Exposition « Dans la tête de Pierre Christin »
« C’est la première fois que je monte une exposition d’auteur à la première personne du singulier », s’amuse le commissaire de l’exposition Jean-Pierre Mercier. Et il n’est pas le seul à s’être amusé : à 82 ans, Pierre Christin s’est fait plaisir en fournissant au FIBD un scénario complet, références d’illustrateurs à l’appui, pour cette rétrospective sur son Œuvre. « C’est la première et sans doute dernière grande exposition sur mon travail de mon vivant. Il fallait que je raconte ce que c’est que le métier de scénariste : c’est celui qui construit une histoire, bâti des dialogues, pose des didascalies. D’où ce choix de raconter à la première personne, pour suivre le cheminement d’un auteur dans sa tête », explique Pierre Christin, qui vit entre Bordeaux et Paris. Jean-Pierre Mercier raconte avoir passé du temps à rassembler toutes les planches des pages de BD que Pierre Christin lui avait noté comme références d’illustration. « Parfois, elles n’étaient pas disponibles, il a fallu trouver des alternatives », raconte-t-il.
Pierre Christin devant son bureau, exposé pour l’occasion, avec ses archives et accessoires en lien avec la création de ses albums.
Le résultat ne laisse rien transparaitre de ses heures de labeur. L’exposition plonge avec délectation les fans de Christin dans ses différents univers, au gré d’une demi-douzaine de salles. « C’est un voyage dans le temps, une autobiographie express, qui commence avec l’enfance, sa jeunesse à Paris dans « la zone » qui est devenue ensuite le périphérique, puis la découverte des Etats-Unis jeune adulte », raconte Jean-Pierre Mercier. L’exposition retrace les thèmes phares qui jalonnent son œuvre depuis les débuts : la ségrégation, qu’elle soit raciale ou sociétale ; le colonialisme ; la confrontation ente les cultures, la guerre des sexes. Mais aussi tout ce qui fait le charme du propos de Christin, l’omniprésence du rêve et l’importance de la musique – en particulier du jazz. « En plus de porter un propos politique, Christin a un esprit journalistique : il a toujours senti venir les grandes problématiques sociétales avant qu’elles deviennent d’actualité, comme Solidarność qu’il avait anticipé dans une BD avec Enki Bilal», analyse le commissaire. L’exposition fait aussi la part belle à tous les dessinateurs qui l’ont accompagné : Jean-Claude Mézières, bien sûr, Bilal, Max Cabanes, André Juillard, mais aussi Annie Goetzinger, avec laquelle il créera des personnages de femmes fortes, loin des clichés du rôle de jolie idiote souvent réservé aux personnages féminins.
A voir jusqu’au 2 février au vaisseau Moebius
Le commissaire d’exposition Jean-Pierre Mercier en compagnie de Jean-Claude Mézières, illustrateur de longue date de Christin, avec lequel il a réalisé la série Valérian et Laureline.
Exposition « Catherine Meurisse, chemin de traverse »
Catherine Meurisse est la preuve que la valeur n’attend point le nombre des ans. A seulement 39 ans, elle cumule les marques de reconnaissance de la profession : après une nomination pour le Grand Prix du festival (finalement emporté par Emmanuel Guibert) en décembre dernier, elle vient d’être élue à l’Académie des Beaux-Arts, ce qui fait d’elle la première femme et premier auteur de BD à siéger dans la prestigieuse institution. Le FIBD lui consacre une rétrospective, de ses premiers pas dans les concours jeunesse de dessins (elle reçut le prix « Grand écureuil d’or », concours de bande dessinée scolaire, à 17 ans) à son dernier ouvrage, Delacroix (Dargaud), un hommage à Eugène Delacroix, sorti fin 2019. De nombreuses planches originales, des dessins préparatoires, des vidéos et des éditions de Charlie Hebdo retracent son parcours fulgurant en tant que dessinatrice de tout poil. Catherine Meurisse touche à tout : la caricature de presse et le reportage illustré chez Charlie Hebdo, l’illustration de livres et de magazines dédiées à la jeunesse, notamment chez Bayard Presse, mais aussi des projets plus personnels comme son Causerie sur Delacroix, d’après des textes d’Alexandre Dumas, sorti en 2005, qu’elle a réactualisé et re-colorisé pour une réédition en 2019. Tout un pan de l’exposition est dédié aux deux œuvres qu’elle a réalisées suite à l’attentat de Charlie Hebdo. La Légèreté (Dargaud) paru en 2016, raconte sa reconstruction dans le deuil, et son retour progressif au dessin. « C’était une façon pour moi de me réapproprier mes outils de dessinatrice quand autour de moi tout se désagrégeait », explique-t-elle, « je crois que j’ai tout dis dans ce carnet et je ne peux plus rien en dire ». Elle raconte qu’en autorisant les souvenirs de Charlie à revenir, ceux de son enfance sont remontés dans la foulée. Ces réminiscences lui ont inspiré Les Grands Espaces (Dargaud, 2018), un album intimiste où elle raconte son enfance dans les Deux-Sèvres. Elle y retrouve l’origine de son goût pour la nature et pour les arts. « Elle a une constance dans ses obsessions et ses centres d’intérêts », analyse le commissaire de l’exposition Jean-Pierre Mercier, « On a tiré de ses œuvres tout ce qui illustrait sa passion pour la peinture et la littérature du XIXe siècle ». L’exposition convoque ainsi ses références à travers des reproductions ou des originaux, de Courbet à Sempé, en passant par Hugo, Proust, Gotlib et Brétécher.
Au musée du papier jusqu’au 1er mars.
Catherine Meurisse devant les travaux préparatoires de son livre sur Delacroix et de Causerie sur Delacroix.
Exposition « Les voyages en Egypte et Nubie de Giambattista Belzoni »
A l’entrée du pavillon jeunesse du musée de la BD, on se croirait un peu dans une aventure d’Indiana Jones, avec cette entrée monumentale haute en couleur d’un temple égyptien, tout bardé de hiéroglyphes. « Elle reprend le décor qu’avait monté de toute pièce Belzoni lors de son exposition à Picadilly en 1822, pour présenter au public la tombe de Sethi 1er, qu’il avait découverte, et qui l’a rendu célèbre en Europe », explique Grégory Jarry, co-scécariste d’une BD en 3 tomes intitulée Les Voyages en Egypte et en Nubie de Giambattista Belzoni. L’exposition comme la BD retrace l’histoire de cet aventurier italien, Giovanni Battista Belzoni (1778-1823) dit Giambattista, qui contribua à l’émergence de l’Egyptologie grâce à ses découvertes d’entrées de tombeaux de l’Egypte Antique. Grégory Jarry et sa femme Niole Augereau, co-scénariste de la BD, ont découvert l’existence de Belzoni lors d’un voyage en Egypte il y a quinze ans. « C’était le personnage d’aventurier par excellence ! » raconte Grégory Jarry, « avec sa femme Sarah, ils faisaient tous deux 2 mètres de haut ! Et c’était deux personnalités haute en couleur. Ils devaient détonner par bien des aspects au milieu de leur contemporain ». Grégory Jarry s’est appuyé sur les journaux de bord de Giambattista Belzoni pour construire son scénario, tandis que Nicole Augereau a rédigé de son côté le point de vue de Sarah Belzoni. « Ce qui est rigolo, c’est de constater la façon dont elle le contredit parfois sur un évenement qu’ils ont vécu tous les deux, comme lors du déplacement de la tête de la statue de Memnon, où elle trouve qu’il exagère en parlant des proportions. Mais je ne suis pas allé vérifier historiquement si Belzoni disait des bêtises ou pas. Ce qui m’intéresse, c’est son point de vue », raconte Grégory Jarry, qui a fait valider tous les autres aspects historiques par un égyptologue. « Ils se sont intéressés aux populations et aux mœurs locales, surtout elle. Leur approche de l’Egypte est quasi antropologique », poursuit Grégory Jarry. « Cette exposition, c’est un peu le 4e tome de cette aventure, puisqu’il retrace toute son épopée jusqu’à sa découverte de Bérénice, une citée antique sur les bords de la mer Rouge ». Les trois co-auteurs ont choisi un format original pour présenter leur BD : de grands panneaux (2x3m) en trois plans, permettant de créer une perspective en 3D entre les personnages et les paysages. C’est la troisième exposition au FIBD de cette maison d’édition indépendante basée à Poitiers, dont le Deux-Sévriens Grégory Jarry est le cofondateur. Elle emploit aujourd’hui 7 personnes, dont la charentaise-maritime Lucie Castel, qui a illustrée la série des Voyages de Belzoni. Le troisième et dernier tome sort en avant-première au festival.
Jusqu’au 4 mars au musée de la BD, quartier jeunesse.
Grégory Jarry retraçant le parcours de son personnage lors de la présentation de l’exposition au pavillon jeunesse du musée de la BD.
La 47e édition du FIBD se tient du 30 janvier au 2 février à Angoulême. Au programme :
- Une dizaine d’expositions consacrée à l’œuvre d’auteurs/illustrateurs : Catherine Meurisse, « Chemin de traverse » ; Robert Kirkman, « Walking Dead et autres mondes pop » ; Yukito Kishiro, « Gunnm, l’ange mécanique » ; Nicole Claveloux, « quand Okapi rencontre Métal hurlant » ; Yoshiharu Tsuge, « être sans exister » ; Les mondes de Wallace Wood ; Dans la tête de Pierre Christin ; Jean Frisano, « de Tarzan à Marvel, l’Amérique fantasmée » ; Cécile Bidault, « aparté aquatique » ; La Bande d’Antoine Marchalot Dessinée ; Voyages en Egypte et en Nubie de Giambattista Belzoni par FBLBL ; Calvo, « un maître de la fable » ; l’association ChiFouMi, Pierre Feuille Ciseaux #7 ; une expo dédiée aux héros jeunesse « folklorique enfance, fantastique enfance ».
- Master class au Théâtre d’Angoulême : Robert Kirkman (vendredi après-midi) ; Pierre Christin, Jean-Claude Mézières, Enki Bilal (samedi matin) ; Yukito Kishiro, Inio Asano (samedi après-midi)
- Rencontres thématiques avec des auteurs : Bilal & Yukito Kishiro autour de la science-fiction et bande dessinée ; Posy Simmonds & Jean Harambat autour du genre Policier ; Blain, Sfar, Pellejero & Canales autour du thème « faire revivre les grands héros ». Mais aussi Charles Burns, Catherine Meurisse, Hisashi Eguchi, Kan Takahama, Sansuke Yamada, Joe Sacco, Nicole Claveloux.
- Le dimanche journée dédiée aux familles avec une expo consacrée aux héros des enfants au pavillon jeunesse ; une projection en avant-première au CGR du 3e volet de Ducobu suivi d’une rencontre avec les acteurs dont Elie Semoun ; un atelier de fabrication de chapeau de pirate le matin suivi d’un gouter déguisé l’après-midi au Magic Mirror.