À 40 ans, c’est un peu jeune, mais ça ne l’empêche pas de picoler et de fumer encore plus ; il reste quand même un pro du crime et lorsque son patron lui désigne sa prochaine cible à secouer fortement, tout en lui précisant qu’il est inutile d’y aller armé, il ne l’écoute pas. Bien lui en a pris car il tombe sur un commando de tueurs en pleine action : un vrai carnage dont il se sort brillamment –si l’on peut dire- fuyant avec Rudy, une escort girl de 18 ans. Les voilà à cavaler direction le Texas, emmenant (enlevant ?) au passage Tiffany, la petite sœur de la jeune fille.
On se croyait dans un récit policier et pourtant, insensiblement, le roman va prendre des chemins de traverse. C’est désormais l’histoire d’un homme qui, confusément, à sa manière, sent qu’il lui faudrait prendre congé de son existence correctement ; difficile avec les paramètres qui sont les siens ; encore plus ardu avec les histoires de vie des deux filles, plutôt tordues. Avec une Rudy qui affole ses sens. Et son passé amoureux, qu’il aimerait bien retoucher en fond rose tendre, ne rentre plus dans le cadre. La visite qu’il va rendre à sa passion d’il y a 20 ans tourne à l’aigre désenchanté.
Qu’on se rassure : la loi d’airain du roman noir se rappelle à lui. Sous les cieux de Galveston, cette île, théâtre de ses enchantements de jeune homme, et qui pourtant, donne l’impression à Roy « que ces lieux soignent encore leur gueule de bois que leur a laissée toute leur histoire » : la brume et la lourde odeur saline des plages sont comme à l’unisson d’un passé plutôt tragique. Comme dans ces motels, logis tristes peuplés de paumés quelquefois dangereux ; comme ces villes, d’une laideur menaçante, vites traversées et ces paysages du Texas aride et brûlant sous le soleil. Pas question de donner, ici, le fin mot de l’intrigue. On se contentera d’indiquer la réussite d’une histoire simple et tragique.
Nic Pizzolatto : Galveston – (traduit de l’américain par Pierre Furlan première édition : Belfond 2011)
312 pages – 10/18 – septembre 2013 – 8,10 €.