La future grande région est ici en première ligne. « Elle possèdera la première forêt de France en surface » rappelle un sylviculteur. Sachant que, pour la seule Aquitaine, la ressource bois est déjà plus que conséquente.
Avec 1,8 million d’hectares de forêts, dont la majeure partie appartient à des propriétaires privés, cette dernière produit surtout du bois d’œuvre, mais aussi des grumes destinées à l’industrie et, pour une part beaucoup plus modeste, du bois chauffage. Ce qui représente 34 000 emplois. Excusez du peu.
Partout, le haut du pavé est tenu par le pin maritime, le chêne et le châtaignier. Autant d’essences risquant d’être impactées par une hausse des températures dont l’ampleur et la rapidité sont soulignées par bien des experts.
Un climat qui s’emballe« Sur le plan national, le réchauffement est très net » remarque Dominique Vrecourt, adjoint au chef de centre de Météo France à Tarbes. Alors que la température s’est accrue de 1,5 degré depuis le début du 20e siècle, la machine climatique parait s’emballer depuis les années 1970. » Le scénario le plus optimiste fait état d’une hausse de 1° à l’horizon 2100. Le plus pessimiste prévoit un accroissement de la température de plus de 4° ». Sur le plan européen, on irait même jusqu’à + 6,4°.
Le grand sud-ouest ne fait pas exception à la règle. Jean-Louis Bergey, le directeur Aquitaine de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en veut pour preuve quelques exemples pris sur le terrain. « Depuis 1960, une hausse de près de 2° est constatée dans l’estuaire de la Gironde. Quant aux vendanges en Saint-Emilion, organisées à peu près aux mêmes dates entre 1900 et 1980, elles ont lieu maintenant de plus en plus tôt . » Sans parler de l’aridité que l’on constate maintenant aussi bien à Pau qu’à Agen ou Toulouse. « Toutes les courbes vont dans le même sens ».
« On a du souci à se faire »Des phénomènes préoccupants accompagnent cette tendance générale. Telles des vagues de chaleur plus intenses et plus longues, mais aussi une réduction des pluies estivales au sud. Ce qui contribue à l’assèchement des sols et multiplie les risques d’incendie.
Déjà, sur les arbres, plusieurs signes ne trompent pas. « Depuis 50 ans, les saisons de végétation s’allongent. Ce qui rend l’exposition aux gelées plus importante, en montagne notamment » note Olivier Picard, du Centre national de la propriété forestière. Les insectes, comme la chenille processionnaire, envahissent pour leur part le sud et l’ouest de la France. Tandis que la répétition des canicules peut amener certaines plantes à passer de vie à trépas : « Comme il n’y a plus d’eau dans le sol, des bulles d’air se forment dans la sève des feuilles, et l’arbre meurt d’embolie ».
» La canicule survenue en 2003 a ainsi eu un impact important sur les résineux. Or, les projections climatiques nous disent qu’en 2070, l’année 2003 sera considérée comme une année ordinaire. On a du souci à se faire ».
Autre constat : selon le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), le nombre de tempêtes pourrait s’accroître au cours des décennies qui viennent. Par ailleurs, les zones de végétation évoluent. Avec en particulier des essences méditerranéennes qui progressent dans le sud et le sud-ouest, au détriment des hêtres et des chênes pédonculés.
« Expérimenter, innover, échanger »Bref, la donne change vite et de manière conséquente. « Les forestiers doivent prévoir et s’adapter » estime Olivier Picard. Un conseil pas évident à suivre dans un département comme les Pyrénées-Atlantiques où la très petite taille des parcelles constitue un sérieux handicap. « On y dénombre 55 000 propriétaires forestiers pour une surface moyenne des parcelles de 2,6 hectares. C’est trop petit pour engager la moindre opération sylvicole. Il faut pourtant agir ».
A Pau, les mesures d’accompagnement et les aides de diverses natures proposées aux propriétaires ont donc fait l’objet d’un débat organisé en présence du préfet, Pierre-André Durand. Le travail de fond mené depuis plusieurs années sur le plan national par le réseau AFORCE a également été souligné.
Celui-ci regroupe des organismes d’ horizons variés : des propriétaires aux scientifiques, des chambres d’agriculture aux spécialistes du climat. La tache de longue haleine entreprise par leurs membres est à la mesure du problème : ardue. Elle consiste aussi bien à évaluer les risques climatiques qu’à approfondir la connaissance des différentes essences d’arbres, ou encore à améliorer les techniques de travail (par exemple les « peuplements éclaircis » qui permettent de préserver l’hygrométrie des sols).
Le réseau s’intéresse également à la diversification des espèces, afin de mieux résister aux tempêtes. Des plantations nouvelles sont par ailleurs testées. Même si ce dernier sujet, lorsqu’il concerne par exemple des bois « exotiques », est jugé explosif. « Il y a déjà eu des faucheurs de pins Douglas ».
Une chose est sure . « Il n’y a pas de recette unique. Car les milieux sont très différents » dit Olivier Picard. « C’est dans la diversité que l’on trouvera la réponse à ces changements. Il ne faut pas hésiter à expérimenter, innover, échanger pour aller vers de nouvelles sylvicultures. Il faut aussi que les forestiers aient la culture du risque ».
Pour en savoir plus :
http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/climathd
http://www.crpfaquitaine.fr/