« C’est une délégation que j’adore car tout est à faire, on est sur les comportements des gens, on est sur le terrain, et ça ça me passionne ! Et j’espère que j’arriverai à emporter dans mon enthousiasme beaucoup d’habitants de la métropole ! ». De l’enthousiasme, la Vice Présidente de Bordeaux Métropole, en charge de la Mobilité alternative, des déplacements doux, du covoiturage et du Plan des Déplacements d’Entreprises (PDE), par ailleurs Maire de Bruges, et cycliste, n’en manque pas. Et tant mieux car le programme est chargé pour Brigitte Terraza : faire le bilan d’un plan vélo 2012-2020 déjà bien essoufflé à mi-parcours, et relancer la dynamique à l’été 2016, non sans s’être assurée auparavant de l’indispensable soutien des 27 autres Maires de la métropole dans la démarche…
@qui-Bordeaux-Métropole : Lors de la semaine de la mobilité (septembre 2015), les chiffres donnés par la Bordeaux Métropole sur la part modale des déplacements sont loin d’être excellents : la place de la voiture dans l’agglomération représente 59% des déplacements, contre 11% pour les transports en commun, 24% pour la marche et seulement 5% pour le vélo… Or la politique vélo de l’ex CUB, lancée fin 2012, posait un objectif de 15% des déplacements à vélo en 2020… Fort peu probable qu’à ce rythme, on y arrive. Maintient-on les objectifs?
Brigitte Terraza : Pour revenir sur les chiffres, la Métropole cache en vérité de grandes disparités, car évidemment la ville centre fausse un peu ces moyennes dans la mesure où le réseau de transports en commun est extrêmement développé et les stationnements sont contraints. La part modale du vélo est plus importante sur Bordeaux, on pense qu’elle est à peu près de 10% et effectivement elle est moindre sur les autres communes de la métropole, et notamment sur celles qui sont en deuxième rideau par rapport à la ville centre.
La marche, c’est pareil, c’est un peu faussé. Beaucoup de gens prennent les transports en commun et dans le cadre d’une chaîne des mobilités, il faut bien effectuer le trajet domicile-arrêt de tram ou arrêt de bus à pied. Donc là aussi on est sur des moyennes faussées par la ville centre.
Pour autant, c’est vrai, la part d’effort, notamment par rapport à l’objectif posé de 15% de personnes qui roulent en vélo pour 2020 est importante à faire, mais on va la maintenir, on y travaille, même si ce n’est pas gagné d’avance.
@BM : Qu’est ce-ce qui explique ce retard sur les objectifs ?
B.T. : J’ai pris cette délégation en 2014. Année où, suite aux élections municipales, il y a eu beaucoup de changement dans les équipes, il a fallu le temps qu’elles se mettent en place. Puis en 2015 on a beaucoup eu à travailler sur la mutualisation et la métropolisation donc tout ça a pris du temps. Ensuite, j’ai souhaité faire un bilan complet du plan vélo de 2012 que vous avez évoqué. Il est ambitieux et on voit bien qu’il n’est pas arrivé à ses objectifs. Donc, depuis fin 2015, j’ai demandé aux services d’identifier pour chacun des objectifs annoncés, où nous en sommes, et si ce n’est pas atteint, pour quelle raison: budgétaire, techniques ou autre…. Cet état des lieux en cours permettra de réaliser l’actualisation du plan vélo que j’ai annoncé lors du Conseil de Métropole du 22 janvier qui a voté la Stratégie globale des mobilités, et que le Président Juppé a validé. L’idée, c’est qu’on revienne devant les élus pour présenter quelque chose de solide avec un bilan, des objectifs, et toujours cet objectif de 15 % à 2020 que l’on ne veut pas abandonner. Mais surtout, il faudra définir quels moyens on met derrière. Je vais me battre dans ma délégation, auprès des financiers notamment pour que ce Plan vélo 2016 ait des moyens financiers, en investissement et en fonctionnement, sinon effectivement c’est compliqué d’arriver à des résultats…
Ensuite il y a un autre levier qui est très important, c’est l’échelon municipal.
Travailler dans la proximité avec les 28 Maires
@BM : A ce propos en effet, entre les Mairies et Bordeaux métropole, qui fait quoi sur la question des déplacements doux et notamment du vélo? Cette question des compétences, et donc aussi du bon vouloir des uns et des autres, est-elle un frein au développement du vélo à l’échelle métropolitaine ?
B.T. : Aujourd’hui la politique des mobilités et la politique vélo c’est la Métropole. Pour autant, il y a deux niveaux : la compétence et les moyens qu’on met en œuvre. Les maires ont aussi un rôle très important, notamment dans la promotion de certains modes de déplacements doux. Bien évidemment la Métropole va faire des campagnes de communication autour du vélo, mais si les Maires ne font pas le relais par des événements locaux auprès de la population, ça va être plus compliqué. De la même façon, sur les aménagements de pistes ou de bandes cyclables, c’est la Métropole qui a compétence mais elle agit à la demande du Maire aussi. Et, notamment, le financement se fait dans le cadre du contrat de co-développement que le Maire signe avec la Métropole. Donc, s’il choisit de mettre en place tel ou tel aménagement ou piste cyclable, ça va être en lieu et place d’une autre action que le maire aurait pu promouvoir. Il faut donc arriver à les sensibiliser à ces questions de mobilités douces, pour qu’eux mêmes les mettent en avant.
Pour ça, depuis le mois de janvier, je rencontre les 27 autres maires de la Métropole (Brigitte Terraza étant elle-même Maire de la commune de Bruges, ndlr) avec mes équipes de ma délégation. Et, cartographies à l’appui, on fait ensemble le point sur la politique des déplacements doux de leur commune, pour identifier puis comprendre pourquoi il existe telle ou telle discontinuité cyclable : est-ce une question de moyens, est-ce parce qu’ils ne l’avaient tout simplement pas perçue, ou parce qu’ils ont préféré prioriser autre chose, etc. C’est important de comprendre ça pour voir ensuite comment on pourra pousser et booster cette politique de déplacements doux. L’idée c’est aussi de les sensibiliser à l’intérêt des continuités cyclables, d’une commune à l’autre. A ce propos, en appui au plan vélo 2012, le Réseau REVE ( Réseau Vélo Express) qui avait pour ambition de relier toutes les communes de la Métropole en vélo, avait relevé environ 300 discontinuités cyclables. C’est impossible de tout traiter. Donc avec les Maires, on voit ensemble lesquelles sont prioritaires à gérer pour eux.
@BM : Et comment êtes-vous accueillie en Mairie ?
B.T. : Les Maires sont très intéressés par cette démarche. Ils sont bien conscients d’une part que les réseaux voitures ne vont pas augmenter alors que la population, elle, va augmenter sur la Métropole, et d’autre part que si les gens viennent s’installer en dehors de la Métropole, c’est bien là qu’ils viennent travailler. Quelles que soient les politiques qu’on va mettre en place sur la Métropole, il faut bien aussi prévoir comment les gens vont se déplacer demain; les Maires le savent et sont donc très partants pour que la Métropole les accompagne et leur donne un certain nombre de points de connaissances et de chiffres propres à leur commune, quand on les rencontre. Lors de ces réunions ont est vraiment avec eux, dans la proximité. Jusque-là ça ne s’était pas fait, et avec ça on devrait réussir à avancer.
@BM : Y a-t-il d’autres marges de progrès qui sont d’ores et déjà identifiés ?
B.T. : Il y a un sujet sur lequel on travaille beaucoup depuis le Grenelle des mobilités avec l’agence d’urbanisme, notamment : il faut amener les gens à changer leur perceptions des mobilités, et pour ça on a désormais bien compris qu’il faut les mettre en situation. D’où l’organisation par exemple, lors de la dernière semaine des Mobilités de l’opération « 2 mois sans ma voiture ». Le bilan est très positif, car sur les 60 personnes qui avaient accepté de faire ce test, plus de la moitié on découvert le vélo. C’est en pratiquant, que l’on découvre que ça va plus vite que la voiture , entre les travaux, les feux rouges, les bouchons,… c’est évident, pour se garer c’est nickel et ça ne coûte rien. Après, reste les bandes cyclables qui sont prises par des voitures en stationnement… mais c’est aussi intéressant d’entendre ça… Donc, on va aussi travailler cette question et la reprendre dans notre bilan du plan vélo. J’insiste mais c’est vraiment important tout ce travail de remise à plat, pour voir ce qui a marché ou pas. Ce qui marche bien, par exemple, ce sont les subventions de la Métropole auprès des particuliers pour l’achat de vélos électriques, ou vélos cargo pour les encourager à s’y mettre. La subvention dépend du quotien familial, mais elle peut aller jusqu’à 300 € pour un vélo à assistance électrique, et elle est d’ailleurs plutôt sollicitée par des femmes. Au total, la métropole donne 60 000 € par an en subvention.
@BM : Quand ce bilan sera-t-il terminé ?
B.T. : Nous nous sommes fixés fin avril car, à cette date, j’aurai rencontré les 28 maires et mes équipes auront fait le bilan des pistes et bandes cyclables, des discontinuités, etc… et on aura aussi des données chiffrées. Notre ambition est qu’avant l’été, on arrive à présenter au Conseil de Métropole un nouveau plan vélo avec toujours l’objectif de 15% à 2020. C’est atteignable si vraiment on met des efforts supplémentaires; c’est évident, au niveau des efforts financiers.
Intégrer les modes alternatifs dans une stratégie globale de mobilité, une première pour la Métropole
@BM : Pour être clair, ce plan vélo 2016 sera la déclinaison de la « partie » vélo de la stratégie des Mobilités voté le 22 janvier dernier ?
B.T. : Oui, en effet. C’était la première fois qu’on intégrait les mobilités alternatives dans la Stratégie de mobilité de la Métropole. Même si nous on n’était pas prêts, c’était important déjà de faire paraître et de voter dès janvier que ce schéma de mobilité ce n’est pas seulement la voiture, le stationnement, le tram et le bus, mais qu’il y a aussi plein d’autres choses.
@BM : Pourtant depuis quelques temps, les discours et volontés politiques semblaient très focalisés sur les trams, les bus, le BHNS…
B.T. : Effectivement c’est assez vrai, mais c’est notamment du au fait qu’il y a eu beaucoup d’extensions du tram qui ont été très médiatisées, il y a eu aussi tous les rebondissements judiciaires et les recours autour du tram-train et de la ligne D… on en a beaucoup parlé. Et l’extension de la ligne C va être mis en service cette année, donc on va encore reparler du tram… Donc c’est à nous aussi d’être vigilants. Comptez sur moi pour qu’on parle des vélos et des piétons pendant l’année 2016 !
@BM : Dans le cadre de cette stratégie globale de mobilité, quelles sont les autres éléments qui vont encourager les gens à prendre davantage le vélo ?B.T. : Il va y avoir très probablement une généralisation du stationnement payant et ça ne concernera pas que Bordeaux. Si la ville centre fait du stationnement payant jusque sur ses limites avec les communes voisines, ces dernières vont aussi devoir en faire, sinon les stationnements vont se déporter sur les communes limitrophes des boulevards notamment. Le stationnement payant va être un élément de plus qui va sans doute pousser les gens à utiliser davantage les parcs relais ou le vélo électrique. Et puis, il ne faut pas oublier que 70% des déplacements domiciles travail font moins de 3 kilomètres…
@BM : Pour autant, la seule mise en place de stationnement payant ne peut sans doute pas suffire si parallèlement des aménagements ne sont pas pensés pour les cyclistes … dans quel ordre d’ailleurs faut-il agir ?
B.T. : Bien sûr ça ne peut pas suffire. Un des deux freins identifiés comme les plus importants à l’utilisation du vélo, outre les problèmes de comportements, c’est effectivement d’avoir un réseau cyclable sécurisé et digne de ce nom. Il ne s’agit pas forcément de faire des pistes cyclables partout mais des bandes cyclables, directement identifiées sur la chaussée. Aux intersections, elles sont d’ailleurs moins accidentogènes que les pistes. Le deuxième frein important, c’est le stationnement sécurisé. Il y a beaucoup de vols de vélo, il nous faut absolument, dans l’actualisation du plan vélo, travailler avec les maires sur ce point, parce que c’est dans les communes que l’on doit assurer aux cyclistes des stationnements sécurisés. Mais ça, ça coûte un peu… Donc il faudra voir si la Métropole _et ça ça serait une action forte politiquement_ accepte de donner un fond de concours à chaque maire qui voudra installer des stationnements vélos sécurisés sur sa commune… Donner 50% par exemple du prix de l’investissement par exemple. C’est intéressant pour encourager les Maires, ils paient une partie et la Métropole paie l’autre.
Mettre les gens en situation, pour qu’ils essaient d’autres modes de mobilité
@BM : Votre délégation comprend également le Co-voiturage et plan de déplacements d’entreprises: où en est-t-on sur ces autres types de mobilités alternatives?
B.T. : Le co-voiturage, c’était un axe du Grenelle des mobilités, et il a été convenu que c’est le Conseil départemental qui est le maître d’oeuvre, avec à ses côtés la métropole, et le Club des mobilités (ADEME et la Chambre des métiers). Ensemble on regarde comment développer ce co-voiturage. Ce qui avance bien, c’est le maillage du territoire par des aires de co-voiturage. Ce sont des opérations peu couteuses et visibles, puisque souvent on conventionne avec des grandes surfaces aux entrées de la Métropole, en prenant quelques places de leur parking. L’idée c’est vraiment d’avoir un maillage fin, d’aires de covoiturage qui font entre 5 et 10 voitures. Il nous arrive également d’identifier des aires de co-voiturage « sauvages»… mais, si elles existent c’est qu’elles répondent à un besoin. Donc, on essaie de les organiser, par un marquage, et un peu de bitume si nécessaire…
Ensuite sur le covoiturage, il y a la question de savoir comment on met les gens en relation. Ce qui rejoint également la question des PDE et PDIE, pour que les gens se déplacent ensemble sur leur lieu de travail. Dans un premier temps il existait 2 logiciels, un pour la Métropole, l’autre mis en place par le conseil départemental… on a simplifié, désormais il n’ y a plus qu’un seul site « covoiturage.transgironde.fr« . Tout cela est financé par le Conseil général et la Métropole, donc c’est gratuit pour les utilisateurs, pas de coût connexion ou d’abonnement.
Mais, si le co-voiturage fonctionne bien pour de longs trajets, c’est compliqué de motiver les gens sur le trajet domicile-travail, plus court. Même si répétées sur l’année ça fait quelque chose d’important, les sommes sont minimes… il faut trouver des motivations. Aujourd’hui, il y a de nombreuses start-up qui développent des logiciels de co-voiturage domicile-travail. On vient de lancer à Lormont, une expérimentation avec l’une d’elle, Instant System, sur le parc de la Buttinière qui est saturé. On a fait un partenariat avec Kedge pour que 3 étudiants interviewent tous les utilisateurs du parc relais (vous venez d’où, vous allez où, pourquoi vous venez tout seul, est-ce que vous seriez prêt à tenter le covoiturage ?) et Instant System va mettre son logiciel à leur disposition. Ici, les volontaires au co-voiturage vont capitaliser des points, qui à terme leur feront bénéficier de cadeaux : vélo électrique, place de théâtre, concert, etc… L’objectif est de parvenir, une fois encore, à mettre les gens en situation, pour qu’au moins ils essaient d’autres modes de mobilité. On voit que ça bouge, mais il fallait trouver « une carotte »… On fera le bilan de cette expérimentation à l’automne et si ça fonctionne, on souhaiterait généraliser en 2017.
@BM : Et sur les Plans de Déplacements d’Entreprises ?
B. T. : Après une première génération de PDE qui visait de très grosses structures comme le CHU de Bordeaux (2008), la Métropole, Orange (2005) ou aéroport de Bordeaux (2009), on a choisi de regarder du côté de celles qui ont 300-400 salariés chacune mais qui sont sur un même territoire, c’est le PDIE (Plan de Déplacement Inter-Entreprises). Là il y en a un qui marche très bien et qui couvre 35000 personnes, c’est Mérignac, autre exemple sur Bordeaux nord, avec notamment Bordeaux lac, la caisse des dépôts ou Domofrance, qui couvre quand même 4500 salariés et qui fonctionne bien. Mais certains de ces plans ne sont pas ou plus actifs, donc là aussi il faut regarder pourquoi et comment faire pour que ça reparte.
Les PDE, c’est quelque chose que l’on veut développer, mais la limite au dispositif, c’est qu’il faut avoir dans l’entreprise des gens motivés qui puissent être notre relais… Sur ce sujet, il faut aussi anticiper les choses. Sur les Bassins à Flots par exemple, je suis déjà en contact avec certaines des nombreuses entreprises et structures qui vont s’y installer, pour anticiper leur arrivée et la gestion des déplacements des futurs salariés, mais aussi étudiants, enseignants sur le secteur.
Enfin, je voudrais attirer l’attention sur une chose importante en terme de mobilité alternative, c’est l’auto partage il y a les Blue cub mais aussi Cityz qui répond vraiment au besoin des gens qui veulent sortir de Bordeaux le week-end par exemple. Mais l’auto-partage évolue aussi par les nouvelles start-up. Il y en a une notamment sur Bordeaux qui propose de mettre sa voiture personnelle en auto-partage, lorsqu’on ne l’utilise pas. La société met en relation le propriétaire de la voiture avec le chauffeur et ça peut représenter jusqu’à 150 à 200 € par mois pour les propriétaires de voiture… Tout ça c’est autant d’intitiaves qui facilitent les déplacements dans l’agglomération mais qui sont aussi totalement en phase avec les objectifs de la Cop 21 et au niveau de Bordeaux Métropole, cela répond pourp partie à l’ambition de faire de la Métropole un Territoire à haute qualité de vie que je partage au côté d’Anne Walryck, Vice-Présidente en charge de l’Agenda 21 et de Clément Rossignol, nouveau Vice-Président en charge de la Nature.
Cet article appartient à notre enquête : Mobilité: Testons les alternatives!