Au départ, il faut l’avouer, et la couverture où s’alignent en couleurs d’appétissants macarons y est aussi pour quelque chose, on se croit un peu face à un remake d' »Ensemble c’est tout ». Une fille paumée qui débarque dans une maison immense, où elle va rencontrer autant de personnages atypiques qui vont finalement enjoliver son existence en construisant autour d’elle un univers chatoyant de bons sentiments. Au fil de la lecture, pas du tout: l’affaire est plus complexe! Dans cet immeuble où atterrit Clotilde, ex bordelaise en fuite des brimades et mésamours de ses parents et partie se perdre à Paris, règne « La Vilaine », la propriétaire faussement acariâtre, qui n’est autre que sa tante. Cette Vilaine là tire les ficelles et tisse autour d’elle une toile faite pour la distraire de la solitude que lui impose son poids imposant. Thérèse, femme d’un certain âge et au poids certain, reine mère ou poulpe c’est selon, préfigure le destin de « sa petite », Clotilde, chenille en surpoids prête à devenir papillon. Dit comme ça, ça paraît simpliste, pas du tout. « La carapace de la tortue » décrypte les fêlures de tout un chacun réuni dans une galerie de portraits déclinés en paliers d’appartement. D’étage en étage on navigue dans le cœur, blessé ou conquérant, de chacun des locataires, dont chacun, à sa façon et parfois malgré lui, révèle un pan de la personnalité cachée de Clotilde. Peu de gens savent à quoi ressemble une tortue sans sa carapace. On devine ici la force nécessaire pour faire de cette lourdeur de tank, peu propice aux câlins, une source de belle énergie.
Marie−Laure Hubert Nasser qui a fait carrière dans la communication politique connaît bien les rouages qui prévalent aux relations humaines mais aussi sans doute aux faux semblants. Elle construit ici son premier roman comme un jeu de miroirs où le regard de l’autre peut tour à tour détruire ou édifier. Clotilde se reconstruit dans l’immeuble bourgeois de sa tante Thérèse, où n’est pas « bourge » qui l’on croit. Cet immeuble, qu’on imagine peut−être encore noirci des fumées du port ou de la pollution (la rue Ferrère, à Bordeaux, n’est pas encore la plus lumineuse…), recèle les désirs, les rancœurs et les élans du cœur d’une vie en concentré. Thérèse en est la reine et la prisonnière, Clotilde va apprendre à s’en échapper, et traversera la rue comme on traverse le monde.
Non, « ensemble » ce n’est pas tout ! Encore faut−il apprendre à marcher seul et connaître, pour ça, sa vraie richesse intérieure, accepter de s’en faire un appui pour avancer. Qu’importe que ce chemin soit chaotique et plus lent qu’à l’accoutumée. D’ailleurs dans la fable, n’est−ce pas la tortue, face au lièvre, qui est victorieuse ? Que sa gloire d’alors rejaillisse sur tous ceux qui, défaitistes de nature, ont baissé ou baisseront les armes. Tout peut toujours, et à tout moment, arriver. Même le vol gracieux d’un albatros à col noir au dessus de la Garonne blonde. Comprenne qui lira… et, foi d’Aqui, qui lira aimera.
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Mais aussi: Les éditions Féret fêtent leur 200 ans!A cette occasion Antoine Lebègue signe « La mémoire de Bordeaux et ses vins ». Cet ouvrage qui retrace l’histoire de la maison d’édition nous transporte en 1812, au moment de la création de la librairie, puis en 1813, bulletin de naissance des éditions Féret. En 1850 « Le Féret » encyclopédie des vins de Bordeaux voit le jour. Il est toujours aujourd’hui, la référence incontournable du monde viticole bordelais. Antoine Lebègue, auteur, journaliste, directeur de collections, conseiller éditorial pour de nombreuses maisons d’édition, historien, homme de communication, spécialiste du Sud Ouest et de l’Aquitaine, est l’homme de ce bicentenaire qui célèbre l’ « Editeur gourmand ». Levons nos verres aux éditions Féret !
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