Il y a 5 ans, alors qu’il sort d’HEC Paris avec une spécialisation en Finances, Nicolas Hazard ne prend pas le parti de la diabolisation générale de la finance qui fait suite à la faillite de Lehman Brothers, Pour lui, «la finance ne doit pas être une fin, mais un outil sur lequel il faut travailler pour le rendre positif», à l’image d’un marteau qui peut certes détruire mais aussi bâtir…. Il constate alors le manque de produits financiers permettant à la fois d’investir mais aussi de permettre à des entreprises de grandir et de se développer; il crée alors, un peu envers et contre tous, le Comptoir de l’innovation, un fonds d’investissement qui va soutenir des structures à l’impact social positif, et crée pour s’en assurer un grille de 600 critères permettant de mesurer à la fois l’impact financier et extra financier des structures dans lesquelles le Comptoir de l’innovation choisirait d’investir.
Darwin, Sunna Design, Ethiquable,…Le bilan, 5 ans plus tard, est la démonstration par les chiffres que le pari n’était pas si fou : 200 entreprises accompagnées, plus de 3000 emplois créés ou maintenus, dont 2000 concernant des personnes en situation sociale fragile. Et « cerise sur le gâteau » pour les investisseurs : un retour sur investissement de 3 à 5%… Plutôt un bon calcul, au regard de la faiblesse des taux d’intérêt classiques.
A Bordeaux, le célèbre éco-système Darwin a été soutenu par le fonds d’investissement, de même que Sunna Design à Blanquefort, qui créé des systèmes d’éclairage public solaire à bas coût pour les territoires en situation de pauvreté à travers le monde. Autre acteur (hors Bordeaux) connu soutenu par le Comptoir de l’innovation, l’entreprise coopérative Ethiquable, dont on retrouve la marque dans les supermarchés et qui soutient la commercialisation équitable de 35 000 producteurs dans le monde. « Preuve que l’on peut avoir un vrai projet d’entreprise et de développement, avec l’impact social au cœur de son projet, le Comptoir de l’Innovation vient d’investir 500 000 € auprès de la société Ethiquable pour lui permettre d’attaquer les marchés belge, luxembourgeois et allemand », cite en exemple l’intervenant.
S’il conçoit volontiers que tant que les collectivités publiques, à commencer par l’Etat, les associations et les entreprises, ont besoin de renouveler leur modèle, les premiers subissant des budgets en baisse voire un endettement, les deuxièmes vivant de subventions publiques logiquement aussi revues à la baisse, voire supprimées, et les troisièmes étant de plus en plus financiarisées, Nicolas Hazard reste optimiste. Pour lui, « l’entrepreneuriat social c’est prendre le meilleur de ces trois secteurs», et dans ce domaine, la France, assure-t-il, est à la pointe.
Promouvoir le « made in France social »« C’est très français, on ne se rend pas compte que nous avons un véritable savoir-faire dans le monde social qui est hyper reconnu par ailleurs. Insertion des SDF et chomeurs longue durée, question du handicap… la France est leader. C’est la même chose sur la prise en charge de la toxicomanie, nous sommes leader avec la Suisse.»
« Un made in France social » qu’il s’applique à faire connaître à l’étranger, recevant qui du Ministre anglais des affaires sociales, qui du maire de Séoul accompagné de 50 chefs d’entreprises, qui des représentants de la FED (Banque fédérale des USA), etc… « En France nous avons le social dans notre ADN ». Alors plus que de le promouvoir en interne, il a décidé récemment d’exporter ce made in France insoupçonné… en Californie, en y créant la première entreprise d’insertion sociale des Etats-Unis baptisée CALSO. Bien sûr là bas, pas question de compter sur des aides publiques, mais adoptant la mode américaine, il a fait jouer le système des Fondations. En deux semaines, il a pu rassembler plusieurs millions de dollars grâce notamment au bien connu E-bay, pour un programme d’insertion de jeunes en difficulté d’une durée d’un an.
Innovation sociale… et technologiqueEnfin, dernier point d’importance pour le jeune entrepreneur visionnaire, l’innovation sociale devra également passer par la révolution technologique. « Les technologies permettent de faire grandir un projet et de répondre plus efficacement à un certain nombre de besoins », insiste-t-il. Dans cet esprit, le comptoir de l’innovation a également développé un incubateur pour organiser ce mariage entre produits technologiques et professionnels du social, « pour voir comment ces outils peuvent servir l’innovation sociale ». Et de citer un exemple sur l’insertion de personnes souffrant de handicap: «grâce à une adaptation sur les google glass, les personnes sourdes et malentendantes, peuvent aller au cinéma grâce à la transcription écrite automatique du son de n’importe quel film.»
Au total, que l’on parle d’économie du partage, d’économie circulaire ou enfin d’entrepreneuriat social, qui sont selon lui les trois modèles économiques d’avenir, « il ne faut pas qu’en matière de technologies, le monde du social au sens large soit la dernière roue du carrosse !», souligne-t-il avec force.