Après avoir longtemps stigmatisé un Etat à bout de souffle, obligé par sa dette et ses engagements européens, de revoir à la baisse (dans le cadre d’une nouvelle discipline budgétaire globale) ses dotations aux collectivités locales, le constat est là : les collectivités territoriales sont, de toute façon, financièrement dépendantes de l’Etat. Un constat dressé par Etienne Douat, Professeur agrégé de droit public, spécialisé en Finances publiques et par Franc-Gilbert Banquey, Conseiller-Maître à a Cour des Comptes, et ancien Président de la Chambre régionales des comptes Aquitaine-Poitou Charentes. Donc, au delà des récriminations et des critiques, les collectivités locales de tout niveau, sont elles aussi bel et bien englobées dans cette même discipline budgétaire, devant désormais, « faire avec » (ou plutôt sans…)
« Les dépenses, la question principale des finances locales »Etat et collectivités étant alors dans « le même bateau » financier et budgétaire, « il s’agit ici d’un enjeu de solidarité et non d’opposition », tranche l’ancien Président de la Chambre régionale des Comptes. Fini donc le temps béni d’une trentaine d’années d’une relative stabilité marquée par des dotations généreuses, et doublées d’une fiscalité autonome, dynamique (et donc gage de solvabilité…), ayant permis des investissements dans le développement de services collectifs et de grands équipements attractifs et de qualité. Non désormais, puisque l’on ne peut plus grand chose du côté des financements « c’est sur les dépenses que se pose la question principale des finances locales », analyse le Président de la Chambre ciblant particulièrement 4 enjeux en la matière.
Premièrement « la capacité à maîtriser ses dépenses » face à un effet ciseaux quasi automatique de recettes à la baisse et de dépenses de fonctionnement à la hausse. Une hausse due pour une bonne part, à la masse salariale, bien que plus ou moins contenue selon les collectivités. Cela dit, en la matière, l’enjeu reste très important, souligne-t-il. D’autant que les collectivités doivent faire face à un autre facteur de dépenses : les conséquences sonnantes et trébuchantes de nouvelles normes. Parmi elles, les lois et règlements mais aussi tout un tas de référentiels techniques sur l’habitat, l’environnement, l’urbanisme… Franc-Gilbert Banquey pointe notamment deux exemples étudiés par la Cour des Comptes : « sur les rythmes scolaires, la compensation de l’Etat n’a pas couvert toutes les dépenses des communes et EPCI puisque 30 à 50% des dépenses engagées par ces collectivités sont restées à leur charge, soit au total entre 400 et 600M€. Quant à la décision de l’Etat de revaloriser le RSA, elle a coûté 420M€ au département…»
« Maîtriser l’avenir »Deuxième enjeu lié aux dépenses, « la capacité à maîtriser l’avenir via l’utilisation d’instruments de programmation ou de prévision, tels que les Plans pluri-annuels ou encore les pactes financiers et budgétaires entre les communes et les EPCI ». Un exemple permettant de noter au passage, comme l’avait fait Etienne Douat dans son intervention, que la péréquation horizontale, prend et prendra de plus en plus de place dans les finances locales, en lieu et place des dotations verticales de l’Etat… Un élément aussi du nouveau contexte financier qui se dessine pour les collectivités territoriales…
Troisième point sur lequel le conseiller-maître a attiré l’attention de l’assemblée de Directeurs généraux qui lui faisait face : « il faut avoir une capacité de gestion dynamique du patrimoine immobilier des collectivités locales ». Et pour cause, au fil des montées en compétence des collectivités, ce patrimoine se développe et se diversifie : il est estimé à 300Mds d’euros par la Cour des Comptes… « Les collectivités doivent avoir une vision claire de leur patrimoine immobilier, en faire un inventaire, maîtriser les outils juridiques qui y ont trait, mais aussi appréhender au global les coûts et les risques associés à ce patrimoine, ne serait-ce que par exemple en terme de performance énergétique… »
« Changer de paradigme sur les investissements »Enfin si, selon lui, une grosse part des nouveaux enjeux et défis de la gestion locale touche davantage aux dépenses qu’aux investissements, l’ancien Président de la Chambre régionale des Comptes Aquitaine-Poitou-charentes ne les oublie tout de même pas. Car en la matière aussi, il faut, insiste-t-il changer de paradigme: « désormais, il faudra centrer les investissements sur les actions les plus essentielles, tout en regardant les coûts de fonctionnement futurs qu’ils peuvent engendrer. L’investissement public, n’est pas vertueux par nature, il doit être analysé au cas par cas en fonction de ses impacts notamment sur le fonctionnement, et selon des critères socio-économiques. En d’autres termes, les investissements devront être davantage fonction de stratégies économiques des territoires et moins de la création de services collectifs. » Un changement de paradigme qui commence peut-être à déjà être pris en compte, puisque, note-t-il, depuis 2 ans, l’investissement public a légèrement baissé.