Mais c’est d’abord, et avant tout, à la renaissance de la presse quotidienne régionale, qu’au lendemain de la Libération, Henri Amouroux prît une part importante. Auprès de Jacques Lemoîne, à Sud Ouest, en tant que rédacteur en chef puis en dirigeant le quotidien au décès de celui-ci en 1968. Le journalisteAmourouxquiappartenait à cette génération qui vécut ardemment la reconstruction du pays,au lendemain de la guerre, avait, d’un journal régional, une conception « engagée ». Non pas au sens politicien du terme, encore qu’il ne rechignait pas à prendre position sur tel ou tel aspect de la vie politique, ce qui ne lui valut pas que des soutiens au sein de la famille gaulliste, lui qui s’était reconnu, de bonne heure, dans les idées du MRP, le Mouvement Républicain Populaire. L’engagement d’un quotidien il le concevait, surtout, comme l’expression privilégiée, sinon exclusive, de la défense des intérêts d’une région et de ses habitants. C’est ainsi que naquît, sous son autorité, la première grande campagne de sécurité routière que la France connût, au début des années 70. Un slogan, « Sud Ouest Sécurité », apposéà l’arrière des véhicules, une foule de reportages, des combats contre les « points noirs », des journalistes en situation de décrire la fatigue au volant, et une centaine de lecteurs allongés à même le sol à une époque où le nombre des morts de la route dépassaient les 15.000 par an. Amouroux avait mis Sud Ouest au service d’une cause d’intérêt général. Avec succès.
Cette passion du journal, de sa relation avec ses lecteurs, a servi, aussi, grandement, son dessein d’historien. C’est, en effet, dans les chroniques et articles de journaux qu’il puisa, avec l’aide de son épouse, une incomparable matière, celle qui vint alimenter « La Vie des Français sous l’Occupation » puis « la Grande Histoire des Français sous l’Occupation », une oeuvre singulière, parfois controversée, mais riche de détails sur cette période sombre de notre histoire contemporaine. Henri Amouroux tenta ensuite, mais en vain, de transposer sa vision du rôle d’un quotidien comme Sud Ouest à France Soir. Ses chroniques à la radio, ses articles au Figaro Magazine, ne lui valurent pas toujours la compréhension de ceux qui avaient passionnément vécu lavie d’un journal à ses côtés mais ils lui conservaient assez d’admiration et de reconnaissance pour le maître es-journalisme qu’il fût. A la fois le défenseur du reportage au long cours et le chantre de la vie quotidienne.
Joël Aubert