@qui! – Depuis quand faites-vous les marchés ?
Gérard Cherrier – On fait les marchés depuis sept ans à peu près. Avant, on passait par une coopérative, surtout pour l’asperge. On s’est aperçu qu’on ne faisait pas la loi et que c’était eux qui imposaient leur prix. Alors on a décidé, petit à petit, de vendre directement du producteur au consommateur.
@! – A partir de quel moment vous avez commencé à rentrer dans vos frais ?
G.C. – C’était pas vraiment une question de frais, il fallait surtout expliquer le produit au consommateur pour le vendre. Il a fallu qu’on leur explique que c’était vraiment une variété spécifique et de quelle manière on la cultivait. Les gens pensaient que l’asperge verte, c’était de la blanche qu’on laissait pousser. L’asperge blanche représente toujours 80% du marché mais maintenant il y a une nouvelle tendance. Avec tous les livres de cuisine et ce que l’on voit à la télévision, on mange beaucoup plus d’asperge verte maintenant qu’il y a dix ans.
@! – Et depuis, plus rien via les coopératives ?
G.C. – Non, absolument rien. On travaille encore un petit peu avec le Super U de Lavardac. Mais par contre, la personne qui s’en occupe est un patron. Donc on a affaire directement à lui. Je lui présente un produit de qualité et c’est moi qui impose mon prix. Bon, ils n’en prennent pas des quantités incroyables. Quand on voit des grandes surfaces, on se dit qu’ils vont prendre des volumes importants. Mais en définitive, ils préfèrent prendre peu et renouveler pour avoir toujours un produit frais et de qualité.
@! – Quels sont les avantages de la vente directe ?
G.C. – L’avantage, c’est le prix. On n’a plus de main d’œuvre, ni de frais pour l’emballage. Et puis, il n’y a pas d’intermédiaire. Ce qui fait que le consommateur est ravi du prix par rapport à la grande surface. En plus, on a le contact avec le consommateur qui nous pose souvent beaucoup de questions.
@! – Qu’est-ce que vous pensez des producteurs qui passent encore par le réseau habituel ?
G.C. – Ils sont pas maîtres de leur produit. Ils ont comme un collier étrangleur en restant tributaires des grandes surfaces. Nous, on préfère avoir une production moindre pour pouvoir imposer notre prix. Mais la majorité des exploitants est obligée de passer par la grande distribution parce qu’ils produisent en gros volume. Il ne faut pas oublier que les trois quarts des gens font leurs courses en grande surface. Il y a plus de marchés locaux maintenant, mais le problème c’est qu’il faudrait vraiment différencier à 100% les producteurs des simples revendeurs.
@! – Vous avez déjà conseillé à d’autres agriculteurs de faire les marchés ?
G.C. – C’est assez personnel. Tout le monde ne peut pas faire les marchés non plus. C’est de l’esclavage. Il faut se lever de bonne heure, être organisé, avoir un véhicule, préparer les marchés le soir… C’est toute une organisation. On peut pas le faire à n’importe quelle échelle. A une grosse échelle, c’est impossible. Moi j’ai ma femme avec moi. Tout seul, je ne pourrais pas le faire. Il faut avoir le contact humain, c’est très important aussi. Pouvoir discuter avec les gens, plaisanter, être sympathique, diplomate… C’est du commerce, il faut pas se voiler la face.
@! – Finalement, vous ne semblez pas avoir de regrets ?
G.C. – Ha oui ! Ça nous permet de sortir de l’exploitation, de voir du monde, de discuter, d’avoir une autre approche. Si on ne faisait pas ça, on aurait du maïs qu’on irait livrer dans une coopérative. Là c’est complétement différent. On a le plaisir d’avoir ce contact, de pouvoir parler de notre situation et de notre produit. Et ça, c’est très important.
Propos recueillis par Thomas Guillot
Crédit photo : Gérard Cherrier