Coutanceau : sa vision durable de la cuisine de la mer


A La Rochelle, le chef Christopher Coutanceau sort un livre de 200 pages sur la cuisine de la mer

Christopher Coutanceau avec son livre Les Saisons de l'OcéanAnne-Lise Durif | Aqui

Christopher Coutanceau avec son livre Les Saisons de l'Océan

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 21/12/2021 PAR Anne-Lise Durif

Le chef triplement étoilé Christopher Coutanceau sort un livre pour Noël sur « Les Saisons de l’océan ». Cet ouvrage de 200 pages joliment illustré présente 85 espèces de la mer (poissons, crustacés, coquillages et algues), que l’on peut acheter et cuisiner en fonction des saisons, sans épuiser la ressource halieutique. En plus des caractéristiques de chaque espèce et des rappels de réglementation, le chef dispense quelques conseils pour bien choisir et bien cuisiner ces produits de la mer. Rencontre avec le chef Christopher Coutanceau, à l’issue de la présentation de l’ouvrage en décembre.

@qui! : Pourquoi c’était important pour vous de sortir ce livre aujourd’hui ?

Christopher Coutanceau : Ca faisait quatre ou cinq ans que je voulais sortir un livre sur la saisonnalité marine. J’avais beaucoup de clients qui me demandaient des conseils, parce qu’ils ne savaient pas quoi acheter, à quelle saison et comment le préparer. C’était aussi un prolongement de mon combat pour préserver la ressource. Mon engagement, c’est un respect que j’ai de la nature et de l’océan en tant que pêcheur de loisir et cuisinier de la mer. Je vois son état. Dans le Sud de la France par exemple, on est passé de la naissance de 60 millions de sardines à 20 millions à cause des particules de plastique qui les rendent stériles. Dans nos eaux, si l’eau prend un degré de plus durant la période de reproduction des bars, tous les alevins seront des femelles ; à deux degrés de plus, il n’y aura plus de ponte du tout. Qu’est-ce qu’on va manger ? Des poissons d’élevage dont la culture équivaut à nos élevages terrestres en batterie ? On a encore les moyens de sauver les populations sauvages, autant s’en donner les moyens maintenant. Plus les consommateurs iront dans le sens de ma démarche, moins les espèces fragilisées seront pêchées en pleine période de reproduction.

@! : Comment avez-vous structuré ce livre pour aider les consommateurs à bien choisir leurs produits de la mer ?

C.C. : Le livre est structuré en 4 chapitres, par saison, en commençant par le printemps. A chacune d’entre elles, on apprend ce qu’on peut consommer. On indique également les dates auxquelles les espèces se reproduisent, celles durant lesquelles on peut les consommer sans nuire au renouvellement de la ressource, la méthode de pêche à préconiser et la taille à privilégier – il arrive qu’on voit sur les étalages des poissons trop petits qui n’ont pas eu le temps de se reproduire de leur vie. Je donne aussi deux ou trois conseils pour les préparer en cuisine. Le livre ne parle pas que des poissons mais aussi des crustacés, des coquillages, des plantes marines et des légumes marins. C’est une façon de varier son alimentation et les plaisirs gustatifs. Certaines espèces sont un peu comme les légumes anciens, très utilisés autrefois, puis délaissés. Il faut renouer avec. Certains légumes marins par exemple, n’ont rien à envier à nos légumes terrestres : non seulement ils ne consomment pas de terres arables, mais ils sont remplis de vitamines et d’oligo-éléments, et ils sont délicieux.

« Pour moi toutes les espèces de poissons sont nobles »

@! : Parmi les 85 espèces mises en avant dans ce livre, un certain nombre est mal connu voire inconnu du grand public. Pourquoi ce parti pris ?  

C.C. : L’être humain a créé le concept de « poisson noble » et de « poisson pas noble » – Pour moi, les espèces sont toutes nobles. Il se trouve que les espèces les plus en danger d’extinction sont les poissons nobles : le bar, le turbot, la sole, la dorade. Le plus terrible, c’est qu’on consomme a peu près une quinzaine d’espèces dans le monde alors qu’il y en a des centaines. Moi, je voudrais mettre à la carte des jolis tacots de ligne, mais je sais qu’ils ne seront pas pêchés car ils ne seront pas vendus. Donc dans ce livre j’essaye de mettre en avant ce genre d’espèces pour inviter les gens à les goûter. Derrière, j’espère que cela permettra de développer une économie de la pêche plus artisanale, locale, qui est aujourd’hui en souffrance. C’est la pêche industrielle qui détruit les océans. Si un marché de ces espèces dites non nobles et locales se développe, la pêche artisanale pourra rebondir.

@! : Vous pourriez donner un exemple pour bien agir?

C.C. : Prenons le bar. Il va partir sur les frayères au large de nos côtes fin décembre et va revenir début avril. Durant toute cette période, il est en reproduction. Il arrête également de se nourrir. Si vous mangez du bar en février, il sera fibreux et nerveux, sans gras, avec une chair compliquée à travailler. Donc il vaut mieux se tourner vers d’autres espèces d’hiver et de printemps.

@! : Pour rédiger cet ouvrage, vous avez fait appel à l’aquarium de La Rochelle. Pourquoi aviez-vous besoin de cette caution scientifique ?

C.C. : Je connais les périodes de reproduction des poissons mais on voulait être au plus juste en faisant certifier nos informations. L’équipe de l’aquarium est très bien placée, ils connaissent très bien les animaux marins, ils en élèvent et en soignent, ils en font aussi naître en vue de réintroduction, et ils ont une belle équipe de scientifiques qui travaillent sur ces sujets […] Le livre se concentre sur les espèces de l’Atlantique parce que ce sont celles que l’on trouve ici, dans le Golfe de Gascogne, mais peut-être ferons nous un jour un livre sur ceux de Méditerranée. On peut même faire le tour des mers du globe ! Notre objectif premier était de faire au plus près, de commencer par notre terroir. La suite dépendra du succès du livre.

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