« La crise dure depuis beaucoup trop longtemps à Bordeaux ». La cause ? « La manipulation de la filière par des intermédiaires qui ont voulu faire baisser les prix pour être toujours plus compétitifs.» Pour autant, il « n’accuse ni le négoce, ni les grandes surfaces ». Selon lui, c’est l’ensemble de la filière qui n’a pas su être visionnaire. « Contrairement aux vins du Nouveau monde qui ont fait du marketing, nous avons voulu rester sur des acquis de plus de 100 ans, sans jamais évoluer sur un vin plus « fun ». Au final on s’est fait prendre la place à l’export… » Pourtant, comme il le souligne les exemples de réussite ne manquent pas en Aquitaine : « Madiran, Tursan ou Jurançon par exemple ont des dynamiques de marché de niches, mais avec des volumes conséquents. J’admire ces appellations qui n’ont pas forcément la notoriété de Bordeaux et qui arrivent à s’en sortir… Les Bergerac et Côtes de Duras, qui ont, eux aussi subi beaucoup de pertes, ont su se restructurer et bouger plus vite que Bordeaux. »
« C’est quand « demain » ? »
Mais, quand on l’interpelle sur le Plan « Bordeaux Demain » du CIVB, il est dubitatif : « C’est quand « demain » ? Malgré les 926 €/t qu’on annonce moi j’observe toujours des prix bas et pas de changement concret. De même, je ne peux pas laisser dire qu’on a de la mauvaise qualité. C’est un faux prétexte pour faire baisser les prix, alors que je suis sûr que 99 % des viticulteurs bordelais font de leur mieux pour un meilleur vin possible. » Sur ces aspects, il est sans concession envers les responsables professionnels et dirigeants de la filière vitivinicole : « s’ils avaient moins d’ego on pourrait arriver à faire des choses bien avec l’ensemble des vins d’Aquitaine. »
Des terrains pas transmissibles
Concernant plus particulièrement les jeunes agriculteurs, les conséquences de la crise viticole se cristallisent sur la question de l’installation. Christophe Porcher explique en effet, que « des exploitations de 30-40 ha, ne peuvent pas être reprises par des jeunes. A cause de leur taille et de leur prix d’abord, mais surtout, du fait de leur rentabilité…» Cette absence de rentabilité explique, selon lui, que soit ces terrains ne trouvent pas preneurs soit, lorsqu’ils sont finalement vendus, « ils partent souvent pour agrandir d’énormes surfaces de 100 ou 150 ha, qui ne seront définitivement pas transmissibles, sauf pour quelques grands groupes. »
Des outils pour maîtriser les coûts
Pourtant, le Président des JA Aquitaine souligne que « pour ceux qui veulent transmettre », quelques solutions existent, à commencer par le fermage, « qui a l’intérêt à la fois de maintenir une exploitation et d’aider le propriétaire à vivre ». Autre solution : « le portage par la Safer qui peut-être très intéressant pour les moyennes surfaces. » Quant aux jeunes qui s’installent, « leur souci c’est de vendre, tout en maîtrisant les coûts de production et les coûts de main d’œuvre ». Or, là aussi, certains dispositifs peuvent être envisagés pour diminuer les coûts. Son conseil : « regarder du coté des CUMA, ou encore des groupements d’employeurs », qui permettent à plusieurs agriculteurs d’employer ensemble, des salariés qualifiés qui travaillent sur leurs exploitations tout au long de l’année. Une formule qui permet de diviser les charges de main d’œuvre des employeurs… un aspect non négligeable en cette période délicate.
Solène Méric