Claude Barets, le maire d’ispoure, le village de quelques centaines d’âmes adossé à Saint-Jean-Pied-de-Port, la citadelle navarraise, incontournable étape du pélerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle et de la banque Inchauspé, avait soigneusement repassé son écharpe tricolore de maire. Un ministre de la République en visite à Ispoure est aussi rarissime que celle d’un pape à Lourdes. Nombre d’élus étaient présents pour ce rendez-vous du pugnace ministre de l’Agriculture (et porte-parole du gouvernement) venu d’une certaine manière affronter les intransigeantes revendications de la toute aussi pugnace Confédération paysanne qui représente 20% des agriculteurs de l’hexagone, exprimées par Laurent Pinatel, son porte-parole; galvanisé aussi par ce syndicat alternatif basque Euskal Laborarien Batsuna (ELB) qui défend la tradition paysanne au pays.
Les premiers semis de la matinée ont été déposés tout d’abord par Jean-Jacques Lasserre, le (re)nouveau président du Conseil départemental des Pyrénées Atlantiques, qui après s’être félicité de la venue du ministre lui a exposé son plaidoyer en faveur des attributions encore floues qui seront accordées aux nouveaux conseils (tourisme, économie et agriculture) dans une région redessinée et dont l’Aquitaine deviendra la région agricole la plus étendue. Avant que cet agriculteur à vie de Bidache, ne souliigne l’inquiétant devenir des petites oui moyennes installations.
Mais c’est réellement Laurent Pinatel qui a développé un véritable plaidoyer du petit monde paysan. « Nous vous avons vu arriver avec beaucoup d’espoir, mais le résultat, ce ne sont que des demi-mesures qui ne sont pas de nature à en finir avec un système d’agriculture productiviste aujourd’hui à bout de souffle. »
Et Laurent Pinatel de tempérer: « certes vous avez fait preuve de de pugnacité au moment des négocations européennes de la PAC (Politique commune Européenne), mais nous regrettons que vous fassiez une utilisatin a minima de ces bons outils… »
Et Laurent Pinatel: 10 milliards d’euros dela PAC irriguent l’agriculture françaises mais il faut en faire une meilleure répartition plus orientée vers l’agriculture paysanne et non vers les grosses structures agricoles comme la Beauce. Comment rendre lisible les orientations du ministre de l’Agriculture quand a contrario se dessinent les projets de ferme usine dont la ferme des 1000 vaches est l’illustration. Que la confédération dénombre 29 initiatives du genre, dont 5 en Aquitaine et 1 en Charente Maritime. Enfin, le porte-parole de la Confédération, appuyé par quelques pancartes portées par des militants du collectif Stop Tafta dénoncaient les accords qui seraient menés avec les Etats Unis dans le cadre d’un futur grand marché transatlantique. « On ne pèse que 20% des agriculteurs et alors? Est-ce que la vision des minoritaires n’est pas pour autant une vision crédible au sein de la sixième puissance économique? »
Stéphane Le Foll: « Je n’ai pas de leçon de courage à recevoir »Que des paroles indiscutablement sincères de bienvenue soient suivies de la formulation de déceptions, le ministre Stéphane Le Foll le conçoit, cela fait partie du jeu des relations syndicales. En revanche, ce qu’il n’apprécia pas trop fut, dans les paroles de Laurent Pinatel l’évocation d’une certaine mollesse dans l’avancement de négociations due à un manque de courage, contrastant avec la reconnaissance d’une certaine pugnacité pour discuter avec les Européens. A moins que par ricochets ceux-ci s’adressaient plutôt au président de la République. Autant dire qu’il avait de quoi « chausser » les gants en gagnant le pupitre pour s’adresser à l’assistance. « Tout d’abord je tiens à vous dire que je n’ai pas de leçon de courage à recevoir. Ensuite, le ministre de l’Agriculture n’est pas celui de telle ou telle région, Il est celui des régions agricoles de l’Ouest, de la Corse, de l’Est de la France. Il est aussi celui qui défend un pays mais au coeur de règles européennes et internationale. « On ne peut pas interdire… »
Mais de rappeler quelques mesures technques comme le paiement redistributif qui octroie une même somme à l’hectare aux agriculteurs dans la limite de 52 hectares, en supplément des aides de la PAC. « Avec ces mesures, j’ai fait le choix des exploitation moyennes qui sont majoritaires » défend-t-il. Comme pour effacer la pancarte que tient un miliant pendant qu’il parle: « J’ai moins de dix vaches, Le Foll m’a viré. Pourquoi? » ou cette autre; « Oui à l’environnement Stop au Tafta! »
Le ministre a su les lire et ne cache pas de partager certaines inquiétudes. « Mes choix, mon idée, ce n’est pas l’agriculture industrielle. Sur le dossier des 1000 vaches, j’ai imposé une enquète d’utilité publique avant extension. On s’est cogné au Conseil constitutionnel au moment de la loi. Celui-ci nous a rappelés au droit de prorpiété garanti par la constitution. J’ai vu ce que cela donne aux Etats-Unis. Les investissements sont tels que le prix du litre de lait est au plus bas et les producteurs très vulnérables devant les cours. »
Enfin, concernant le grand marché transatlantique, appelé Tafta, le ministre assure devant les paysans de la Confédération: « Nous n’accepterons pas un accord qui remette en cause notre conception de l’agriculture… » Comme quoi chacun peut tracer quelques hectomètres de sillon ensemble… Encore faut-il qu’à l’heure de la mondialisation, chacun accepte de conduire le motoculteur sur le même sillon.
Dans une grande tente voisine, 550 couverts attendaient congressistes, élus et ministre . Au menu: soupe bio, axoa Herriko, fromage de brebis Ossau Iraty, gâteau basque, le tout arrosé d’Irouleguy. Un menu que connaît bien son prédecesseur qui séjourne régulièrement à Saint-Pée-sur-Nivelle. Un certain Bruno Le Maire.