Le musée Bonnat de Bayonne propose une exposition sur l’identité basque dans son espace contemporain. Situé entre Nive et Adour, à quelques mètres de la place de la mairie où bientôtdes dizaines de milliers de festayres enfileront leurs foulards et leur cintas (ceintures) pour des fêtes de Bayonne traditionnellement colorées, pittoresques et arrosées, l’ambition de cet expo est de dépoussiérer les clichés et de promouvoir la face ultra contemporaine de la culture basque.
Comme l’explique Julie Bercetche, la guide et responsable presse « marre de l’image folkloriste ». « On ne veut donner aucune leçon, explique t’elle en basque passionnée -en appuyant les « r » et sans s’arrêter- Juste en finir avec les clichés et se demander comment être basque en 2007 en réfléchissant sur les migrations et la mondialisation ».
Cette exposition itinérante et gratuite reste à Bayonne jusqu’en septembre avant de prendre la route de Saint Sebastien, Bilbao voire Strasbourg ou Lille. Elle s’inscrit dans le vaste projet de la fédération d’association qu’est l’Institut Culturel Basque basé à Ustaritz. « Batekmila » ne veut pas dire les mondes basques comme le sous-titre de l’exposition mais littéralement « un fait mille ». L’Institut qui aide de nombreux projets et monte ses propres actions veut à la fois « valoriser ses particularités linguistique et culturelle » et les rendre accessible au plus grand nombre.
Pour cela, l’Institut propose trois modules et une médiathèque selon une scénographie aussi soignée que colorée entièrement accès sur le multimédia.
Le premier se veut un « sas immersif » avec capteur sensoriel. En clair, différentes animations sont projetées selon l’endroit où on marche sur la moquette. Cet espace se veut une mise en ambiance avant l’entrée dans le « kaléidoscope ».
Le deuxième module est consacré à la grande diversité des pratiques artistiques. Des extraits de poème sont audibles avec des casques. La beauté de la langue berce et la « barrière » est facilement vaincue par les traductions en gros caractères sur les murs. Un peu plus loin, un magnifique petit film sur la danse au pays basque combine un montage audacieux et une musique très moderne qui ne fait pas injure à la tradition et ravira ceux qui connaissent, ou non, les danses basques. Bémol : le montage sur le théâtre ; qui illustre toutes ses formes : de la pastorale aux dernières adaptations des pièces de Kortès ; gagnerait éventuellement à être traduit en français… Pour le reste, agréable surprise : tout est quasiment quadrilingue : français, espagnol, anglais et basque. Clou du module, une « douche sonore » (un haut parleur au plafond) permet de choisir un morceau dans une « playlist » éclectique.
Le dernier module est composé de cinq bornes audiovisuelles autour d’un tapis circulaire aux couleurs chaudes (comme toute l’expo) où est inscrit « Le monde est un grand homme, l’homme un petit monde ». La première borne donne la parole à des personnalités très variées dont le troisième ligne du Biarritz Olympique Serge Betsen. D’origine camerounaise, il révèle le versant émotif du petit monde de l’ovalie en se remémorant les chants basques qu’il écoutait dans sa chambre après les entraînements. Puis il livre son jugement sur ces basques « fiers mais introvertis ». Ceux qui le sont beaucoup moins ce sont les artistes sur la borne suivante. Un étudiant en art du BAB a livré un petit film d’animation désopilant et poétique. On peut voir sur l’écran tactile, un petit poussin et un gros coq à la queue tricolore pour une métaphore qui ne cherche même pas à être voilée. Le gros coq veut imposer son « cocorico » au petit poussin qui crie « kukuxumuxu » (Prononcer « koukouchoumouchou », nom d’une marque de vêtements qui fait fureur ). Le petit poussin finit par gagner à l’usure. Justement la responsable de l’expo sait qu’elle marche sur des œufs et ne répond pas aux questions concernant la « question basque ». Elle affirme même qu’on peut être basque sans parler la langue. Tout juste parlera t’elle tout naturellement comme beaucoup ici du « Pays Basque Sud » et « Nord » pour qualifier les cotés espagnol et français.
Autre saisissante vidéo bien que beaucoup trop longue, celle d’un joyeux drille qui se filme en parcourant le pays basque avec un vélo dont la selle est ornée d’une boule à facette. Ce jeune homme habillé comme un rappeur américain propose des séquences à l’humour décalé dont le théâtre est toujours au pays basque. Ainsi Aqui vous conseille ce concert de hard rock devant des chèvres, ou cette descente peu recommandée mais spectaculaire sur les lacets de bitume pentus des montagnes basques…en Skate ! Ou encore ce « Jean-Yves Lafesse » local qui fait son show en apostrophant les clients interloqués d’un supermarché d’Hasparren.
Enfin une carte du monde représentant « l’archipel des communautés basques » permet d’apprendre ou réapprendre que la plus importante communauté de cette diaspora est en Argentine mais qu’il y a aussi cinq communautés basques au Canada et trois en Australie.
Le visiteur de cette exposition accessible et intimiste peut parfois avoir l’impression que certaines productions sont sponsorisées par l’office du tourisme mais le message est louable. Il montre de nombreux basques qui se veulent fiers et forts de leurs racines : « les pieds ici mais les bras ouverts sur le monde ». Une finlandaise qui l’a fait nous encourage à « traverser le seul pont, celui de la langue ».
Paul Larrouturou
Informations complémentaires :
Carré / Bonnat
9 rue Frédéric Bastiat
Bayonne
Du 23 juin au 9 septembre.
Ouvert tous les jours de 15H à 19H.
Entrée et animations gratuites.
Programme et nombreux bonus dont une carte postale intéractive sur le site : batekmila