« La poste, moij’aime. 81% pour ». Telle était la banderole que l’on pouvait apercevoir, au début de l’année,sur le front de l’établissement menacé, à Carignan-de-Bordeaux.La population s’était vivement émue des perspectives de fermeture en dépit des 3000 habitants -et bientôt plus de 3500-que compte cette commune de la périphérie bordelaise surla rive droite de la Garonne.Mais rien n’y a fait, du moins jusqu’à présent : l’agence postale a fermé à la fin du mois de juin 2006 et a été remplacée par un relais poste installé au magasin tabac-journaux du nouveau centre commercial. En dépit du dévouement et de la céléritéde la gérante, il arrive que la clientèle « bouchonne », entre achats de cigarettes, de journaux, ou bonbons à la menthe. Pourtant chacun semble prendre son mal en patience, sans doute conscient que cela pourrait être pire. Il est vrai que l’on peut acheter son timbre poste même le dimanche matin ! Mais certains préfèrent se diriger vers les bureaux de poste les plus proches, soit Latresne etFargues-Saint-Hillaire.Ils y trouveront souvent une unique postière confrontée à une multitude de tâches, et ayant bien du mal à faire face tandis que la file d’attente grandit
Une poste en 1960
Comment ne pas, alors regretter la poste d’antan ! Carignan, rappellent Jean Dufau et Geneviève Reynaud, responsables du Comité de Défense de la poste constitué pour l’occasion, « avait son agence postale en 1960, alors que la commune ne comptait que 750 habitants » ! On se demande évidemment où est le progrès.
La disparition d’un service public est le signe de dépérissement d’un village. A Carignan, cela ne saurait être le cas. Mais au cours d’une réunion tri-partite obtenue par le Comité, le directeur de la Poste a indiqué que la loi, avec l’arrivée de la Banque Postale, l’obligeait à fermer l’ancienne agence. Le local communal prévu par la municipalité précédente qui aurait pu être attribué s’est avéré ne pas convenir. Les animateurs du Comité de Défense n’ont pas eu toutefois l’impression que l’actuel maire prenaitle problème à bras le corps.
« La population vieillit. Les jeunes ont aussi besoin d’un bureau de poste pas trop éloigné » soulignent M. Dufau et Mme Reynaud. Deux rassemblements très suivis, l’un le 13 mai, et l’autre le 30 juin 2006,furent organisés devant la poste. Il fut question, parmi les moyens d’action envisagés, de se rendre en groupe -70à 80 personnes- pour acheter, chacun, un timbre à la Poste de Latresne !
La mobilisation
Cela avait commencé en 2003 par une pétition« spontanée » qui avait recueilli la signature de 736 foyers sur 1220. Ne voulant pas être en reste,la municipalité organisait une réunion en compagnie des signataires,qui devait être suivie d’une consultation dont les résultats furent les suivants : 1124 réponses pour le maintien de l’agence postale, soit 81,09% des suffrages exprimés, la formule relais-poste n’obtenant que 29, 51%. Le questionnaire qui mettait en parallèle le coût d’une agenceen partenariat, et la formule n’entraînant aucune charge pour la commune, de relais poste chez un commerçant,conduisait cependant à retenir cette dernière. Le Comité de Défensequi s’était constitué dans l’urgence autour de responsables associatifs écrivait cependant au préfet, et adressait des demandes au maire, à la direction de la Poste, et même au médiateur. Il obtenait la mise en place d’ungroupe de travail paritaire (Conseil municipal-Comité de Défense).
Espoir de retour
Ce groupe s’est réuni voici quelques jours, mais le maire de Carignan, Marc Gizard, n’a communiqué aucune information allant dans le sens du retour d’une agence postale à Carignan. Pourtant, selon les responsables du Comité de Défense, la direction de la Poste avait laissé entendre, que dans le cas d’un regain d’activité la Poste pourrait revenir à Carignan avec une agence. Or,le nouveau centre commercial de la cité où se trouve le relais posteest devenu très actif, et ce dernier doit en bénéficier. Bien queni la Poste, ni la mairie n’aient communiqué de chiffres sur le niveau d’activités,les arguments en faveur de la réouverture se trouvent renforcés.
De son côté Mme Solange Ménival, présidente de Commission de la Présence Postale Territoriale du Conseil Général de la Gironde,déplore que l’ouverture d’une agence communale dans les trois ans, à Carignan, ne figure pas dans le compte rendu de réunion de la CDPPT, « alors que le directeur de la poste l’avait annoncée ». Elle refuse donc de signer le procès-verbal de réunion , et demande la réinscription de cesujet à l’ordre du jour de la prochaine réunion. Affaire à suivre…..
Marc Gizard, maire de Carignan, précise pour sa part que la commune a dépensé 280 000 euros pour mettre un local à la disposition de La Poste en prévision de la fermeture de l’ancienne agence. Mais la direction de l’Etablissement, selon lui, n’a pas accepté l’offre, la commune n’ayant pas fourni les équipements complémentaires nécessaires. Le premier magistrat n’en est pas moins conscient de la nécessité de préserver » le service public » dans cette localité où un certain nombre d’habitants ne peuvent se déplacer très loin. Pour M.Gizard la notion de service public » ce n’est pas seulement la poste; c’est aussi la possibilité de se nourrir ». Or cet impératif semble atteint avec une supérette, un boulanger, un boucher installés au nouveau centre commercial, lequel accueille aussi le relais poste au tabac-journaux attenant. Le maire de Carignan estime ne pas négliger la poste pour autant. Le conseil municipal a ainsi adopté le 31 mars dernier une motion qui prévoit, que dans le cas où le relais poste chez un commerçant disparaîtrait, la commune assurerait la continuité du service. Une résolution qui ne fut votée que de justesse et grâce à la voix prépondérante du maire.
Aujourd’hui, Marc Gizard espère que le bilan de six mois de fonctionnement du relais poste sera suffisamment positif pour inciter La Poste à rouvrir un bureau à Carignan, » comme l’avait laissé entendre son directeur mais le maire entend qu’une éventuelle réouverture » ne coûte rien à la commune ». Il s’interroge néanmoins sur la pertinence des partenariats entre La Poste et les communes au regard des perspectives d’ouverture du marché à la concurrence en 2009.
Gilbert Garrouty.