La hausse du prix des loyers (+40% entre 1998 et 2008 selon l‘Observatoire des inégalités) mais aussi la multiplication des parcours « éclatés » des jeunes : c’est ce qui conduirait à une plus difficile accession au logement chez les jeunes, affirme Julie Broner, directrice de l’association Technowest logement jeunes. Créée en 2004, cette structure a pour but de favoriser l’accès au logement pour tous les jeunes de 16 à 30 ans, afin d’aider ceux « qui ont évolué dans leur étape de vie et ne vivent plus chez les parents ». En Aquitaine, 12 autres structures comme celle-ci existent, mais sont essentiellement concentrées sur Bordeaux, la rive droite ou dans d’autres départements. En revanche, les communes de l’ouest de la ville du port de la lune sont peu pourvues de ce type d’hébergements. C’est à partir de ce constat qu’est né, il y a dix ans, le projet de construire trois foyers jeunes travailleurs : deux à Mérignac, dont l’un ouvrira en septembre, l’autre en 2015, et un à Blanquefort, qui ouvrira également pour la rentrée 2013. Et si le projet a mis une décennie à sortir de terre, c’est que la conciliation avec les différentes communes a été long à mettre en place. 12 communes sur les 16 que couvre l’association participent au projet. Le financement est lui assuré par de multiples acteurs : l’Etat, le Conseil régional d’Aquitaine, le Conseil général de Gironde, la Cub (Communauté urbaine de Bordeaux), les collecteurs du 1% logement (Cilso et Cilgere) et les communes.
Loger des jeunes au parcours chaotique
Pour accéder à ces logements sociaux, la condition, en plus d’avoir moins de 30 ans, est de ne pas dépasser le plafond de ressources fixé pour les logements PLAI (prêt locatif aidé d’intégration), qui correspond à la catégorie de logements sociaux destinés aux ménages les plus modestes. Une condition que la plupart des jeunes en début de parcours remplissent, confie la directrice de l’association. La résidence pourra accueillir 70 personnes à Blanquefort, 26 à Mérignac en septembre, tandis que 78 autres places devraient voir le jour en 2015. Pour l’instant, le site de Blanquefort a reçu une soixantaine de dossiers, mais la jeune directrice affirme ne pas être inquiète sur le taux de remplissage de la structure : à Bordeaux, « en moyenne, les associations sont obligées de refuser trois demandes sur quatre qui correspondent pourtant aux critères » confie-t-elle. Car si les résidences étudiantes sont nombreuses, les jeunes, qui ne sont pas tous étudiants, ont souvent des parcours éclatés, alternant entre période de formation et d’emploi, changeant de fait leur statut et compliquant leur accès au logement.
Habiter le territoire : l’éducation populaire au coeur du projet
Mais au-delà de la question du logement, l’association et les partenaires ont souhaité insuffler au projet une dimension citoyenne et socio-éducative. Les foyers ont ainsi été renommés « résidence habitat jeunes ». Des ateliers avec les partenaires ont été organisés le 13 juin, afin de tracer les grandes lignes de cette politique éducative. Robert Hourcq, président de l’Urhaj (union régionale pour l’habitat des jeunes Aquitaine) a ainsi affirmé l’importance de la notion « d’habiter un territoire » et non seulement celle de se loger.
Dans la pratique, tout a été conçu pour privilégier les échanges : une salle commune, aménagée de façon à ce que les habitants passent devant pour rentrer chez eux, comprendra une grande cuisine afin de préparer des repas de groupe, une pièce principale pouvant servir à visionner des films et une salle d’études avec l’accès à Internet. Des éducateurs socio-éducatifs devraient également être recrutés. En prenant exemple sur des initiatives venues d’autres foyers, le but est que les jeunes puissent organiser des actions collectives, du simple débat de société au projet d’Amap. Ce projet rejoint donc la philospohie de l’éducation populaire, c’est-à-dire « l’accès à l’éducation pour tous et par tous », explique Hubert George, président de l’association Technowest logements jeunes et conseiller municipal à Mérignac. La participation des jeunes reste cependant libre, « ils ne doivent pas subir le collectif » précise Julie Broner, glissant toutefois que si « les jeunes ont un peu peur de cet engagement collectif » au départ, cette implication a été pour bon nombre d’entre eux l’occasion de faire des connaissances et développer du lien social, une dimension primordiale pour cette ancienne animatrice de foyers jeunes travailleurs. Au-delà, Hubert George voit dans ce projet l’occasion de donner aux jeunes les moyens humains et matériels pour « éduquer la population à savoir ce qu’est la jeunesse. On va leur demander qu’ils viennent nous embêter pour qu’ils nous apportent leurs connaissances et leurs richesses ». Une annonce plutôt rare à l’heure où les jeunes subissent plutôt, pour bon nombre d’entre eux, les effets discriminants de leur âge.