La maman de Soon est prof d’anglais, elle apprend aux autres une langue que lui ne parle pas. Il ne parle d’ailleurs plus aucune langue et vit dans un monde de silence, sans couleur, sans passion, sans à-coup, mais sans sel non plus. Pourtant, quand l’espoir semble déchu il n’est pas rare qu’il se réincarne en rencontres aussi incongrues qu’inattendues: Splynn la corneille, Madame Dame… et la ronde reprend, le puzzle se reforme, la vie pousse et reprend toute la place. Avec ses heurts, ses peurs parfois, mais aussi ses bonheurs.
Soon vit en décalage avec les autres de son temps. Son recul forcé, finalement, lui offre la fenêtre à ouvrir sur un horizon à découvrir. Annelise Roux, elle-même, a suivi maints chemins de traverse pour parvenir à celui d’écriture: les sciences politiques, les petits boulots, la peinture, les arts, la vie aux méandres, aux ruisseaux, aux grands fleuves. En décalage, elle-aussi, et loin d’une voie royale trop bien tracée, elle apprend à voir, percevoir, puis elle dit, elle éclaire, et son écriture illumine. L’immortalité ne serait-elle pas le seul fait de vivre plusieurs vies, de sentir et ressentir les destins, les vécus, les non-dits des ombres de chair et de sang que l’on croise sur sa route? Annelise Roux est de ceux-là, ceux qui savent aller chercher la lumière là où on ne l’attend pas, comme une minuscule herbe folle qui lutte, insatiable à la vie, pour émerger enfin de la grise gangue du bitume. D’aucuns, et ils sont beaucoup, passeront et repasseront sans la voir, cette herbe folle. Annelise Roux la débusque de ses mots et nous la donne à voir, soudain, et soudain elle nous éblouit.
Les Immortels de l’Académie ne s’y sont pas trompés. Loin de tout académisme justement, ils ont perçu les couleurs d’une écriture lumière. Une lumière aux infinis reflets. Comme de cristal.
Photo: La Part des Anges éditions, tous droits réservés.
Anne DUPREZ
Paru également aux éditions « La Part des Anges »: « Quand la mer peint« , photographies de Monique Piétri, texte de Françoise Cloarec.