Qu’est-ce qui pourrait le sauver? Son aisance à évoluer dans la nature, la pêche à la truite où il fait des merveilles, sa force de caractère qu’ il lui faudrait canaliser pour le meilleur de lui-même, ou encore sa curiosité intellectuelle? Peut-être Léonard, ancien enseignant exclu de son travail et vivotant de trafics de drogue, répondrait-il à la confuse recherche de Travis. Figure ambiguë d’une liberté réduite à des acquêts pas très impressionnants (un mobil home pourri pour tout domicile), Léonard l’accueille pourtant chez lui. C’est que Travis, puni par les trafiquants, s’est fait salement amocher la cheville, et son père continue à le rejeter.
C’est dans cette position de réfugié qu’il trouve auprès de Leonard les ressources nécessaires pour tenter sa chance à un examen universitaire, tout en approfondissant avec lui l’héritage mystérieux de sa famille.
Les passages du livre relatifs à un épisode de la guerre de Sécession, un massacre d’hommes ayant épousé la cause des Nordistes dans un comté très divisé, sont parmi les plus réussis. Ils scandent la progression de l’intrigue à travers la présence d’extraits du journal du médecin local. Ils ancrent l’histoire dans un aller-retour entre le passé et le présent, mais aussi dans l’épaisseur même de cette terre où Travis découvre des vestiges de cet épisode sanglant.
Ron Rash excelle à restituer dans son univers littéraire, de manière lumineuse et empathique, les espaces américains.
La trame d’un roman noir court le long de l’histoire, elle culmine vite et bien au terme de ce livre d’apprentissage à découvrir. Vous ne le regretterez pas.
Ron Rash : le monde à l‘endroit – traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez – Points Seuil – 318 pages – 7,20 €