Quels revenus pour les auteurs du neuvième art ? Les droits d’auteur ? Oui pour la vente de produits dérivés, mais tout le monde ne peut pas s’appeller Uderzo. Et si les auteurs touchent un pourcentage sur les ventes, ils sont essentiellement payés, soit à la page, négociée avec l’éditeur, soit au forfait, fixé par l’éditeur. On comprend bien que dans ce contexte, la liberté de l’auteur dépend des retombées financières de ses séries. Jean-Luc Sala se félicite aujourd’hui, grâce à son succès Crossfiretraduit en comics par Marvel, sinon de pouvoir mourir maintenant, au moins de ne plus avoir quelqu’un pour lui dire ce qu’il doit faire. Un jeune auteur, par contre, rencontre souvent des difficultés pour négocier avec les maisons d’éditions. « Il a les yeux qui brillent, mais il est payé une misère, explique Eric Audebert de l’association 9-33, dès qu’il s’est fait un nom, il est de taille à négocier. » Eric Audebert se souvient de Joann Sfar, inconnu à ses débuts en 92, qui publiait sans être payé. « C’était plus facile à son époque d’être remarqué, constate Eric Audebert, il n’y avait que quatre cents BD et un Loisel restait sur les tables des librairies six mois sans problème. Rien de comparable avec les cinq milles BD qui sortent cette année. Quand les libraires achetaient dix exemplaires hier, ils n’en commande plus qu’un seul aujourd’hui, pour voir… »
Comment parer à la précarité ?
Jérôme Daviau, avec quelques contributions à des magazines importants, gagne bien sa vie, « la preuve, dit-il, je paye des impôts. » Nicolas Dumontheuil qui se consacre essentiellement à la création vend beaucoup, mais « gagne comme un prof en plus précaire », selon ses mots.
Pour les autres, il faut parer à la précarité. D’abord, il y a les aides à la création que l’on obtient auprès du Centre National du Livre (CNL) et les aides à la mobilité auprès du Conseil Régional. Par ce biais Johanna Schipper a conquis son passeport pour le nord du Québec. Avant cela, elle travaillait dans les classes d’Isabelle Delorme, professeur d’histoire au lycée Montaigne à Bordeaux. 200 euros la demi journée, 380 euros la journée, selon la charte des auteurs. Mais attention, ces revenus ne sont qu’occasionnels. Quelques mois avant le festival Bulle en Haut-de-Garonne, par exemple, les auteurs font le tour des classes au même tarif pour initier les petites têtes blondes à la BD. De même, pour leur faire comprendre que leur dessinateur préféré habite au coin de la rue, l’association 9-33 lance depuis cette année des ateliers pédagogiques dans les écoles avec la participation des auteurs aquitains.
Ensuite ce sont les écoles de graphisme qui ont ouvert des départements BD. Jean-Luc Sala est prof à l’ECV où il enseigne le cinéma d’animation. « C’est bon pour mon équilibre de sortir de ma table de travail » , nous confie-t-il. Mais pour François Defaye, patron des éditions Sangam à Bordeaux, « il faut aller plus loin et interpeler la CCI au niveau des agences de com pour leur signifier le vivier extraordinaire qu’ils ont à portée de main : Yann Hamonic qui a publié les petites reines chez Sangam fait aussi la campagne de pub pour les vins de Bergerac. » À suivre…