Depuis 2016, la situation a donc évolué pour la mutualisation des communes de Bordeaux Métropole. Dans le cinquième cycle qui débutera au 1er janvier prochain, Saint-Médard sera la 21ème commune à franchir le pas, ce qui fait un total de 70% des communes représentant 80% de la population métropolitaine. Au 1er janvier 2020, 21 communes sur les 28 ont donc mutualisé leurs services, le tout à des degrés divers, et non sans de sérieux à-coups sociaux, avec un baromètre annuel qui affichait en 2017 des résultats au mieux mitigés. Depuis, la situation a-t-elle évolué ? Globalement, oui. Un baromètre social réalisé entre mars et avril 2019 (35% de taux de participation contre 38% pour la précédente étude) situe la note de satisfaction globale à 6.1 (contre 5.9 pour les 80 000 agents au niveau national). L’étude précise ainsi que « le ressenti positif au travail (44%) est en augmentation de onze points mais encore inférieur au ressenti négatif (56%) » et que « les impacts négatifs du travail sur la santé sont en nette diminution ». Enfin, le rapport note un manque de reconnaissance au travail et un « climat de confiance et de respect encore à améliorer ». Lors du précédent baromètre, 65% des répondants jugeaient le climat de confiance et de respect non-satisfaisant. « On ressent que la grande crise est aujourd’hui dépassée, même s’il reste des poches d’irritation », a commenté ce vendredi l’un des maîtres d’œuvre de la mutualisation, le maire de Mérignac Alain Anziani.
L’effet levier
La partie la plus intéressante du rapport, c’est celle du bilan financier. Elle répond à une question importante : la mutualisation des services de la part des communes vers la métropole a-t-elle permis, pour les unes ou pour l’autre, de réaliser des économies ? Là encore, la réponse est oui, si l’on en croit la synthèse. Cette dernière note une multiplication par vingt du nombre de groupements d’achats, opérations qui ont permis de dégager des économies dans divers domaines : 12% sur l’achat d’électricité, 15% sur le mobilier scolaire, 12% sur les produits d’entretien, 18% sur les fournitures pédagogiques et 50% sur les marchés d’impression. Par exemple, Pessac a pu économiser 250 000 euros sur 164 marchés passés en 2018. À titre de comparaison, notons que la dernière « dotation de solidarité métropolitaine » (de la métropole vers la ville) présentée dans le budget 2020 de la ville s’établit à 2,8 millions d’euros, en légère progression depuis 2015 (2,7 millions) pour un budget municipal total de 81 millions d’euros (contre 95,2 millions en 2019). Au niveau des dépenses de fonctionnement de la métropole et des communes ayant mutualisé au premier cycle, on constate aussi une diminution : de 1270 euros (« constants par habitant ») en 2014, elles passent à 1228 euros en 2018.
Selon l’étude, « les quinze communes qui ont mutualisé depuis 2016 (autrement dit les premières) sont celles qui ont le plus gagné ». Cela a-t ‘il coûté plus cher à la métropole d’absorber toutes ces dépenses ? Si l’on en croit le graphique des dépenses de fonctionnement liées à la mutualisation, elles ont diminué de 2,87% entre 2016 et 2018 « en incluant les transferts de charges », mais augmenté de 6,90% sans ce lissage (avec une grosse augmentation de 23,75% en 2016 et des baisses successives de 0,64% et 2,40% en 2017 et 2018). Enfin, en termes de gains financiers pour les communes, il est estimé à un total de 13,5 millions d’euros à fin 2018 (avec un transfert de masse salariale représentant 80,3 millions d’euros au 1er janvier 2016) et une projection les évaluent à 28,8 millions d’euros fin 2020. Service concernant directement les habitants de la métropole, la fibre aurait même bénéficié d’un déploiement accéléré grâce à la force de frappe de la métropole, avec 100% des logements adressables en 2020 et 85% raccordables fin 2020. Dans les faits, on constate en effet une accélération du déploiement depuis la métropolisation (de 13% en 2014 à 19% en 2015, de 35% en 2016 à 51% en 2017). À noter que les services les plus mutualisés par les communes sont la propreté (16 communes), l’informatique/numérique (14), les espaces verts (13), les ressources humaines (finances) et domaine public (11) et enfin l’urbanisme et le cadre de vie (9).
De nouvelles perspectives ?
« C’est un modèle assez particulier en France, la plupart des modèles sont plutôt sur de la coopération entre les communes que sur de la mutualisation », a commenté Alain Anziani. « Aujourd’hui, 21 sont montées dans le train, le cinquième cycle débutera le 1er janvier 2020. On en a profité pour régulariser notre prise en charge des fonctions opérationnelles (voiries, espaces verts), dont la loi de 1965 précisait qu’elles devaient relever de la Cub, ce qui n’était pas le cas, on a donc régularisé la situation. Au total, 2800 agents sont passés à la métropole, l’effectif total est de plus de 5000 aujourd’hui dont 1600 qui travaillent dans les quatre pôles territoriaux ». La question qui reste encore à définir, à l’aune d’un renouvellement des élus en mars, est celle des perspectives d’évolution. Les 7 communes réticentes (Martignas-sur-Jalles, Saint-Médard-en-Jalles, Eysines, Bouliac, Gradignan, Villenave d’Ornon et Cenon) y viendront-elles ? Comment peuvent évoluer celles qui ont mutualisé dès le début ?
« Il y a encore beaucoup de chantier, notamment sur l’informatique : on a 1200 applications à faire converger, un logiciel à réinventer. On pense aussi qu’il y a des marges sur la réactivité, on veut encore progresser même si ça s’est amélioré depuis un an », a précisé le maire (PS) de Mérignac. « On a perdu cette proximité qu’avaient les mairies, mais on a gagné en efficacité opérationnelle. Quand on fait l’équilibre, l’intérêt est clair », a pour sa part ajouté le maire du Bouscat et président de Bordeaux Métropole, Patrick Bobet. « Pour les communes qui n’ont pas adhéré, il y a des oppositions de principes mais aussi des opportunités. Saint-Médard-en-Jalles était au départ réticente, elle y vient ». À venir aussi, une baisse des charges de structures pour les communes qui transfèrent du personnel, afin qu’elles n’aient plus à assumer deux portefeuilles équivalents et soient donc moins réticentes, là encore des charges à analyser « selon les cas. Les petites communes, paradoxalement, sont les grandes gagnantes parce que leurs services sont renforcés. Ce qu’on peut espérer dans les prochaines années, c’est un élargissement du champ de mutualisation (comme pour Bègles, par exemple). Peu à peu, notre mutualisation devient plus attractive, il y aura sans doute d’autres communes et celles qui sont déjà là élargiront leur champ ».
Lors du vote de son budget 2020, Bordeaux Métropole a acté 34,8 millions d’euros de « dotation de solidarité » aux communes pour des recettes et dépenses de fonctionnement établies respectivement à 797 (+0,57%) et 614 millions d’euros (stable) et un volume d’investissement de 754 millions d’euros. En guise de dernière perspective, notons que le rapport présente aussi une étude réalisée par des élèves de l’INET en 2019 sur les autres types de métropolisations. Elle révèle que cette manière de développer des services communes « à la carte » n’a pas vraiment d’équivalent au niveau national, mais que cette dynamique voulue comme inclusive trouve tout de même quelques échos (même si non-similaires) à Tours, Orléans, Dijon ou Dunkerque. Le renouvellement de la carte des élus devrait donc, pour cette dynamique encore en cours, être intéressante à, plus d’un titre…