C’est un fait, la consommation collaborative à la côte à Bordeaux. Dans une enquête réalisée par le cabinet Asterès pour le magazine « We demain », la capitale régionale arrive en tête des villes pratiquant cette « économie de partage », devant Lille et Tours dans quatre thématiques que sont la vente, les services, les transports et… le logement. Sur ce dernier point, dans le classement détaillé, Bordeaux arrive en troisième position, un statut plutôt confortable dû en partie aux multiples projets d’habitats participatifs qui s’y développent. Ce mercredi 25 mai, Axanis, filiale spécialisée du bailleur social de Bordeaux Métropole Aquitanis dans l’habitat participatif, organisait les portes ouvertes de ce qui est considéré comme le tout premier projet de la sorte à sortir de terre (en juillet prochain) sur la métropole. Il est composé de 1390 m2 (dont 942m2 habitable en comptant les espaces mutualisés) et se situe à Bègles, à proximité de la ligne C du tramway. Onze foyers entre 60 et 110 mètres carrés ont ainsi été construits en accession sociale (du T3 au T6), dont la livraison était au départ prévue en janvier 2016.
Un « tournant dans la consommation » ?
La particularité du projet, initié par Bordeaux Euratlantique, la coopérative immobilière Axanis et la Mairie de Bègles, c’est que chaque habitation est différentes en fonction des demandes de ses occupants. « Pour nous, c’est clairement un prototype », avoue Audrey Canu, responsable de l’opération. « Au départ, le cahier des charges de la Ruche précisait une utilisation de la filière sèche (autrement dit sans eau). Les habitants ont initié avec l’architecte une autre dynamique en demandant d’utiliser un isolant en paille et des enduits en terre. Nous sommes dans un tournant dans la consommation où l’usager est placé au centre. Là, on voyait que les usagers étaient clairement demandeurs. En plus, ça a été fait sur trois ans et neuf mois, ce qui est un délai assez court pour ce type de projets ». Les habitants ont donc clairement participé à la conception et à la mise en oeuvre de ces logements.
Ils disposent également, comme c’est le cas dans la plupart des logements de type participatifs, d’espaces mutualisés, comme une salle commune, une buanderie, un coin cuisine et couchage, une terrasse et un potager. Le syndicat de copropriété est lui aussi mutualisé puisqu’il est composé des habitants qui ont pour l’occasion acquis un statut de bénévole. Sur les 11 logements, deux restent en locatif, 9 sont en accession sociale à la propriété dont sept en prêt social location-accession (qui permet aux ménages d’acquérir le logement sans apport personnel et avec un statut de locataire pendant un an). Cette expérimentation a également dû renoncer à quelques apports, faute de place ou d’ambition, notamment un cellier ou des panneaux photovoltaïques.
30% de moins que le prix du marché
Autre avantage non négligeable de cette « Ruche », son prix, comme nous l’explique Loris de Zorzi, directeur général d’Axanis. « Le prix moyen général de vente sur l’agglomération bordelaise est de l’ordre de 3600 euros le mètre carrés. Ici, nous sommes aux alentours de 2550 euros, soit 30% de moins. C’est notamment lié au fait qu’on finance en PSLA avec une TVA à 5,5% et que l’on ne fasse clairement aucune marge nette. C’est notre investissement en recherche et développement. A termes, on veut que l’habitat participatif représente 20% de notre activité, soit entre 20 et 40 logements par an. Les fonds publics se raréfient, donc il faut trouver d’autres moyens pour proposer des prix intéressants… », déclare-t-il.
Axanis ne compte pas s’arrêter là : il a déjà annoncé un nouveau programme d’une quarantaine de logements aux Sècheries, une douzaine d’autres dans le projet Paul Boncour et enfin un tout dernier projet dont les négociations viennent d’aboutir qui sera composé d’une vingtaine de logements à Mérignac du côté de Beutre, derrière l’aéroport. Mais la coopérative immobilière n’est pas la seule à proposer ce type d’habitats, de multiples projets fleurissent un peu partout sur la métropole, notamment sur les quais de Brazza ou encore à Pessac (sur une parcelle de 400 mètres carrés gérée par Soliha pour 4 à 6 logements).
Vers une démocratisation ?
Mais alors, qui est le grand gagnant de cette nouvelle équation ? Les collectivités en faisant appel à un bailleur social comme maître d’ouvrage, les habitants qui bénéficient d’une décôte foncière au même niveau que les logements sociaux et les bailleurs, qui testent de nouvelles méthodes de construction, un peu plus équitables que les immenses projets d’appartements clônés. Alors comment expliquer son parc pour le moment assez restreint ? En effet, quand on le compare aux autres pays, aucun débat n’est possible : entre 25 et 30% des logements neufs en Allemagne, 5% du parc immobilier total en Suède, 27% à Stockholm selon un rapport d’Habicoop datant de 2010 et même jusqu’à 50% à Oslo.
C’est que le logement participatif est autant personnalisé qu’il est aléatoire, et donc difficilement applicable à des projets de grande envergure : la moyenne se situe aux alentours de la dizaine d’habitants par projet. Pour celui des Sècheries, le coût du terrain est également plus élevé, ce qui se traduira par une hausse de 100 à 200 euros par mètre carré sur la facture par rapport à La Ruche. Mais les choses pourraient bien changer. Le 2 mai dernier, une nouvelle plateforme numérique, Ha-pa, visant à promouvoir le logement participatif, a vu le jour au niveau régional. Elle y recense 28 opérations d’habitat participatif, dont la majorité se situent en Gironde. Si La Ruche est présentée comme une expérimentation, c’est bien que la démocratisation d’un tel mode de fonctionnement n’est pas encore à l’ordre du jour…