@qui! : Qu’est ce que l’agroforesterie successionnelle ?
Opaline Lysiak : Pour comprendre ce qu’est l’agroforesterie successionnelle, il faut d’abord garder un principe à l’esprit : « Tout sol appelle la forêt ». Ca signifie qu’un sol sur lequel il n’y a pas d’intervention humaine va naturellement tendre à devenir, ou redevenir une forêt. Quand on fait de l’agriculture et qu’on veut garder un champ de maïs en rotation avec différentes cultures à tendance à s’appauvrir. Or les êtres humains veulent bien manger, avoir des sols fertiles et de qualité et des paysages agréables à regarder et à vivre, avec de l’ombre notamment. L’agroforesterie successionnelle a pour but de créer un système où l’on traduit « la recette de la forêt », pour produire de la nourriture et du bois.
Concrètement, la forêt est composée de plusieurs strates de végétaux, de la plus basse, où il y a peu de lumière, à la plus haute, qui bénéficie à 100% de la lumière du soleil, c’est notamment le cas du chêne qui surplombe l’ensemble. Or ce qu’on observe dans la forêt, on peut le reproduire en tant qu’agriculteur avec par exemple, un système de plantes à ras du sol, puis des framboisiers, des noisetiers, des cerisiers, des peupliers et du chêne… Un système global qui permet ainsi à la fois de produire de la nourriture, et à terme du bois d’oeuvre. Et cela peut s’appliquer tant à un système céréalier, maraîcher, à la vigne ,même si sur cette production les mises en place sont assez récentes, et à l’élevage.
@! : Cette « nouvelle agriculture » peut donc s’adresser à toutes les productions, mais pour l’heure c’est principalement au Brésil et son climat tropical que l’agroforesterie successionnelle s’est développée, le système que vous évoquez peut-il être aussi efficace en France, où le climat est bien différent ?
O.L. : On peut faire de l’agroforesterie successionnelle partout où il y a de la forêt. C’est vrai qu’au Brésil, la climat fait que le système pousse plus vite, jusqu’à 5 fois plus vite que sous nos lattitudes. En France les choses se feront plus lentement, mais c’est simplement une donnée à prendre en compte dans son projet pour pouvoir l’adapter au mieux. En ce qui me concerne, je vais m’installer en Bretagne l’an prochain. Mes premières plantations, des arbres à petits fruits ne me permettront de récolter que dans deux ans, mais j’aurai des poules pondeuses pour pouvoir vivre, et dans 10 ans j’aurais des noix, et dans 30 ans, je pourrai commencer à abattre des arbres, des chênes pour avoir du bois d’oeuvre et assurer l’avenir de mes enfants…
« De l’agroécologie à fond les ballons ! »
@! : Il faut donc penser à un système sur le long terme, on est loin des objectifs de rentabilité et productivité immédiate….
O.L. : Le système de l’agriculture syntropique, autre nom de l’agroforesterie successionnelle, qui traduit bien que cette agriculture se définit par la création de complexité (syntropie) plutôt que par la destruction du complexe vers le simple (entropie), est basée en effet sur la succession dans le temps, mais aussi sur l’organisation de l’espace et surtout sur la production de biomasse. Certains arbres, vont être taillés de manière intense pour nourrir le sol et accélèrer la pousse des arbres fruitiers par exemple. Il y a donc des arbres qui vont être dédiés à servir la régénérescence des sols, permettant d’amener plus de fertilité et moins d’entrants, et d’autres seront davantage dédiés à la production. C’est de l’agroécologie à fond les ballons !
@! : Lors de la formation que vous co-organisez en février en Gironde, et à laquelle vous participez en tant que formatrice, outre les agriculteurs intéressés, vous avez tenus à ce que des étudiants soient également présents. Pourquoi ?
O.L: Je suis passionnée de pédagogie, et notamment dans le domaine de l’agroécologie. A travers l’association les Agron’Hommes je développe des projets pour apprendre l’agroécologie par l’expérience. Le dernier projet en date est l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse. Des étudiant vont profitter de leur année de césure pour aller se former en pratique auprès d’agriculteurs dans différents pays et ils vont démarrer leur expérience en agroécologie par cette formation, qui leur donnera une boîte à outils de l’agroforesterie successionnelle. Ils en seront ensuite aussi les ambassadeurs en quelque sorte puisque durant la formation, ils vont réaliser des articles, des photos, des vidéos et jouer les reporters pour revaloriser cette expérience au sein de leur école mais aussi plus globalement pour produire des supports pédagogiques et de communication qui permettront de partager l’expérience à une large échelle.
@!: Concrètement comment sera organisée la formation ?
OL : Il y aura une première partie en ligne. Une sorte d’échauffement au début de la formation, qui permettra de voyager virtuellement dans certains pays comme le Brésil pour comprendre le contexte dans lequel cette agriculture s’est développée. La formation comprend au total 4 jours en février et 1 jour au printemps, dont la date n’est pas encore fixée. En hiver cela permet de planter les arbres et au printemps de planter les légumes, et de voir comment les arbres se sont implantés. Les journées sont en effet organisées en deux temps : le matin la formation se fait en salle de manière théorique et l’après-midi on passe à la pratique sur une parcelle expérimentale de la ferme du Bosquet qui nous accueille, car d’après moi c’est par l’expérience que l’on apprend le mieux. Je dois aussi préciser qu’à mes côtés, il y aura deux autres formateurs, Felipe Amato et Steven Werner, experts en agroforesterie successionnelle, tous deux formés par son inventeur, Ernst Götsch.
Plus d’infos :
Formation du 10 au 13 Février à Castets en Dorthe (33)
Tarif : 600 euros en cas d’autofinancement mais pour les agriculteurs, un financement possible via VIVEA, le Réseau OPCA-OPACIF ou le FAFSEA.
Laure AMAR au 04 66 61 91 18 – amar@icosysteme.com
Détails : www.icosysteme.com/events/agriculture-syntropique-en-climat-tempere/
Plus d’informations sur le projet Les Agron’Hommes : https://lesagronhommes.com