Nouveau regard sur le Musée d’AquitaineUne Antiquité pop, rock’n roll et, à l’inverse, un 20ème siècle puritan, parfois ennuyeux, une perception qui nait justement de la rencontre et de la confrontation des époques entre elles, des différents courants artistiques entre eux. Initiée par le Frac Aquitaine il y a deux ans maintenant, l’exposition « Les narrations de l’absence » à voir en ce moment au musée d’Aquitaine est en fait le quatrième et dernier volet d’un cycle reliant art et archéologie, après des expositions au musée Vesunna à Périgueux, au Pôle International de la Préhistoire en Dordogne et au Frac Aquitaine à Bordeaux. Installées de part et d’autre de la collection permanente du Musée d’Aquitaine, 24 oeuvres du Frac Aquitaine (parmi lesquelles des pièces de Dominique Blais, On Kawara, Ulla von Brandenbourg, Alexander Gutke ou encore Laurent Kropf) invitent le public à une nouvelle visite du musée bordelais, une visite où l’art prend alors un aspect parcellaire, fragmentaire, un passage de « l’un à l’autre » qui crée une véritable poésie de l’absence, de la disparition.
Vénus à la corne et ardoise magique… L’une des stars du Musée d’Aquitaine, la Vénus à la corne ou Vénus de Laussel, joyau du paléolithique célèbre dans le monde entier, est à voir aujourd’hui, et pour quatre mois, en relation avec Dessins disparus, ensemble de 20 dessins réalisés sur une ardoise magique par l’artiste contemporain Sarkis, un vis-à-vis assez singulier entre le caractère immuable de la très ancienne Vénus et la dimension éphémère de ces dessins soumis à la disparition propre à l’ardoise magique. Ces narrations de l’absence continuent tout au long du nouveau parcours installé, « une configuration qu’on a souhaité organiser de manière à ce qu’elle raconte une histoire, un récit onirique où la présence dans un même espace d’oeuvres anciennes voire préhistoriques et d’oeuvres contemporaines éveillent l’imagination du visiteur », explique François Lousteau, concepteur d’expositions d’art contemporain et l’un des commissaires de l’exposition avec Daniel Gonzalez du Musée d’Aquitaine.
… Romains libérés et Amérique puritaine « Les narrations de l’absence », au-delà de voir se rencontrer et/ou se confronter des oeuvres d’époques différentes, c’est aussi un mélange de supports, de la sculpure à la gravure en passant par le dessin, la photographie ou la vidéo. Passant d’une époque à l’autre, d’un mode d’expression à l’autre, cette exposition rend compte de l’art en marche, un art qui se voit comme un puzzle, un puzzle auquel certaines pièces manquent, d’autres étant rattachées entre elles de manière parfois surprenante, n’obéissant pas à une logique chronologique mais de fait, donnant lieu à une narration parcellaire, poétique, une histoire où passer » du coq à l’âne » se fait en beauté. De fait, le passé apparaît ici ou là comme libéré, plus souple que le présent et, à l’inverse, le présent peut sembler moins léger, ennuyeux, voire puritain. Au milieu du parcours, ou de l’histoire, la confrontation entre passé et présent est en effet étonnante est rend compte de cette idée de disparition, d’un temps révolu, lointain avec la mise en présence d’une photographie en noir et blanc de Larry Clark et d’un bloc calcaire sculpté relatant les amours de Jupiter ou quand le regard oscille entre les moeurs libérés de la Rome Antique et la jeunesse mélancolique de l’Amérique puritaine des années 1960. D’autres passages de cette histoire artistique inédite ne sont pas nécessairement dans l’antagonisme mais se répondent, se complètent, inscrivent l’Art dans un système d’écho, à l’image des six dessins réalisés au crayon de graphite par l’artiste contemporain Dove Allouche, une série de dessins réalisée à partir de photographies d’une forêt d’eucalyptus calcinée installée tout près d’urnes funéraires appartenant à la collection permanente du musée. Même phénomène à la fin du parcours avec la rencontre de Conjecture d’Aquitaine, oeuvre datant de 2012 de Laurent Derobert, présentée en face du Cénotaphe de… Michel de Montaigne, la boucle est bouclée pourrait-on dire, elle est en tout cas faite de rencontres artistiques, de vis-à-vis plein de possible entre époques lointaines et démarches contemporaines, d’effet de miroirs ou de paradoxes et interroge ainsi l’homme sur la question de la trace, du permanent ou de l’éphémère. Des » narrations de l’abscence », un puzzle artistique intrigant auquel des pièces manquent, un parcours de la disparition qui offre au public un nouveau regard sur le Musée d’Aquitaine, parsemé de présent et de présences nouvelles, une histoire inédite à voir vite.
« Les narrations de l’absence », exposition du 10 février au 31 mai 2015, Musée d’Aquitaine, Tram B, arrêt Musée d’Aquitaine