Curieuse impression que de croiser, sans complexe aucun, de jeunes enfants à peine vêtus au bord de la Garonne. Étonnant aussi de compter, parmi les passants, des paires de chaussures à l’abandon. En cette journée caniculaire, l’explication est vite trouvée. Depuis sa mise en service il y a neuf ans, le miroir d’eau et ses brumes aériennes aimantent quiconque ose s’en approcher d’un peu trop près. Et, qu’on le veuille ou non, s’y reflètent désormais plus ses occupants d’un jour que l’architecture centenaire de la Place de la Bourse. « C’est comme si tu étais à la piscine » assure une jeune maman à sa fille tout en l’aidant à enfiler son maillot de bain. « Ça lui plaît beaucoup, ça lui rappelle la mer » soutient une autre. Tous les quarts d’heure, à l’instant même où les injecteurs d’eau s’ouvrent, la même douce hystérie s’empare du désormais emblème touristique de la ville. Au son des cris d’enfants, c’est alors à celui qui courra le plus vite d’un bout à l’autre de cette immense flaque, tout en dispersant sur son passage le plus d’éclaboussures possible. Aux bords de ce spot rafraîchissant urbain, nombreux sont les badauds et touristes à dégainer leurs appareils photo avant de céder, eux aussi, à « l’appel du miroir ».
Chaque été vient le moment où la moindre parcelle d’ombre, si petite soit-elle, est prise d’assaut par les promeneurs. Les quais bordelais ne dérogent pas à la règle. Aussi, de part et d’autre du miroir d’eau, le coloré « Jardin des Lumières », ses milliers de plantations et ses fontaines à eau font office de « parenthèse verte », pour le plus grand bonheur des passants. Parmi eux, Marin et sa mère Cécile découvrent les quais de Bordeaux pour la première fois : « C’est une belle allée pour faire du vélo ou se balader. Les quais sont lumineux, propres et clairs. Nous avons une très bonne première impression » s’enthousiasment-ils d’une même voix. Peintres et musiciens viennent chercher l’inspiration aux bords de la Garonne, quand d’autres choisissent de faire un somme à l’ombre des arbres.
Peu à peu, lorsque les brouillards du miroir d’eau se dissipent, l’impressionnante proue du Crystal Serenity se dessine. A quai pour le week-end, ce géant des mers a de quoi intriguer les marcheurs. Lorsqu’ils ne se photographient pas devant, ils spéculent sur le nombre de passagers à son bord. « Ce n’est plus un bateau, mais un village ! » plaisante l’un d’entre eux.
Non loin de là, certains accostent également … leur partenaire de salsa du jour ! Cette après-midi, l’opération gratuite « Dansons sur les Quais » bat son plein malgré la chaleur étouffante. Depuis trois jours, débutants et confirmés, bordelais et touristes de passage font vivre la prairie des Girondins, transformée pour l’occasion en piste de danse. Et en rythme s’il vous plaît !
Aux abords du Hangar 14, d’autres exécutent aussi de belles figures. Ou plutôt des « tricks » comme ils disent. Imperturbables malgré la température qui accable les Chartrons et ses aires de jeux, les prouesses des résidents du skate-parc séduisent les passants. Après un court temps d’hésitation, beaucoup d’entre eux choisissent finalement de tourner le dos au fleuve pour mieux observer ce spectacle permanent. A en croire Jérémie, skateur bordelais assidu, l’emplacement exceptionnel de l’équipement y est pour beaucoup : « Avec le fleuve à proximité, on est mieux exposé au vent, c’est plus agréable ».
Très vite, l’agitation laisse place à une toute autre ambiance. Aux « Quais des Marques », on aime prendre son temps, errer plus qu’il ne faut dans ses boutiques climatisées ou siroter une boisson bien fraîche tout en appréciant le lent écoulement de la Garonne. Puis, de toute sa hauteur, l’imposant pont Chaban-Delmas annonce la fin de la traversée. Désormais, le doute n’est pas permis : si Bordeaux a été élue meilleure destination européenne de l’année, les quais n’y sont pas pour rien !