Ils étaient heureux et parfois émus de signer leur CDI. Le premier pour certains. Il aura fallu presque six ans pour que cette EBE, la première en Limousin, voit le jour. L’idée avait été lancée le 5 décembre 2018 mais c’était sans compter les nombreux obstacles à surmonter pour arriver à ce jour. Cette structure inédite sur ce secteur géographique, présidée par Estelle Delmont, peut embaucher des chômeurs longue durée. Cette initiative, véritable expérimentation à l’échelle nationale, s’inscrit dans la démarche Territoire Zéro Chômeurs de Longue Durée (TZCLD) voulue par le Pays Monts et Barrages.
Il a fallu d’abord impliquer des volontaires éloignés durablement de l’emploi puis définir un projet. Ils ont identifié des services nouveaux complémentaires pouvant répondre aux besoins des habitants, des entreprises et des collectivités locales et plus largement, des citoyens. Des services qui ne concurrenceraient pas le tissu économique local.
« Plus de 150 propositions de services »
Ces services et travaux utiles à la population ont été détectés par des volontaires réunis au sein du Comité local pour l’emploi en place depuis trois ans. « Il y a eu plus de 150 propositions de services suite au recensement des besoins locaux rappelait Claudine Giraud présidente du CLE de Noblat, l’équipe projet a oeuvré corps et âme pour cette ouverture. Peu à peu des entreprises, des associations, des élus et des financeurs nous ont soutenus. »
L’EBE s’est recentrée sur trois pôles avec des salariés qui sont tous polyvalents. « Il s’agit des fonctions supports, secrétaire et comptabilité, de l‘économie circulaire, avec le recyclage de bois et de tissus précise Marie Bonnetblanc la directrice, les salariés ont par exemple fabriqué un pupitre en bois de palettes et des manges-debout qui seront vendus. Le dernier pôle regroupe les prestations de services aux particuliers, entreprises et collectivités, avec la mobilité comme aller faire les courses mais aussi l’aide à la préparation de chantiers et le petit bricolage. »
Les salariés vont ainsi rénover ou fabriquer des meubles, réaliser des travaux de couture en réemployant des tissus ou encore fabriquer du papier avec l’appui du Moulin du Got. Et dès l’année prochaine, 15 postes en CDI supplémentaires sont d’ores et déjà envisagés.
« Un emploi réellement utile à la société »
Privée d’emploi depuis onze ans Julie, âgée de 44 ans, ne parvenait pas retrouver un poste malgré une double formation en hôtellerie/restauration et infographie. « C’était compliqué avec mon dernier employeur d’exercer mon métier, d’un point de vue médical, raconte-t-elle, j’ai été arrêtée longtemps et j’avais du mal à répondre aux annonces. Je ne me sentais pas à l’aise dans ma recherche d’emploi.» Les années défilent et Julie ne voit pas de solution pour décrocher un job sauf la démarche TZCLD qu’elle découvre en 2020 lors d’une réunion sur sa commune. « J’ai trouvé l’idée innovante et intéressante que ce soit l’entreprise qui s’adapte au salarié et non l’inverse, le monde du travail devrait ressembler à ça ! Je me voyais bien reprendre un emploi dans une entreprise comme celle-là. » C’est avec beaucoup d’émotion qu’elle a signé son CDI de 10h30 par semaine. « Je verrai si je peux augmenter ensuite mon temps de travail mais c’est déjà une joie de signer un CDI après toutes ces déconvenues. »
En avril, nous avions rencontré sa collègue Myriam alors que le financement du Département avait été retoqué. Elle était « très déçue et en colère » alors qu’elle devait signer son contrat le 1er mai, date hautement symbolique. C’est le poing levé et le sourire aux lèvres qu’elle a signé, mardi soir, un CDI de 32 h par semaine après plus de deux ans sans emploi. « J’ai fait plein de petits boulots jusque là, technicienne de cinéma, garde d’enfants, fermière et serveuse énumère-t-elle. J’avais envie de trouver un emploi réellement utile à la société, plus qu’à une entreprise, un emploi qui donne du sens à mes journées. J’espère faire de la rénovation de meubles et fabriquer du papier, bref tout ce qu’on me demandera de faire pour que cette entreprise réussisse. Cela peut être un appel d’air pour les autres projets. Il y a eu des bonnes fées sur le berceau de celle-ci.»
Deux projets sont dans les tuyaux sur les communautés de communes Portes de Vassivière et Briance Combade mais tout reste à faire pour qu’elles éclosent. « Le but est aussi de redonner des perspectives et de l’espoir soulignait Alain Darbon, président de la Communauté de communes de Noblat. C’est un projet triple gagnant : pour les personnes embauchées, pour une partie des habitants qui bénéficieront de services nouveaux et pour le dynamisme du territoire pour créer plus de richesse locale. »
Le financement de cette expérimentation repose sur l’activation des dépenses passives liées à la privation d’emploi. Cela consiste à rediriger les budgets publics issus des coûts de la privation durable d’emploi afin de financer des emplois manquants sur les territoires. Les deux sources principales de financement des EBE sont : la réaffectation du RSA, de la complémentaire santé solidaire… via un fonds d’expérimentation abondé par l’État et les départements et le chiffre affaires généré par les EBE en facturant des prestations de services ou de produits.