Irrigation: le « match retour » se tiendra devant le juge


La goutte de trop… ou de moins. Les syndicats agricoles FDSEA et JA des 4 départements du bassin versant de l’Adour, judiciarisent leur combat pour l’eau en réaction « aux attaques incessantes d’associations environnementales ». Une première.

un groupe d'hommes au bord du lac du GabasSolène MÉRIC | Aqui

Les agriculteurs irrigants ont décidé de "se défendre avec acharnement" devant le tribunal

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 28/08/2024 PAR Solène MÉRIC

L’été dernier, déjà, les agriculteurs irrigants du bassin de l’Adour avaient eu quelques frayeurs, lorsque des associations environnementales avaient attaqué devant le juge l’arrêté interprefectoral d’autorisation des prélèvements d’eau destinée à l’irrigation de leurs cultures. Le tribunal administratif de Mont-de-Marsan n’avait pas donné suite.

Abaisser les autorisations de prélèvement de 25%

Cette année le juge du TA de Pau, saisi par les mêmes associations (France Nature Environnement Occitanie Pyrénées, Sepanso 64 et la Sepanso 40, ainsi que et Les Amis de la terre 32), en a décidé autrement. Il a ordonné, début août, de suspendre l’arrêté de même nature pris pour la campagne d’irrigation 2024, en enjoignant l’administration à abaisser les autorisations de prélèvement, proposant une baisse de 25% des volumes en période d’étiage. Un chiffre qui a fait froid dans le dos aux agriculteurs.

Résultat : le volume de prélèvement autorisé par l’arrêté initial pour 2024, prévu à 203 millions de mètres cubes (contre 207 en 2023), a été réduit à 193 millions par les services de l’État, soit bien moins que les recommandations du juge.  Charge au Syndicat mixte Irrigadour de gérer ces volumes par une répartition équitable entre les irrigants et les territoires des sous-bassins de l’Adour répartis sur les départements du Gers, des Landes, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées. 

Des volumes d’eau qui proviennent pour le département des Pyrénées-Atlantiques des retenues de stockages, à l’image du lac du Gabas (à Eslourentis) et ses quelque 20 millions de mètres cubes d’eau, partagés « pour moitié entre les acteurs économiques, (très largement l’agriculture) et le soutien à l’étiage des cours d’eau », décrit Guy Estrade, président des irrigants du département des Pyrénées-Atlantiques.

En cette fin août, les réservoirs sont pleins à 55 %. Ici le lac du Gabas est à 61 % de sa capacité. C’est un confort sans précédent !

C’est sur la digue de ce lac encore bien rempli, que les représentants des syndicats agricoles FDSEA et JA et des irrigants des départements concernés, ont convié la presse ce 27 août. Une rencontre pour exprimer leur « grosse colère » et leur exaspération sur la situation. Un sentiment d’être « pris en otage et d’être attaqués en permanence sur le respect des règles par ceux qui prônent par ailleurs la désobéissance civile. C’est cocasse…! », ponctue poliment Guy Estrade.

Une exaspération d’autant plus forte que pour le président de la FDSEA des Landes, François Lesparre, notamment, le recours judiciaire des associations qui ont eu l’oreille du juge, arrivent une année, où sur ce territoire, « les ressources sont là en abondance ». « En cette fin août, les réservoirs sont pleins à 55 %. Ici le lac du Gabas est à 61 % de sa capacité, nous n’avons pratiquement pas eu de restrictions… C’est un confort sans précédent ! », ponctue Jean-Luc Capes, élu de la chambre d’agriculture des Landes et président de l’AGIL (Association de Gestion de l’Irrigation Landaise).

A cheval entre Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées, la réserve du Gabas à une capacité de 20 M de mètres cubes d’eau, partagés entre agriculture et soutien à l’étiage. Au 27 Août 2024 il est rempli à plus de 60% selon les représentants des irrigants.

Une action en tierce opposition pour un nouveau jugement

Un jugement au « doigt mouillé », qui telle « la goutte qui fait déborder le vase », a donc motivé les agriculteurs à porter à leur tour une action en justice en tierce opposition devant le tribunal administratif de Pau. Derrière les jeux de mots faciles, la volonté est de se défendre « avec acharnement, assurent les agriculteurs. Ce jugement c’est fait sans nous, alors que nous sommes les premiers concernés ». Le recours judiciaire qu’ils ont décidé d’entamer est inédit sur ce territoire, et suivi : « 1200 irrigants ont accepté de payer 150 euros par personne pour pouvoir lancer cette démarche », précise Jean-Luc Capes.

Une requête acceptée par le tribunal, qui sera donc amené à rejuger le dossier le 3 septembre prochain. « Le match retour » pointe les syndicalistes qui invitent les irrigants à venir « sagement » mais en nombre devant le tribunal le jour J. La réflexion est même lancée, pour ne pas dire avancée, sur « un probable recours en cassation, avec cette fois l’accompagnement des conseils départementaux », glisse déjà le représentant de l’AGIL.

Situation figée

Au-delà de cette contre-attaque judiciaire, le ras le bol est plus large encore. « Chaque année, l’État écrête nos autorisations de prélèvement de 5 à 6 % y compris quand les ressources sont là, comme cette année, ça ne peut pas continuer comme ça » dénoncent les uns. « Face à nous il y a un double discours, on s’engage dans des PTGE (Plan territoriaux de gestion de l’eau), on participe à des Grenelles sur l’eau, à des plans sur l’eau… Mais au final on reste à la merci d’associations non représentatives du territoire ! » se désolent les autres.

Bernard Fidel

Irrigation dans les Landes

Tous en tout cas dénoncent une situation « figée », notamment sur la création de ressources nouvelles, « qui n’est pas tenable », estiment-ils tant en terme de production que d’espoir de voir s’installer de nouveaux agriculteurs. Autre point mis en avant : un hiatus sur le mode de gestion : « la loi gère les prélèvements en se réferant aux volumes, nous nous avons une gestion débitmétrique, qui nous permet de moduler les lâchages entre irrigants. On espère que le législateur pourra _bientôt, qui sait…?_ s’attaquer à mettre en route quelque chose de pragmatique et d’efficace ».  Un sujet de plus que les atermoiements politiques actuels mettent en pause.

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