Marin Ledun : Aucune bête – IN8- collection polaroid-8,9€- février 2019- 75 pages
Voici Vera, coureuse de 24 heures non-stop : elle a entrepris de revenir à la compétition après une suspension qu’elle juge injuste. À bientôt 50 ans, ouvrière, elle veut sa revanche ; ses trois filles et son mari forment son équipe de soutien. C’est dire si l’on est loin du monde étincelant des étoiles de l’athlétisme. Dans cette épreuve, elle affronte tout particulièrement une concurrente, Michèle, pour la première place féminine. Bien sûr, la souffrance, le dépassement, la violence faite au corps, Marin Ledun exprime tout cela avec autant de justesse que de conviction. Mais courir, c’est aussi « un modèle de liberté et de résistance aux forces obscures du monde, un bras d’honneur magnifique brandi à la face de l’injustice de la vie des femmes comme elle ». On y ajoutera un hommage « aux corps imparfaits », beau plaidoyer pour une revanche de vie de ces concurrentes. C’est enfin un récit qui porte à bras-le-corps la révolte et le combat d’une femme, ici et maintenant.
Nicolas Mathieu : Rose Royal– IN8-collectionPolaroid- septembre 2019- 8,90 €- 78 pages
Rose, c’est la vie : proche de la cinquantaine, elle affiche plaisamment l’apparence d’une seconde adolescence : « À distance, il était difficile de lui donner un âge, mais elle conservait une silhouette évidente, une élasticité d’ensemble, qui ressemblait encore à de la jeunesse. » Bon, voilà le versant bien agréable de sa vie. Et tout le reste va, globalement, dans le même sens : un boulot dans une petite ville de la Meuse, des soirées agréablement alcoolisées dans son bistrot de prédilection, où elle aime bien parler avec sa copine Marie-Jeanne de son passé de mère lointainement divorcée, de ses enfants maintenant élevés et de ses amours, couci-couça ; parfois, avec les hommes, ça a pu tanguer et elle a prudemment acquis un revolver qu’elle trimballe dans son sac à main. En route vers sa destinée d’héroïne de papier, Rose embarque le lecteur, séduit et empathique ; en même temps qu’il adopte, par la puissance et la grâce du récit, un regard extérieur pour comprendre un itinéraire somme tout déjà tracé et en saisir le caractère tragique et ordinaire.