Après avoir enchaîné plusieurs années fastes en matière de formation des apprentis, le retour de bâton en est d’autant plus rude pour le président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Nouvelle-Aquitaine. Fort de 15 sites de formation dans 10 des 12 départements de la région, CMA Formation (l’organisme de formation de la CMA) comptait en Nouvelle-Aquitaine, 13 000 apprentis dans ses rangs l’an dernier. Cette année, la tendance (de date à date au 31 août dernier) est à la baisse de 3%. Si Gérard Gomez évite l’alarmisme, en considérant que « cette baisse globale des effectifs pourrait être atténuée d’ici la fin de l’année, car les inscriptions continuent », il ne peut tout de même réfréner son inquiétude quant à l’avenir de l’apprentissage, énonçant une succession de mauvaises nouvelles pour le financement de ces formations.
Coup de rabot de 500 M€ sur l’apprentissage
« En plus de l’instabilité politique qui s’impose à nous, le gouvernement cherche des sources d’économie pour pouvoir boucler son budget. Après avoir déjà annoncé la suppression des aides aux contrat de professionnalisation, les entreprises sont en attente des décisions sur l’aide à apprentissage qui, dans la situation actuelle, ne sont pas tranchées. Quant à nous, nous avançons dans le brouillard avec la crainte de voir une baisse du niveau de prise en charge ».
Le dernier rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales recommande en effet une baisse de 421 millions sur l’apprentissage. A cela s’ajoute également la « mauvaise nouvelle » de la suppression du dispositif de prépa apprentissage en 2025, un dispositif « qui permettait aux jeunes les plus éloignés de l’emploi de pouvoir accéder à des formations dans nos centres et ailleurs ». Au total, un coup de rabot de plus de 500 millions d’euros d’économie sur l’apprentissage.
L’apprentissage ne doit pas être une variable d’ajustement !
De quoi agacer et inquiéter. « C’est vraiment une mauvaise dynamique quand on parle de l’avenir et de formation des jeunes ! Evidemment nous sommes conscients de la réalité économique du pays, qui va nécessiter forcément des arbitrages, mais je trouve que l’apprentissage ne doit pas être une variable d’ajustement ! Faire des économies sur l’avenir de nos jeunes et de nos entreprises est le pire des calculs à faire. »
Une situation qui touche les jeunes « et les moins jeunes », précise-t-il, puisque les effectifs du public en reconversion sont, quant à eux, de plus en plus important passant de 36 à 81 inscrits cette année, de même que les publics en formation continue passent de 39 à 154 inscrits. Il y a donc quelques « bonnes nouvelles » quand même.
Des CFA de plus en plus en concurrence
Mais concernant la baisse globale des effectifs pour l’heure constatée et qui pourrait bien se poursuivre, le président de la CMA Nouvelle-Aquitaine y voit trois raisons principales. D’abord le constat d’une baisse démographique depuis 2010, qui mécaniquement affectera aussi le second degré à partir de 2024, en particulier les collèges. « Autant de jeunes en moins qui se tourneront vers l’apprentissage. »
Ensuite l’augmentation du nombre de CFA, en hausse de 11 % en 2023-2024. « Cette augmentation de l’offre de la formation, et donc de la concurrence, est la conséquence directe de la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Plus de concurrence pour moins de jeunes, la part du gâteau ne peut que diminuer si l’on ose la comparaison pâtissière ».
Enfin troisième cause qu’il met en avant : les difficultés économiques sectorielles. Les baisses d’effectifs les plus marquées touchent les secteurs en difficulté comme l’alimentation (-7%) « dont beaucoup en pâtisserie », le bien-être (-7%), le transport-logistique (-14%), le bâtiment (-3%) ou les métiers rares (-10%). A l’inverse, quelques hausses sont constatées dans les secteurs porteurs, comme la maintenance automobile qui voit ses effectifs croître de 7% pour la carrosserie-peinture et de stabiliser à la hausse pour la mécanique (+1%)
Vers de nouvelles offres et formats de formation
Face à ces défis, pour garder attractivité, et qualité des formations « plusieurs dizaines de millions d’euros ont été investies pour moderniser nos sites de formation depuis 2011 », indique Gérard Gomez. Des investissements sur le bâtit ou l’équipement soutenus par le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, de nombreuses collectivités locales, et, dans certains cas, de l’État.
En outre, soucieux de continuer à développer des offres « utiles aux territoires », il annonce la création « de nouveaux formats qui permettraient de dispenser des formations en proximité là où le besoin s’en fait sentir pour proposer des formations générales en proximité. » Mais il faudra attendre un peu pour en savoir plus. Idem pour la proposition de formations nouvelles dans des métiers où jusque-là les CFA de la CMA n’étaient pas présents à savoir le nautisme, l’économie de la glisse et de la mer. « C’est un paradoxe quand on sait qu’on est la région qui a le plus grand littoral… mais pour l’heure nous ne sommes qu’au stade des études sur les besoins des acteurs et l’opportunité d’une telle création », mesure le président de la CMA Nouvelle-Aquitaine.
Pour tout savoir de l’offre existante des CFA de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de la région, un nouveau site internet régional unique s’apprête à être lancé en mi-octobre (formation.cma-nouvelleaquitaine.fr) et remplacera les 10 sites internet existants. Mi-octobre justement, du 17 au 19, se tiendront les finales régionales de la 48e édition des Olympiades des Métiers au Parc des Expositions de Bordeaux-Lac. L’occasion de découvrir des métiers, des savoir-faire et « l’engagement des jeunes sélectionnés à se préparer à des conditions de concours et d’excellence, salue Gérard Gomez. Des jeunes qui ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel des économies ! »