Et si les moulins retrouvaient la place qu’ils occupaient autrefois ? Bien sûr, il n’est pas question de remettre en service tous les moulins du département mais pourquoi pas quelques uns, ceux qui ont un potentiel de production hydroélectrique. C’est tout l’enjeu du programme européen Interreg RENEWAT qui a démarré le 1er avril 2024 pour quatre ans.
Piloté par le Syndicat Energies Haute-Vienne, ce programme intitulé « Une Europe plus verte », regroupe des établissements et collectivités de sept pays à savoir KSSENA Energy Agency (agence de l’énergie slovène), Rzeszow Regional Development Agency (Pologne), la Région de Molise (Italie), la municipalité de Martijanec (Croatie), l’Université Vytautas Magnus (Lituanie), l’Udhëtim i Lirë – Free to travel (Albanie), la Municipalité de Lviv (Ukraine) et la Fédération des Moulins de France basée à Bordeaux.
« Augmenter le potentiel hydroélectrique »
L’objectif est de favoriser le partage de connaissances et de bonnes pratiques pour lever les blocages et maximiser le potentiel des petites centrales hydro-électriques. « En mettant ensemble ces régions d’Europe, nous pourrons partager les expériences et augmenter le potentiel des moulins pour la production d’hydroélectricité assure Stephen Midgley, chargé de projet européen, nous en améliorerons ainsi la perception. » Doté d’un budget de 1,6 million d’euros, dont 20 % à la charge des participants, ce programme ne prévoit toutefois pas le financement de la remise en état de moulins. Le but est avant tout de mutualiser des outils et des connaissances tout en levant les freins au développement.
En France, l’hydroélectricité est la deuxième source de production électrique derrière le nucléaire et la première en termes d’énergie renouvelable. Quant à l’Europe, le potentiel hydroélectrique des moulins est colossal puisque 65 000 sites potentiels de production sont identifiés dont 27 000 moulins à eau. Cela représenterait une production estimée à 1,6 TWh pour ceux en bon état. Si de plus en plus de porteurs de projets souhaitent réactiver leur moulin à eau, ils se heurtent à de multiples barrières administratives et techniques.
Durant les quatre ans de ce programme, seront ainsi abordés des sujets tels que les modèles financiers, les compétences techniques et le processus administratif. Il s’agira aussi de réfléchir aux meilleures pratiques possibles, adaptables selon chaque territoire, afin de renforcer les compétences des acteurs locaux et régionaux. Cette réflexion devrait optimiser les projets et aboutir à des avancées technologiques innovantes. « Les moulins ont un rôle important à jouer remarque-t-il, il faudra notamment intégrer dans nos données la gestion des crues et des étiages importante pour protéger la biodiversité. » Une analyse à l’échelle du territoire doit d’abord être effectuée pour étudier le potentiel de production.
« Il faudrait changer la turbine »
En Haute-Vienne, la production d’hydro-électricité, représente la deuxième source de production d’électricité renouvelable. Cependant, elle varie fortement selon les années en fonction de la pluviométrie.
Propriétaire d’un moulin construit au XIIème siècle, Bernard Grand connaît bien cette problématique sur son secteur. « A Rilhac-Rancon, sur la rivière La Cane qui fait environ 20 km, il y avait autrefois 18 moulins et aujourd’hui, il n’en reste que deux en service. On pourrait en remettre d‘autres en service en s’appuyant sur l’étang de la commune. »
Son moulin aurait besoin d’amélioration pour tourner à plein régime. « La turbine de 12 CV date de 1928, elle a une capacité de production de 9 KWh explique-t-il, mais actuellement elle ne produit plus que 2 KWh compte tenu de son âge, ce qui permet d’alimenter uniquement mon circuit d’eau chaude. Sinon, je serai autonome en électricité. Il faudrait changer la turbine pour produire davantage mais compte tenu de mon âge, je ne sais pas si je vais le faire. »
Des pistes à suivre
Au 1er janvier 2024, la Direction Départementale des Territoires avait recensé 75 centrales hydroélectriques sur le département dont 11 dépendent du régime de la concession d’Etat. Une vingtaine d’entre elles n’évacuent pas l’électricité produite sur le réseau public car elle est auto-consommée par les propriétaires.
Depuis trois ans, la DDT 87 en partenariat avec la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Nouvelle-Aquitaine pilote une mission expérimentale visant au développement de la micro-hydroélectricité en Haute-Vienne.
Sept niveaux d’actions ont ainsi été identifiés avec les acteurs concernés, dont ceux en charge de l’eau, de l’énergie et du patrimoine hydraulique. Trois pistes seraient à prioriser, à savoir « optimiser les centrales hydroélectriques en service, équiper les grands barrages disposant d’un potentiel intéressant sans remettre en cause leurs usages actuels et utiliser les configurations hydrauliques particulières pour produire de l’hydroélectricité. »
Sur les tronçons à fort potentiel énergétique et faibles enjeux environnementaux, deux pistes seraient à étudier, en l’occurrence, « équiper les seuils en rivière disposant déjà d’un usage autorisé et réhabiliter les sites d’anciens moulins à eau disposant encore de leur droit d’eau. » Enfin, deux éventualités sont proposées « aménager les sites d’anciens seuils en rivière ne disposant pas d’un droit d’eau ancien et créer un nouvel ouvrage hydroélectrique en site vierge. » Des suggestions qui apportent du grain à moudre aux défenseurs d’une énergie verte : décarbonée, renouvelable et locale.