L’arboriculture ni même la fabrication de la confiture n’étaient une vocation pour Céline Jorajuria. Si ces grands-parents maternels avaient bien « une petite ferme traditionnelle de l’époque », ses parents ont toujours travaillé à l’extérieur, louant les 4 hectares de terres agricoles à d’autres. Pas de biberonnage agricole donc pour Céline ; comme beaucoup de jeunes gens, c’est un peu par élimination qu’elle a choisi après le Bac de s’inscrire en BTS Industrie Agroalimentaire à Saint-Palais. « Tout ce que je savais c’est que je ne voulais pas faire d’études trop longues… ! » Pourtant après le BTS, elle poursuit un an de plus sur une Licence pro ciblée sur la valorisation des produits du terroir.
« Après mes études j’ai travaillé à droite et à gauche pendant plusieurs année dans le domaine de l’alimentaire et de la transformation » : chocolaterie, fromagerie, boulangerie, « mais côté vente cette fois». Avec une ligne guide : rester près de chez elle et privilégier les structures à tailles humaines. Et lorsque le travail a parfois pris des allures un peu plus industrielles, les convictions de Céline s’en sont trouvées renforcées au profit du travail fermier et artisanal autour des produits du terroir.
L’arboriculture au pays basque : « Un pari osé ! »
A 29 ans et deux enfants plus tard, Céline a voulu tourner une page : « J’ai eu la volonté de faire un truc pour moi. Tant par rapport aux enfants, pour en profiter davantage, que par rapport aux terres familiales ». On est en 2013, et le choix de se lancer dans le fruitier, est assez rapide se souvient la jeune femme de 35 ans. « Je n’étais pas tentée par les animaux, trop de contraintes. Et puis ici, nous avons une petite surface, le choix des arbres fruitiers s’est fait très naturellement ». Une idée pourtant plus audacieuse qu’il n’y paraît : « Le fruitier n’est pas du tout développé au pays basque. Il n’y avait pas de référence lors de mon installation sauf sur la cerise et la pomme, mais dans le département ce sont des activités secondaires qui viennent en complément d’autres productions… C’était donc un pari un peu osé ! ». Mais ici pas question de s’installer pour vendre au vrac et à prix cassés ses productions. Non, le projet de Céline repose avant tout sur la valorisation des fruits à travers leur transformation. Avec, compris dans le packaging arboricole, la taille manuelle et le désherbage mécanique.
Céline se lance donc, dans le parcours d’installation jeune agriculteur et passe les étapes incontournables à une bonne préparation du projet : banque, MSA, stage de 21 heures, établissement du prévisionnel financier, étude de marché… Le tout complété par des formations à l’arboriculture : « plantation, greffe, taille, entretien… J’avais la formation et les compétences pour la partie transfo, mais pas pour l’arboriculture. Et d’ailleurs je continue toujours à suivre des formations avec les organismes locaux, comme « BLE », ou les associations de producteurs de cerises ou de pommes ». Là aussi, se lancer en arboriculture sans bien en connaître les subtilités, il fallait oser…
Pêchers, pruniers, cerisiers, petits fruits…
La plantation du verger sera faite en février 2014, « en trois jours », avec l’aide précieuse et efficace de sa famille mais aussi une dizaine d’amis et voisins venus donner un coup de main. Sur un hectare, autour de la maison, sont donc plantés pêchers, pruniers, cerisiers, pommiers, poiriers, figuiers et tout un panel de petits fruits composé de framboises, cassis, groseilles et myrtilles. « J’ai des petites quantités mais d’un peu de tout ; ça me permet d’étaler le travail dans le temps de mai à octobre, mais aussi d’assurer un certain équilibre en cas de pépins météo sur une récolte ». Autant de saveurs qui deviennent, seules, ou mélangées au grès de sa créativité, de gourmandes confitures, compotes, coulis, sirops …
Installée officiellement en juillet 2014, la première année sera dédiée au test de recettes avec les fruits des arbres de ses parents, puis avec ses propres petits fruits, les premiers à pouvoir être récoltés. En 2015, c’est le début de la commercialisation des produits. Fabriqués dans un labo d’abord installé dans le garage de ses parents, c’est désormais une partie du sous-sol de sa maison qu’il est installé. C’est là, dans cette pièce carrelée, qu’elle transforme, met en pot et étiquette ses produits, suivant chaque jour, et selon ses mots, sa « philosophie de vie » : « avancer petit à petit », mais pas sans audace, on l’a vu !
Cambo, Ustaritz, Ainhoa, Hasparren…
Les premières ventes démarrent au marché de Cambo, « le plus près », glisse dans un demi sourire celle qui ne quitterait pour rien au monde les verts vallons de son pays basque intérieur. Puis s’ajoute d’autres points de vente, toujours à distance raisonnable de Macaye et du Baigura, la montagne qu’elle admire depuis sa fenêtre. Une épicerie à Ustaritz, un restaurant à Ainhoa, suivi par d’autres épiceries… avant de franchir le pas, en 2017, des magasins de producteurs. « Plusieurs d’entre eux m’avaient approchée, mais il fallait être soit bio, soit Idoki pour pouvoir y rentrer ».
Elle choisit alors la deuxième option en complète adhésion avec les critères et valeurs qui s’y rattachent : « globalement il faut pratiquer une agriculture paysanne, à taille humaine. Et pour ce qui est de la production des fruits, il ne faut pas utiliser de traitement chimique et récolter les fruits à maturité. Côté transfo, 50% minimum de la matière première doit provenir de la ferme, le reste des ingrédients est soit bio soit Idoki », liste-t-elle. Autant de critères qui correspondent « tout à fait » à son projet. Pour preuve, pour s’adapter à la démarche « Idoki », elle n’a eu qu’à changer son sucre ; il n’était pas bio, il l’est devenu.
Une entrée dans la démarche qui l’amène en juin 2018 à ouvrir avec 4 autres producteurs gérants un magasin de producteurs au centre ville d’Hasparren, à quelques kilomètres de chez elle. A ces 5 là, 13 autres producteurs membres viennent élargir la gamme des produits proposés. La jeune femme y tient une permanence tous les mardis matin. Là encore la montée en puissance est progressive, mais « les objectifs sont tenus ; nous sommes contents et les clients aussi ! Ce genre de magasins est clairement attendu par les consommateurs », assure-t-elle, et ils se développent. Ses confitures, mais aussi coulis, sirops et compotes sont aussi présents dans 3 autres magasins de producteurs à Saint-Jean-Pied-de-Port, Espelette et le magasin de producteurs de Soule. A cela désormais, il y a aussi quelques foires et fêtes locales, dont l’incontournable Fête de la Cerise à Itxassou.
Entre 3000 et 4000 pots par an
« Je transforme tous mes fruits, sauf si je vois que je vais avoir du surplus, ou que je suis un peu débordée. Dans ce cas, je vends une part en fruits frais l’été sur les marchés. » Si les mois de janvier et février sont occupés par la taille, et que les récoltes l’occupent particulièrement de mai à septembre, la « transfo », comme elle dit, c’est ce qui l’occupe toute l’année, grâce à la congélation d’une partie de ses récoltes (déjà pelées, coupées, dénoyautées) ; « sinon en été c’est ingérable entre la récolte, la vente, la transfo… et le dénoyautage et l’épluchage qui prennent beaucoup de temps… ». En un an, elle écoule l’ensemble de ses fruits de l’année et produit entre 3000 et 4000 pots. Et le chiffre va encore augmenter car « si tous les arbres aujourd’hui produisent, ils ne sont pas encore tous à leur stade maximum de production ».
C’est bien d’ailleurs dans ses projets, de pouvoir à termes, embaucher un salarié à mi-temps pour la soutenir dans ses multiples activités… Mais, une fois encore, « petit à petit » indique-t-elle. L’envie est là, faut-il encore pouvoir le faire. De la même manière, si depuis cette année, elle propose à la vente un jus de pomme, elle n’a pas encore le matériel pour le faire elle-même, l’investissement viendra aussi, en temps voulu. Parmi les nouveautés de l’année qui viendront aussi prendre de plus en plus de place sur ses étals : la châtaigne qu’elle ramasse dans les chataigneraies abandonnées autour de chez elle et dont elle a commencé à faire des confitures.
Une évolution et des projets, doucement mais sûrement
Côté verger aussi il s’en passe des choses, toujours « petit à petit ». « Je rogne peu à peu sur mes prairies ( de 3ha, ndlr) en plantant de nouvelles variétés ». Récemment ont ainsi pris place trois abricotiers, un cognassier, un feijoa, un mûrier… Objectif : développer de nouvelles gammes, dont ses testeurs officiels, les membres de sa famille, auront évidemment la primeur. Une évolution et des projets pas à pas, « doucement mais sûrement », qui prévoient aussi d’ajouter encore des cerisiers, variété Itxassou (elle est dans la zone adéquate), aux 100 déjà présents, et qui font pour l’heure l’essentiel de son revenu.
Du travail encore en perspective pour celle qui est désormais farouchement attachée à sa liberté. « Mon projet pouvait paraître un peu dingue mais je n’ai absolument aucun regret. Aujourd’hui j’ai une véritable autonomie dans mon travail. Même s’il y a des périodes plus chargées que d’autres en été et en septembre, je fais ce que je veux quand je veux, et je peux profiter de mes enfants… J’adore la taille, travailler en extérieur mais aussi être dans mon labo… Ce qui me plaît en fait c’est d’être libre et de ne jamais faire la même chose ».
Un commentaire
Bjr,
Je viens de goûter votre confiture de pêche super bonne (pr moi un peu sucrée)
J’ai également framboises et châtaignes : le goût des fruits est bien présent.
Très pratique confitures achetées à Ainhoa à l’hôtel
Je passerai lors d’un prochain séjour,
Merci pour ces bons produits Michèle B