La Maison du dessin de presse, ce sera à Paris


Dans ses vœux à la presse, le 11 janvier, Emmanuel Macron a annoncé la création d’une maison internationale du dessin de presse à Paris. En Limousin, l'annonce passe mal.

La maison du dessin de presse ne verra pas le jour en Haute-VienneCorinne Merigaud

La maison du dessin de presse ne verra pas le jour en Haute-Vienne

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 12/01/2022 PAR Corinne Mérigaud et Claude-Hélène Yvard

Le Président de la République a officialisé la création d’une maison internationale du dessin de presse en ce jour anniversaire de la marche du 11 janvier en hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015 après la publication de caricatures de Mahomet. Un projet semblable, soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine et les élus locaux, a été déposé, il y a plusieurs années, par le Centre international de la caricature, du dessin de presse et de l’humour de Saint-Just-le-Martel. Pour les élus limousins, les organisateurs du Salon de l’humour et les dessinateurs, la déception est grande.

Dans les tuyaux depuis quelques années, le projet d’une maison européenne du dessin de presse et de la caricature ne se fera pas à Saint-Just-le-Martel mais bien à Paris. L’annonce a été faite ce 11 janvier, par Emmanuel Macron, lors des voeux à la presse. Cette maison sera même internationale avec un démarrage des travaux « dès que possible, deux à trois ans, dans le VI ème arrondissement » a-t-il précisé. Pour le Limousin, c’est une douche froide. Le chef de l’Etat a cependant entrouvert la porte à de futures synergies. « Je sais la déception de quelques villes de province qui étaient des candidates tout à fait sérieuses… Nous aurons des projets culturels de grande ampleur alternatifs ». Cette décision attendue localement survient le jour anniversaire de la marche organisée suite à l’attentat contre Charlie Hebdo. Les dessinateurs Cabu, Wolinski, Charb, Philippe Honoré et Tignous, fidèles du Salon de Saint-Just, avaient été lâchement assassinés le 7 janvier 2015.

Décision incompréhensible

Le Centre international de Saint-Just-le-Martel s’était porté candidat misant sur sa légitimé avec un un salon de l’humour qui a fêté ses 40 ans en octobre, deux bâtiments de 3 985 m² inaugurés en 2011 et un fonds d’archives riche de 40 000 dessins, journaux et documents divers. Pour asseoir cette candidature, la Région et les collectivités locales s’étaient engagées à financer la réhabilitation de l’ancienne usine Jidé à Limoges (un projet à 8 millions d’euros) pour accueillir des expositions et des dessinateurs en résidence. Et les réactions ne se sont pas faites attendre. 

Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, « prend acte de cette décision et réaffirme sa volonté de transformer l’ancienne usine Jidé à Limoges, dont la Région est propriétaire, en un pôle culturel régional vivant, festif, fédérateur et humaniste. La caricature et le dessin de presse méritent d’être défendus, encouragés, valorisés et promus. Cela a été le combat quotidien de Gérard Vandenbroucke, président-fondateur du  » Salon international de la caricature, du dessin de presse et d’humour » ». La Région qui militait activement pour une candidature s’appuyant sur les installations existantes de Saint-Just-le-Martel, et la création d’un lieu complémentaire à Limoges, avec la proposition de mise à disposition et la réhabilitation du bâtiment Jidé, va poursuivre le travail mené depuis deux ans avec les partenaires publics, les collectivités de la Haute-Vienne et la DRAC Nouvelle-Aquitaine. « Le site de Jidé accueillera donc bel et bien un pôle culturel axé sur la création et l’image et ce projet sera inscrit dans le Contrat de plan Etat-Région », insiste Alain Rousset. « Le dessin de presse y aura  toute sa place ».

Le président du Département Jean-Claude Leblois a été le premier à réagir, le 10 janvier, avant même l’annonce officielle. « La candidature conjointe de Limoges et Saint-Just-le-Martel répondait à tous les critères d’attribution. Cette dernière a rencontré un large consensus, que ce soit de la part des élus locaux, mais aussi de la part des dessinateurs qui n’ont pas manqué, au cours de ces derniers mois, d’adresser leur soutien à ce projet ». Il estime que « Bâtir la Maison européenne du dessin de presse et de la caricature en Haute-Vienne aurait pourtant été un symbole, une reconnaissance. Cela aurait prouvé que mettre la culture ailleurs qu’à Paris, ce n’est pas l’enterrer ».

Pour Émile Roger Lombertie, le maire de Limoges, cette décision est incompréhensible car elle « méconnaît les nombreux atouts d’une implantation locale unanimement soutenue et l’expérience de notre territoire dans quatre décennies de soutien apporté à cet art populaire mais aussi aux dessinateurs de presse ». Et d’ajouter qu’elle « marque la persistance d’un centralisme étatique qui dénie toute capacité d’initiative aux élus de terrain et condamne les villes moyennes à la portion congrue, alors qu’elles semblent désormais plébiscitées par les citadins fuyant la turbulence des métropoles ».

 Une manifestation samedi à Saint-Just

Chez les dessinateurs installés en région, comme Jean-Louis Savignac, un des habitués du Salon depuis 1983 et installé en Dordogne, c’est la déception. « Pour moi, il y a eu des influences de cour. C’est une décision très jacobine, qui est prise sans lien avec le travail mené sur le terrain. On assiste à une centralisation à tout prix. Cela ressemble beaucoup à la désertification à laquelle on assiste dans nos territoires ruraux, elle est à la fois médicale, administrative et culturelle. On a un lieu qui pourrait être un pôle d’attraction extraordinaire et on en s’en prive ». Jean-Louis Savignac n’hésite pas à parler de parisianisme. « Il faut faire en sorte que le dessin de presse à Saint Just perdure ». En réaction, il nous offre un dessin, inspiré au lendemain de la décision prise par le Président de la République :

Dessin de Jean-Louis Savignac, dessinateur, suite à la décision d'Emmanuel MacronJean-Louis Savignac

Dessin de Jean-Louis Savignac, dessinateur, suite à la décision d’Emmanuel Macron

Même son de cloche du côté des organisateurs du Salon. « On est forcément déçu et outré de la façon dont ça s’est passé », commente Guy Hennequin coprésident du Salon de Saint-Just.« On prend acte mais on a des regrets surtout qu’on a l’impression que les dés étaient pipés. Nous avons a été menés en bateau, nous sommes persuadés que la décision était prise d’entrée en faveur de Paris parce que c’était le souhait de Maryse Wolinski ». Cette dernière avait contacté l’Elysée en demandant la création d’une maison du dessin de presse à Paris après les attentats pour répondre au souhait de son époux. « Dans le contexte, Macron s’est laissé embarqué, estime-t-il, c’est dommage pour les territoires et les initiatives populaires culturelles car c’était une opportunité pour le Limousin alors qu’un musée de plus à Paris, ça ne va pas changer grand chose ». Il attend maintenant des retombées. « Tout n’est pas perdu pour Saint-Just, c’est ce qu’on nous a laissés entendre, il n’est pas question d’enterrer le salon, au contraire de le renforcer. On attend des retombées dans une perspective d’amélioration de notre salon ».

Autre sujet d’inquiétude, le Centre de conservation des œuvres et du fonds documentaire qui était le point fort de la candidature haut-viennoise, sera localisé à Amiens. La ville a été retenue pour archiver le fonds de la Bibliothèque Nationale de France suite à un appel à candidatures lancé avant ce projet de la Maison du dessin de presse. « Amiens, cela ne nous intéresse pas trop, ça fait une trotte s’il faut y aller chaque fois qu’on montera une exposition, lance-t-il, cette question reste en suspens comme plein d’autres ».

Une manifestation partira samedi à 10h30 de la mairie de Saint-Just le Martel pour rallier l’espace Loup où des élus locaux se joindront au cortège à 11h. Le dessinateur Placide sera présent et les dessins reçus suite à cette annonce seront présentés.


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