Le collectif « Urgence grande ligne D », créé dans la foulée des dernières départementales par Jacques Mangon, tenait ce jeudi 8 octobre une journée spéciale consacrée aux objectifs de mobilités métropolitains. Aux côtés de Stéphane Saubusse (militant EELV) et d’Etienne Lhomet (qui a été l’un des principaux pilotes de la construction du réseau de tram dans les années 2000), le maire de Saint-Médard est revenu sur le défi de cette nouvelle extension dans les allées du salon ITS de Bordeaux-Lac. Il nous en a spécifié les enjeux en réponse à trois questions.
@qui! – L’association Trans’cub affirme que les collectivités locales ont une « fascination pour le « tout tramway ». Avec cette extension vers Saint-Médard, la ligne D coûterait donc 310 millions d’euros (270 sans ce tronçon de 4,1 kilomètres). Les membres de l’association militent notamment pour le « tram bus », un bus hybride, 100% électrique, qui coûterait entre 8 et 10 millions d’euros du kilomètre. Avec le coût initial de la ligne D, Trans’cub affirme que l’on pourrait équiper en Tram Bus la ligne D, E et les liaisons vers l’Aéroport et Gradignan. Bayonne a récemment franchi le pas en ouvrant deux lignes de tram’bus. Le tramway vers Saint-Médard est pour vous la seule solution possible ?
Jacques Mangon – La situation des bus améliorés et autres BHNS (Bus à haut niveau de service) est très simple. Nous serions dans un schéma structurant : on ferait une ligne totalement en site propre où ce bus circulerait sur une voie réservée, ce qui entrainerait un gain de temps. Le problème, c’est que dans ce cas là, le prix de cet équipement serait de l’ordre de 12 à 15 millions d’euros du kilomètre (contre 17 millions d’euros du kilomètre selon les chiffres du collectif « Urgence grande ligne D »), soit très proche de celui du tramway, mais n’en aurait pas la capacité. Cet investissement serait donc à reprendre au bout d’un certain temps. Quand on reprend l’investissement concernant les bus, on doit dépenser presque autant que si nous n’avions rien fait : les sous-bassements ne sont pas les mêmes, la voierie doit être refaite… C’est un investissement à court-terme, qui atteint sa limite très rapidement. Si nous le faisions de manière peu coûteuse, nous serions obligés de réduire sa présence en site propre et de l’intégrer à la circulation générale, alors qu’à Saint-Médard elle est déjà très engorgée. Il faudrait donc choisir entre l’innefficience et la gabegie. Trans’cub prend comme référence la ligne D jusqu’à Eysines qui a été fait avec un certain nombre d’investissements plus luxueux, comme l’alimentation par le sol sur certaines parties ou des stations assez rapprochées. Ce qu’on propose, avec ce concept de tramway périurbain, on le veut sans luxe : pas de station tous les 500 mètres, pas d’aménagement trop coûteux. Nous sommes sur une zone qui correspond à l’ancienne voie ferrée, on diviserait donc les coûts de manière très importante. Il n’y a donc pas photo, et l’opposition de Trans’cub paraît assez dogmatique, de principe.
@qui! – La ligne D a été l’un des points centraux lors de votre campagne pour les départementales contre l’ancien maire socialiste Serge Lamaison. Vous avez donc fondé ce collectif dans la foulée, et mis une pétition en ligne. Depuis sa mise en ligne il y a quelques semaines, elle a été signée par près de 2000 personnes. C’est l’aveu d’un intérêt de la part des habitants, selon vous ?
Jacques Mangon – La pétition et le collectif se développent très bien, et il va poursuivre ses actions, notamment via du porte à porte dans le courant du mois de novembre pour informer les habitants, ou l’organisation d’un grand colloque sur la mobilité urbaine et périurbaine en janvier à Saint-Médard en Jalles. C’est un besoin qui est ressenti sur le terrain, et les gens le comprennent bien. Ils vivent une forme d’injustice, ne comprennent pas pourquoi nous sommes dans cette situation. Aujourd’hui, il faut une heure et demie pour aller de Saint-Médard au centre ville de Bordeaux aux heures de pointe. C’est hallucinant, en sachant que nous sommes la cinquième ville de l’agglomération par notre population dans un secteur géographique qui concentre beaucoup d’emplois et qui va en concentrer encore plus dans l’avenir. Le concept d’urgence est ressenti réellement par les gens, ce n’est pas une guerre de clocher ni une promesse électorale. D’autant plus que son aménagement aurait déjà un coût maîtrisé, les coûts d’exploitation étant déjà couverts par les seuls revenus tarifaires (pour une fréquentation d’environ 4000 usagers quotidiens). Cette liaison a été inscrite en septembre 2014 au Schéma Directeur Opérationnel des Déplacements Métropolitains (SDODM). C’est acquis, mais il faut selon nous accélérer le calendrier au maximum. Cette mobilisation est faite pour qu’il y ait des répercutions aussi vite que possible sur ce chantier.
@qui! – Cette nouvelle desserte serait donc pour vous moins une promesse électoraliste qu’un vrai enjeu territorial ?
Jacques Mangon – Bien sûr, elle ouvrirait des portes sur toute une zone de dessertes d’une partie du Médoc (notamment littoral) qui a besoin de cette ligne. Ce n’est donc pas uniquement une histoire municipale. L’insuffisance de la situation actuelle fait que les problèmes sont en train de s’aggraver de plus en plus. La desserte d’équipements comme le Carré des Jalles, scène artistique importante de la Métropole, fait déjà venir pas mal de bordelais, mais il est évident que si nous avions cette extension, il en viendrait deux fois plus. Sans parler des contraintes fortes imposés aux étudiants… Et puis il y aura au sein du collectif d’autres collectivités, des associations, c’est d’ailleurs ce qui en fait tout son intérêt. Nous pensons qu’on peut techniquement et financièrement obtenir cette extension à l’horizon 2020. Il y a des débats, des experts qui pensent qu’on est un peu optimistes, mais nous continuons à le penser. D’ici là, nous n’allons pas développer d’autre projet alternatifs en matières de transports, ça ne serait que des pis-allers qui ne résoudraient rien et dépenseraient de l’argent public. On bénéficiera d’un bus à haut niveau service qui couvrira un petit delta entre Bordeaux et Saint-Aubin de Médoc (en appui à la ligne D, projet chiffré à 100 millions d’euros), mais il n’y aura pas d’autre réponse structurante que celle-ci.