Cela pourrait paraître surprenant, mais c’est pourtant vrai : ce jeudi 23 mars, c’est la toute première fois qu’Alain Juppé, maire de Bordeaux et ancien candidat à la présidentielle, a franchi la Dordogne pour se rendre à Libourne. Le maire P.S de la ville, Philippe Buisson, n’est pas peu fier de ce fait. « Ces deux territoires ne se parlaient pas, sans pour autant se mépriser(…)Ce qui est important, c’est que l’émergence de la métropole bordelaise, qui est une bonne nouvelle pour la Gironde, ne se construise pas en asséchant les territoires périphériques. Sur ce point, incontestablement, Alain Juppé joue le jeu ». Il faut dire que le président de Bordeaux Métropole est venu bien armé, son adjointe Virginie Calmels au premier rang (en plus des nombreux élus ayant eux aussi fait le déplacement) pour assister à un séminaire de travail entre la métropole et la Communauté d’Agglomération du Libournais (Cali), en vue d’une coopération territoriale. But avoué : trouver un terrain d’entente, à la fois politique et concret, entre les deux agglomérations.
Réédition
L’objectif, cependant, n’a cependant rien d’inédit. En septembre dernier déjà, la métropole avait signé avec la ville d’Angoulême un accord de coopération portant sur quatre thèmes prioritaires (la culture, la santé numérique, la vigne et le développement des quartiers autour des gares à un moment où la LGV pointait déjà le bout de son nez) avec le maire de la ville Xavier Bonnefont (LR). « Nous avons signé avec l’État un pacte métropolitain qui nous incite à développer cette coopération territoriale. L’accord avec Angoulême est déjà acté, notamment sur les industries créatives. Nous tendons actuellement vers Arcachon, la Rochelle nous a également envoyé des signaux », a ré-affirmé ce jeudi, quelques mois après l’accord d’Angoulême, le maire de Bordeaux.
Pour quels objectifs ?
Ce séminaire s’est tenu une grande partie de la matinée autour de trois thèmes centraux : l’accueil et la mobilité des populations, le développement économique et touristique et les approvisionnements en circuits courts et autre « valorisation de la ressource locale ». De bien jolis mots qui ont aussi permis aux deux maires respectifs de rendre plus concrets d’autres voeux. « Nous sommes un peu sur le même bateau et nous souhaitons développer cette coopération. D’abord sur le plan de la mobilité, beaucoup de libournais vont travailler à Bordeaux, l’inverse également. Il faut absolument que nous puissions créer assez rapidement un syndicat mixte des transports avec la Région et le département », a ainsi souligné Alain Juppé lors d’un point presse organisé à l’issue.
« Nous avons lancé cette idée avec Philippe Buisson en 2014. Nos services, nos élus et l’agence de l’urbanisme ont travaillé à un protocole d’accord, qui est aujourd’hui prêt, et qui va se doubler d’un plan d’action pour les années 2017-2018. Nous comptons saisir nos conseils respectifs (Cali et métropole) avant la fin de l’année pour officialiser cette coopération », a continué le maire de Bordeaux. « La forêt de l’Adoub, au nord de l’agglomération, est sous-exploitée. Il y a des besoins en bois d’énergie et de construction sur la métropole. C’est vrai aussi sur l’agro-alimentaire. Lépenture est, sur l’agglo, la commune la plus importante en matière de production de lait. Je souhaite que ce lait ne soit plus directement vendu à Lactalis dans des conditions contestables mais qu’elle puisse venir produire pour les bordelais au sens large du terme », a ajouté Philippe Buisson à titre d’exemple.
Chacun sa part
Alain Juppé n’a pas oublié de souhaiter associer à ce partenariat aux dimensions nouvelles le public par des moyens pour l’instant encore en réflexion. Consultations publiques ? Création d’un « conseil de développement » ? La tendance des présidentielles dans le Libournais (où le maire de Bordeaux avait fait un score moins important que dans les autres communes de la région, en raison notamment de la forte présence du FN) rejaillira-t-elle du chapeau ? Pour l’instant aucune mesure concrète n’est encore gravée dans le marbre libournais.
Sauf peut-être celle de Philippe Buisson de profiter d’une attractivité métropolitaine toujours plus démonstrative, y compris pour des intérêts économiques évidents. « Il y a deux mille personnes qui font une liaison domicile-travail dans un sens où dans l’autre. Rien que ça, cela nous oblige. A Bordeaux, il existe une problématique de foncier pour accueillir des entreprises ou de nouveaux habitants. C’est un peu plus desseré sur le territoire de notre agglomération, et c’est deux fois moins cher. L’enjeu, c’est que l’on puisse venir travailler sur la métropole et habiter ici. Pour cela, il faut lever des freins, c’est ce que nous allons faire au travers de cette convention », a ainsi résumé le maire socialiste. A défaut de lancer un projet concret de grand contournement par l’est, on aura en tout cas assisté à un franc rapprochement.