« Un fabuleux progrès de la responsabilité » pour Alain Rousset, une réforme sans laquelle les changements opérés dans le pays depuis une trentaine d’années n’auraient jamais été possibles pour François Hollande, la décentralisation reste donc dans le souvenir des deux invités comme une réforme majeure et une avancée notable de la Cinquième République. Une réforme pourtant mise à mal par la situation de recentralisation actuelle que dénonce le président du conseil général de Corrèze, et qu’il s’engage par ailleurs à combattre s’il atteint le graal élyséen. « Il n’est pas vrai qu’un Président de la République peut agir sur tout, déclare-t-il, qu’il peut être responsable de tout sauf de lui même », déclenchant par ses propos une salve d’applaudissements dans la salle.
Le nerf de la guerre : le financement
La décentralisation, on l’aura compris, fait aujourd’hui partie des piliers du fonctionnement de nos institutions, mais encore faut-il que les collectivités aient les moyens de subvenir à leurs besoins. Le financement, voilà donc le nerf de la guerre. « Aujourd’hui, les collectivités territoriales n’ont plus l’autonomie fiscale, assène François Hollande. « Mais nous, si nous revenons demain à la responsabilité du pays, nous devons faire des choix qui vont être forcément courageux, parce qu’il va falloir affecter à chaque niveau de collectivité locale un ou plusieurs impôts »ajoute-t-il plus tard. D’où sa proposition de mettre en place un impôt additionnel, c’est-à-dire que chaque collectivité « va pouvoir ajouter une part d’un impôt d’état ». Et cela constituera parallèlement une garantie pour les citoyens, qui pourront juger leurs élus sur ce prélèvement fiscal. « Liberté et responsabilité » sont donc les deux grands principes qui sous-tendent ce programme. Alain Rousset rejoint les propos de son confrère ; pour lui, le bon impôt pour les collectivités territoriales serait en effet un impôt lié à la valeur ajoutée ou un impôt sur les sociétés.
Un conseiller territorial « à jeter »
Quant à savoir ce qu’il faudrait « jeter » de la réforme territoriale du 16 décembre dernier, les deux accolytes sont unanimes : le futur conseiller territorial, qui remplacera les conseillers généraux et régionaux. Une aberration, selon François Hollande, puisque ce ne sont pas les mêmes compétences qui sont mobilisées dans chacun des postes. Pour Alain Rousset, ce qui est criminel dans cette loi, c’est que l’on se retrouve à devoir choisir « entre la salle des fêtes, qui s’inaugure et l’innovation, qui ne s’inaugure pas ». Une phrase qui met en exergue le dilemme auquel sera confronté le conseiller territorial, tiraillé entre les exigences du département qui amènent à la cantonalisation et à l’agissement au cas par cas, et celles de la région, qui nécessitent de dépasser ces clivages pour gérer la région dans son ensemble. Et la suppression de la clause générale de compétence dans tout cela? Encore une fois, c’est une idée à revoir, puisque cette clause est la clé de l’innovation, une innovation essentielle pour les collectivités territoriales.
Le rôle essentiel de la contractualisation
Innover, oui, mais encore faut-il en avoir les moyens. La lancinante question du financement revient donc une fois de plus sur le tapis. La solution pour les deux intervenants : la contractualisation avec l’état.Selon le président du Conseil régional d’Aquitaine, « le contrat est à la fois un instrument de planification et un instrument de participation. Aujourd’hui le système des appels à projets systématiques fait que l’on met tout le monde en concurrence ». Pour François Hollande, il faut à la fois plus d’état et plus de décentralisation. C’est-à-dire avoir d’une part un Etat servant à fixer les grands objectifs qui unifient la nation, et d’autre part, des régions disposant par exemple d’un pouvoir réglementaire ou de la politique de formation. « Il faut faire ce pari-là, et c’est en faisant ce pari qu’on arrivera à mobiliser nos territoires et l’Etat, explique-t-il, si on ne fait pas ce pari, l’Etat sera de plus en plus pauvre et on va vers une espèce d’impasse générale. ». Pour conclure, « la recette du succès » selon François Hollande, c’est « un président qui sera capable de fixer le cap et de s’y tenir, et en même temps des territoires qui se mobilisent. »
Bérénice Robert
Crédit photo : Bérénice Robert, Aqui!