L’agriculture biologique, avec ses 2% des surfaces agricoles, fait figure de nain auprès de l’agriculture « conventionnelle et productiviste », mais si l’on prend en compte les coûts humains, environnementaux, et ceux qui concernent le tissu rural, son importance est autre. Cette agriculture, sous l’effet d’une demande croissante, est de plus, dans nombre de pays européens, en expansion. Cependant, estiment les tenants de l’agriculture biologique, cette croissance risque d’être cassée si le consommateur s’aperçoit un jour que les produits bios ne sont plus ce qu’ils étaient . C’est pourquoi, pour le président de Bio d’Aquitaine, Jon Harlouchet, il n’est pas question de revoir dans ses points clés, en particulier celui qui concerne les OGM, le cahier des charges français : » homologué par le ministère français de l’agriculture, il n’admet pas plus que le seuil de détection des OGM, soit 0,01% ».
Le leader des bios d’Aquitaine rappelle que ce règlement national fut approuvé par « l’Assemblée souveraine ». Et ne déplore donc qu’ avec plus de force que le gouvernement ait décidé sans débat, et par décret, à travers une simple communication du ministère de la Recherche et non de l’Agriculture, de transposer la directive européenne destinée à encadrer -elle permet aussi des interdictions -les cultures et essais OGM. C’est à ses yeux « une véritable hérésie » de vouloir décider de la sorte, sur un sujet qui présente autant d’implications. Ce qu’il explique par la volonté des grandes organisations agricoles de ne pas ouvrir le dossier, à la fois pour ne pas contrarier ceux qui veulent cultiver les OGM, et pour « ne pas imposer un cahier des charges plus contraignant aux producteurs sous signe de qualité « (label, AOC), lesquels signes de qualité n’exigent pas, en général, l’absence d’OGM dans l’alimentation et sont soumis à la règle générale en la matière.
Quelle urgence?
Coexistence entre cultures OGM et cultures bios? Jon Harlouchet et Angela Mallaroni (chargée de la communication) préfèreraient que la question ne se posât jamais. « D’ abord, quelle est l’urgence, » ? interroge le premier. Car, à leurs yeux, les champs de maïs bio -on en cultive toute de même 5000 hectares dans le sud-ouest -vont se trouver exposés à la dissémination. En effet ni l’un ni l’autre ne croient au sérieux et à l’efficacité de « l’encadrement » annoncé. lls n’en veulent pour preuve que ce que certains ont vu, en filant, l’an passé, les camions de grain, en Lot-et-Garonne, où la coopérative assurait mettre en oeuvre des règles strictes de séparation et de traçabilité. Les bennes étaient simplement vidées sur deux tas voisins et sur la même aire…. Des études sur le pollen et les ruches ont également révélé de forts taux de dissémination jusqu’à 400 et même 1200 m de distance. Jon Harlouchet note par ailleurs que la culture du maïs OGM qui s’est beaucoup développée depuis sept ans de l’autre côté des Pyrénées, en Navarre, Aragon et Catalogne, a abouti à l’élimination totale du maïs bio en Espagne. Ce qui se traduit par le développement des achats espagnols de cette céréale bio. « Ce qui montre bien, souligne Jon Harlouchet, que cette forme de production peut, elle-aussi, avoir une justification économique ». Angela Mallaroni qui a vécu longtemps en Argentine, où elle pratiquait l’apiculture, témoigne pour sa part de « la révolution OGM » qui est intervenue dans ce pays avec la contribution de Monsanto, dans le domaine du soja, et ce qu’elle rapporte aux producteurs bios aquitains, ne les encouragera pas à emprunter la même voie. Ce qu’elle a vu lui paraît incontestable, et à ses yeux, ne pas vouloir en tenir compte « c’est de l’autisme ou de la complicité ». « Il n’est plus possible de pratiquer l’apiculture en Argentine assure-t-elle- les abeilles n’aiment pas le glyphosate. » Or, avec le soja « Roundup ready » on en a répandu partout, souvent par avion, et même sur les populations ». Le passage à une quasi-monoculture du soja, a entraîné la déforestation, la concentration en feed-lots de l’elevage bovin (il faut faire consommer le soja), et la contraction des cultures vivrières. Monsanto apprend maintenant aux populations locales la façon de faire du steack et du lait de soja ! Ces changements entraînent de gros problèmes sanitaires et environnementaux ».
Avertissements
C’est sur ce fond de décor que Jon Harlouchet rappelle que les dispositions du texte de loi qui fut examiné par le Sénat -mais qui semble voué aux oubliettes- ne prévoyait qu’un dispositif d’indemnisation insuffisant et inadapté, et que s’il est repris pas décret, personne ne se sentira à l’abri. D’autant que les assureurs privés refusent toujours de couvrir le risque OGM. C’est dire que le maïsiculteur dont le champ pourra être considéré comme responsable de dissémination OGM va s’exposer aux plaintes des éventuelles victimes. « La pyrale sur le maïs est une impasse de la monoculture, estime Jon Harlouchet. En ce qui nous concerne, nous avons, par nos pratiques culturales des réponses qui n’impliquent pas de passer pas la culture OGM. Si le président d’Euralis voulait vraiment rendre service à ses agriculteurs, ce n’est pas le choix de développer la culture OGM qu’il aurait fait. Mais il a fait le choix de sa structure et des semenciers. Cependant nous allons nous défendre, et par tous les moyens. Je rappelle que la responsabilité, incombera aux producteurs, et non aux semenciers. Les gens sont face à leurs responsabilités, ce sont eux les premiers concernés….. »
Gilbert Garrouty
Notre Photo: Jon Harlouchet et Angela Mallaroni à Bio d’Aquitaine à Bordeaux (Ph Aqui)