GRANDE REGION: Interview – Gérard Vandenbroucke: le Limousin c’est l’exercice de la proximité


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GRANDE REGION: Interview - Gérard Vandenbroucke: le Limousin c'est l'exercice de la proximité

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Temps de lecture 10 min

Publication PUBLIÉ LE 24/06/2015 PAR Joël AUBERT

@aqui! – Parlant de la Grande Région Alain Rousset nous déclarait il y a quelqurs jours : faisons d’un vrai défi une chance. C’est aussi votre avis ?
Gérard Vandenbroucke –  C’est une bonne formule. Quel que soit le sentiment que l’on puisse avoir nourri sur le rapprochement, la fusion des régions, que l’on ait pu être pour ou contre c’est ajourd’hui une réalité. L’important, c’est d’entrer dans cette fusion sans traîner les pieds mais en mettant en avant tous les points posistifs que chacune de nos régions d’aujourd’hui peut mettre dans le panier de la mariée. Et se dire avec ces points positifs quelles complémentarités peut-on nouer ? C’est ça qui m’intéresse ; pleurnicher en pensant que l’on va perdre ceci ou cela me paraîtrait la plus mauvaise des solutions ; on n’y va pas béat d optimisme parce qu’on est réaliste. Nous savons que ce sera difficile mais demain qu’est-ce que le Limousin, le Poitou Charentes l’Aquitaine vont apporter au pot commun ? La question ce n’est pas qu’attend-on des autres ? C’est qu’apporte-t-on aux autres ?… En faisant cela on recevra des autres

@! – La compréhension de ce que vous dites, de cette dimension-là est elle en train de voir le jour?
G. VDB –  Non c’est difficile; les populations sont un peu sur leurs gardes, restent un peu sceptiques, se disent que risque-on perdre et pas suffisamment que peut-on gagner ? On est dans une phase d’attentisme, nuancée d’inquiétude.

Le Limousin territoire le plus âgé d’Europe

@! –  Justement qu’est ce que le Limousin peut apporter à la grande région ?
G. VDB – Ce que le limousin peut apporter à la grande région c’est une pratique, la pratique de la proximité, l’exercice de la proximité. Dans la plus petite région de France, le Limousin, on a pu tisser des relations interpersonnelles, des relations entre administrations, avec les associations, les partenaires sociaux, à la fois rapides et directes. Et, par la même, confiantes. Dans la grande région ce sera le défi numéro un. Comment, dans cette grande région, pourra-t-on maintenir ce qui existe aujourd’hui, qui fait que le tissu social a une consistance, évitant la dilution. Nous pouvons apporter cette expérience là, car nous avons des dispositifs qui fonctionnent. Cela, c’est pour la dimension institutionnelle.

Pour la vie au quotidien, dans un certain nombre de domaines nous sommes sans doute plus en avance que les autres. Ce n’est pas dû qu’à nos compétences; ça tient à la réalité d’un territoire… On est le territoire le plus âgé d’Europe : ça pourrait être considéré comme étant un handicap ; nous pensons plutôt qu’il faut le voir comme une chance parce que demain les autres territoires, à leur tour, seront aussi âgés que nous . Et la chance, c’est la mise en place de la silver économie à laquelle nous travaillons…

@! – Avec des leaders, notamment en entreprises en Limousin.
G. VDB – Avec à la fois des structures créées par le Limousin administratives, poltiques et associatives, un GIP, groupement d’intérêt public, dont le travail est de mettre en mouvement la réflexion mais aussi les acteurs économiques. Nous travaillons avec des entreprises, certaines comme la firme Legrand, qui s’intéressent au maintien à domicile des personnes âgées; on est dans la domotique. L’université s’y intéresse également et  il existe une conjonction de forces. C’est un atout que l’on peut mettre en évidence

J’aurais pu commencer autrement : je dis souvent que le Limousin c’est l’alliance de la tradition et de la modernité. La tradition c’est la porcelaine et la modernité, aujourd’hui, c’est la capacité des porcelainiers à se renouveler, mais aussi la céramique industrielle, toutes les céramiques nouvelles qu’on utilise dans les lasers, l’optoélectronqiue… Et là il existe des cooppérations largement possibles, par exemple avec la route des lasers à Bordeaux ; nous avons, ici, un pôle qui est un point d’ancrage très fort. Alain Rousset faisait remarquer qu’il y a deux pôles de compétitivité en Aquitaine et deux en Limousin : un pôle céramique un pôle optoélectronique. Cela ce sont des réalités.

C’est vrai aussi de l’élevage ; on est une région à dominante agricole qui s’est modernisée et a une agriculture de qualité : la race bovine limousine est présente dans 80 pays à travers le monde ; elle a des atouts considérables Quand on regarde les photos des bêtes de concours du début du siècle dernier et qu’on voit la réalité d’aujourd’hui, la génétique, la sélection rigoureuse sont passées par là. Nous sommes très en pointe dans ce domaine de la recherche animale.

Dans le Limousin il y a l’air et l’eau. L’eau c’est une richesse patrimoniale extraordinaire. Le Limousin est, en partie, le château d’eau de la France et, en même temps dispose de l’office international de l’eau qui, à Limoges, est en pointe sur la recherche. A partir de ce substrat sur lequel nous aurions pu nous endormir nous avons, au contraire, la volonté d’aller plus loin. Nous avons une industrie du luxe très développée, ce que personne ne sait; la porcelaine évidemment qui tient sa place mais aussi, autour du cuir, des complémentarités avec l’Aquitaine ; il y a Nontron d’un côté, Saint Junien de l’autre. Nous avons beaucoup d’atouts que nous n’avons pas assez mis en valeur par le passé parce que nous n’avons sans doute pas communiqué suffisamment. Et puis notre outil de formation, en Limousin, est fantastique. Nous formons des jeunes en plus grand nombre que pour les seuls besoins de l’économie réelle de la Région. Il y a une tradition autour de l’Afpa, d’un réseau Education nationale, des Centres de formation portés par les consulaires, des Lycées professionnels qui fonctionnent remarquablement bien, avec des taux de réussite qui placent l’Académie de Limoges au troisième rang national. C’est aussi une chance qu’on forme plus de gens que nos besoins. Donc on les forme aussi pour les régions d’à côté.

Les Ducs d’Aquitaine devaient passer par Limoges

@! – Comment construire un idendité partagée  pour cette Grande Région ?
G. VDB – Les habitants du Limousin tiennent au Limousin; ils n’ont pas envie que le Limousin disparaisse, ni eux ni moi. Le Limousin a une histoire : je rappelle que les ducs d’Aquitaine ne l’étaient que lorsqu’ils étaient passés par Limoges et par Poitiers et qu’ils avient reçu, à Limoges, la bague qui leur permettait de revendiquer d’être ducs d’aquitaine. Le Limousin est une région qui a été longtemps enclavée qui a vécu un peu trop repliée sur elle-même, dans l’entre soi, avec son histoire, une culture, une langue.

Je dois expliquer ceci en tant que citoyen : l’Aquitaine d’aujourd’hui ça comporte le Périgord qui a gardé sa particularité; celle-ci est encore plus marquée pour les basques qui sont toujours basques et pour les béarnais mais les uns et les autres sont aussi aquitains. Demain nous serons dans une grande région dont je souhaite que l’on soit pleinement acteurs. Mais en même temps il faut faire envie : si on dit on va se marier pour être plus grand ça n’a pas beaucoup de sens ; faire envie, c’est d’abord rappeler que les liens existent déjà. Je dis ceci, en souriant : si je dois faire une campagne électorale au mois d’août, je ne vais pas la faire dans les rues de Limoges mais à Royan, sur l’île d’Oléron ou l’ïle de Ré où je vais rencontrer la moitié des habitants de Limoges.

Déjà des relations existent, de loisir, d’affaires. Nous sommes, nous, orientés vers l’ouest, de toute éternité. Ensuite, si on fait ce rapprochement entre nos régions, c’est avec l’idée que ça se fera dans le temps, que chacun doit y trouver matière à satisfaction, un gain. Faire envie, c’est dire vous aurez plus et mieux et ça ne coûtera pas plus cher, pas moins non plus.

@! –  Un des problèmes vient de ce qu’au départ on a présenté cette réforme comme devant permettre des économies…
G. VDB – Le débat a été pollué au départ; il ne faut pas raconter d’histoire aux gens; ça ne coütera pas moins cher, certainement pas dans les six mois qui viennent. Avec le temps peut être…

Aujourd’hui, ce que les gens attendent c’est que nous fassions plus. Paradoxalement, ils veulent payer moins c’est vrai, mais ils attendent beaucoup plus des collectivités. J’ai terminé mon parcours de maire, il ya quelques mois, avec deux fois plus de visites de concitoyens que 20 ans avant. La priorité, aujourd’hui, c’est l’emploi. Est-on capable, par la fusion, de rapprocher nos entreprises de manière qu’elles soient plus dynamiques et qu’elles aient des moyens de l’être ?… Allez demander à une entreprise de dix personnes d’aller travailler à l’export ce n’est pas possible. Si vous créez une grappe de 20 entreprises de dix personnes ça devient autre chose, c’est un vrai défi : comment créer un mouvement porteur de développement ?

Cela, la Grande région peut permettre de le faire. Nos concitoyns prennent le débat politique de moins en moins au sérieux ; ce qu’ils demandent, de plus en plus, c’est de l’entente, du travail en commun. Ici, en Limousin on travaille très bien avec les chambres consulaires ; c’est un modèle qu’on peut géneraliser parce qu il y a de la confiance. Il faut conjuguer proximité et largeur de vue.

@! – D’ores et déjà, comment travaille – t-on entre élus, cabinets, techniciens des trois régions?
G. VDB – Ça se passe bien à tous les niveaux, que ce soit entre cabinet, entre services; il y a un vrai bouillonnement, y compris entre agences culturelles, fonds d’art contemporain… Les chambres consulaires se rencontrent… on cherche a savoir comment trouver des terrains d’entente pour bâtir un socle commun, le plus vite possible et se donner, ensuite, cinq ou six ans pour gommer les différences, les atténuer avec l’idée qu’il ne faut pas qu’on uniformise les approches, par exemple entre le territoire de Pau Lacq et la montagne limousine …il y a sans doute des points communs mais beaucoup de différences, entre un territoire en déprise et ceux en expansion. Les choses ne peuvent pas être traitées de la même manière. C’est une inquiétude qui peut exister sur le thème vu de Bordeaux tout sera traité de la même façon …

@! – Faudra-t-il par exemple revendiquer un peu de péréquation, de l’aide des territoires les plus riches vers ceux qui le sont moins ?
G. VDB – Oui mais pas systématique. Il faudra être inégalitaire pour pouvoir être juste. Ici nous avons des politiques qui n’existent pas ailleurs et qu’on ne pourra pas abandonner; la grande région devra les prendre à son compte pas forcément pour toute la région. Ainsi, on a considéré un moment, il y dix ans, qu’il fallait qu’on crée des emplois associatifs pour aider des associations qui soient vecteurs de développement, parce que notre territoire est essentiellement rural. Ces emplois associatifs créent du lien, de l’activité. Cela n’existe pas en Aquitaine. Je revendique le fait que l’on garde ces emplois associatifs, en Limousin. Si demain l’Aquitaine veut en étendre le principe à certains de ces territoires libre à elle. En Poitou-Charentes existent des emplois tremplins dans les lycées; nous n’en avons pas parce qu’on en n’a pas senti le besoin. Pourquoi détruirait-on ce quii fonctionne bien ? Il faut être pragmatique.

La seule LGV Grenellisée…

@! – Quand on évoque le Limousin et vous le souligniez par ailleurs, on pense territoire enclavé. Le niveau actuel des infrastructures doit donc être amélioré…
G. VDB – Une Grande Région ce doit être une région, dans laquelle les trois villes centre sont bien reliées et puissent se rejoindre vite. Nous nous fâchons, tous les jours, quand on veut aller à Poitiers par la route. Là où je mettais une heure et quart quand j’allais à l’Université, aujourd’hui je mets deux heures et c’est moins sécurisé qu’avant. Il faut que Poitiers-Limoges par la route soit réglé ; il faut que Poitiers-Limoges par le TGV soit réglé

@!  – Justement vous avez, depuis le début de l’année, une déclaration d’utilité publique pour cette ligne. Alors comment voyez-vous ce projet évoluer ?
G. VDB – Nous avons la seule LGV « Grenéllisée »; je rappelle à Ségolène qu’on est la seule LGV grenellisée ; il n’y en pas d’autres et celle qui est le plus en avance dans le processus, la LGV aussi qui coûte le moins cher. Il y a maintenant le temps administratif, le temps d’aller chercher les crédits européens, le temps des études complémentaires, des mises en place des financements et celui de la réalisation. Et peut-être l’attente d’un recours .

@! – Cette LGV reste donc, pour vous, un objectif essentiel d’aménagement du territoire ?
G. VDB – La LGV aujourd’hui est à Poitiers, demain elle sera à Bordeaux. Au nom de quoi pourrait-on justifier une inégalité territoriale si elle n’arrivait pas à Limoges ? Après, c’est aussi de ‘intérêt de la région d’avoir des grandes villes connectées au réseau européen de la grande vitesse ; aujourdhui vers le nord et demain vers l’Espagne. C’est aussi un apport pour Poitiers et Bordeaux qu’une LGV arrive à Limoges et au-delà desserve Brive, un peu du Lot. Une partie de notre région, la Creuse doit rester desservie convenablement par le POLT, le Paris-Orléans-Limoges-Toulouse pour lequel des crédits sont prévus et il est important que le réseau ferré entre Bordeaux et Limoges, entre Limoges et Poitiers soient maintenu en l’état. Quant aux routes il faut que Limoges-Bordeaux ( la RN 141 via Angoulême à deux fois deux voies dont une vingtaine de kilomètres ne sont pas achevées) soit terminée et que Poitiers-Limoges soit enfin une vraie route.

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