A côte de l’imposante base sous-marine, le pont du pertuis, pourtant long de ses 25 mètres, ne se remarque pas. Robert Venturi, le secrétaire général de l’association de défense des intérêts du quartier de Bacalan (ADIQB), fait les présentations. Le pont du pertuis sépare le bassin à flot numéro 1 du bassin à flot numéro 2, le pertuis étant le couloir qui permet le passage de l’un à l’autre. Cet ouvrage en acier, de type Eiffel, a été construit en 1911 pour permettre le passage de trains pouvant aller jusqu’à 380 tonnes.
Sa particularité est d’être un pont tournant. Fermé, il permet le passage des bateaux, notamment de plaisance, comme les catamarans. En action, le pont se soulève légèrement, bascule d’un côte, pour pivoter sur son axe et relier l’autre côté de la berge. Un mécanisme ingénieux. « Aujourd’hui c’est le seul pont de ce type qui reste en France » affirme fièrement un des ses plus fervents admirateurs, Robert Venturi.
Pourtant le pont n’est plus utilisé depuis 2000. Il a été déclaré dangereux par le Port Autonome de Bordeaux, après consultation d’un cabinet d’experts. Pour l’amoureux du pont c’est « la question de la responsabilité du Port Autonome dans la détérioration de l’ouvrage » qui doit être posée. Le pont a été délaissé. Les traverses, la colonne vertébrale du pont, ont bien été changées en 1997, mais pas été repeintes. Résultat : elles sont pourries et bonnes à changer, argument utilisé en faveur de la destruction du pont.
Chose que Philippe Dorthe, conseiller général du premier canton de Bordeaux, ne peut accepter. Le projet du Port Autonome de Bordeaux est de remplacer le pont existant par une passerelle fixe de 16 mètres et un petit pont levant de 9 mètres. « C’est condamner le bassin à flots numéro 2, et empêcher la venue des barges de l’Airbus, par exemple !», s’exclame l’élu. Il propose la restauration « pérenne » : conserver le cachet du pont en le rénovant non à l’identique, ce qui coûterait trop cher, mais avec des techniques modernes équivalentes et peu onéreuses.
« Préserver legénie du lieu »
Dans un seul but : « préserver le génie du lieu », comme il aime l’exprimer. « Ce pont du pertuis, fait partie du patrimoine industriel bordelais. C’est de l’archéologie industrielle », ajoute-t-il. Robert Rous, membre de Lagon Bleu, une association de propriétaires de bateaux des bassins à flots renchérit : « Ce pont est extraordinaire. Surtout c’est un élément de l’ensemble portuaire au même titre que les cales sèches, les formes de radoub ou la base sous-marine. »
Garder la trace du passé pour aller de l’avant, c’est le message de ces trois amis du pont. « Il ne faut pas fermer les potentialités des bassins à flots et notamment du numéro 2. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve » rappelle le conseiller général de la Gironde. Et chacun a son idée : l’élu envisage l’installation d’entreprise de construction de bateaux électriques, en plein essor. Robert Venturi note, non sans ironie : « Si les activités portuaires bordelaises sont plus en aval, à Bassens, le Port Autonome a installé ses bureaux à Bacalan. Il ne peut oublier le paysage qu’il a sous les yeux. » Avec le projet d’industries de démantèlement des bateaux en fin de vie, une partie des activités pourrait revenir dans les cales sèches des bassins à flots.