jouxtait celui de son père et il souhaitait pouvoir se servir de cette nouvelle parcelle pour créer un grand élevage de porcs noirs de Bordeaux. Sur son terrain, les porcs vivent entre les champs et un bois de chêne le tout sur une grande surface ou ils peuvent courir sans se sentir à l’étroit, « ce sont des porcs qui courent tout le temps, ici ils atteignent 100 kilos au bout de 1 an contre 6 mois dans d’autres exploitations où ils courent moins », confie Vincent.
Avec ce projet, la SAFER mise sur une valeur sûre puisque Vincent est fils d’agriculteur et connaît bien le terrain mis en vente, son projet est viable et il impacte positivement l’économie locale, autant de raison de lui laisser la possibilité de s’installer. Sur cette zone périurbaine, la localisation est un atout pour Vincent qui se réjouit de sa situation géographique, « c’est une force que j’ai d’être proche d’une grande métropole ». Pour ce producteur qui vend uniquement ses produits en vente directe, la métropole bordelaise constitue un vivier important de clients potentiels. C’est d’ailleurs la situation idéale de cette parcelle qui fait qu’elle génère de nombreux enjeux pour les futurs exploitants.
Ces enjeux, Benjamin Gapenne propriétaire du Haras de l’Artolie, les a bien compris et il a conscience du privilège d’avoir pu s’installer dans cette zone, « les gens qui veulent faire de l’équitation, ils ne veulent pas aller à plus de 20 minutes de chez eux, alors cette situation à la porte de la métropole c’était idéal » se félicite Benjamin. Le haras de l’Artolie compte aujourd’hui 50 chevaux et pratique plusieurs activités allant de l’élevage à la pension en passant par l’apprentissage de l’équitation. En plus de bénéficier à son propriétaire, l’ancrage du haras dans ce territoire amène à la création d’un premier emploi et surtout à la création d’un réel dynamisme dans cette zone de 86 ha, « j’ai des mamans qui pendant que leurs enfants prennent un cours d’équitation vont voir François pour lui acheter ses légumes, c’est un gain de temps pour elles ». Une zone attractive qui acceuille aussi un héliciculteur et bientot un élevage de poules.
Pour Alain Anziani, maire de Mérignac, c’était un réel enjeu que de « valoriser les ceintures vertes pour assurer une production alimentaire locale et bio ». Aujourd’hui, la mairie se dit satisfaite d’avoir pu installer cinq agriculteurs dont deux déjà en fermage sur place, mais surtout d’avoir pu apprendre à travailler avec la SAFER pour redynamiser un coin oublié de la commune tout en installant des agriculteurs. Objectif réussi donc pour la SAFER de Nouvelle-Aquitaine qui a cocréé un territoire à Mérignac où le dynamisme et l’entraide font bon ménage, avec l’aide de la mairie et surtout grâce à la volonté des acteurs de terrain qui aujourd’hui encore, et malgré les difficultés, cherchent à s’installer et à bâtir des projets d’agriculture durables.