Le défi sera donc vaste pour le maire sortant, qui a pris un ton défensif à l’égard de sa politique sur l’urbanisme, la tranquilité publique et la fiscalité locale lors de ses voeux en début de semaine, arguant une règle « consistant à ne pas croire ou pire à faire croire qu’un maire dispose de tous les pouvoirs ». À la veille de l’envoi aux habitants d’une lettre portant l’en-tête « Ensemble, nous sommes Mérignac » expliquant les raisons de cette nouvelle candidature, nous avons interrogé Alain Anziani, moins en tant que maire de Mérignac qu’en tant que candidat. Ce dernier nous a livré ses priorités et a mis sur la table quelques-uns des grands chantiers à venir pour une commune qui a voté, lors d’un dernier conseil municipal de décembre houleux, un budget de dépense d’équipements à la hausse de 17% par rapport à celui de 2019 sans pour autant revoir à la hausse sa fiscalité. Réponses.
Stratégie locale
@qui.fr – Comment envisagez-vous cette campagne et quelle place comptez-vous y occuper ?
Alain Anziani – Je n’aborde pas la campagne comme quelqu’un qui promet mais qui a à respecter ses engagements et qui continue d’en prendre. Mon atout par rapport aux autres, qui peut aussi être une épreuve, c’est d’être un maire sortant. Il faut encore vérifier que j’ai respecté ce que j’ai dit en 2014. J’avais pris onze engagements, je pense que je les ai tous tenus : pas d’augmentation des taxes, un urbanisme concerté et apaisé (nouveau PLU et charte de l’urbanisme), un accompagnement de l’emploi (56 000 au total), renforcer la politique de l’éducation qui est le premier budget de la ville, améliorer l’autonomie des personnes âgées (ouverture récente de la résidence autonomie Plein Ciel) ou créer le stade nautique. Là-dessus, le jury s’est réuni en décembre, le lauréat sera communiqué prochainement. Un équipement de cette nature ne peut pas sortir en quelques mois, il faut encore régler la question de l’économie d’un tel ouvrage. J’avais aussi promis un évènement à dimension européenne sur la photographie – je pense qu’on l’a avec le Mérignac Photographic Festival-, un neuvième parc qui est en partie ouvert, plus de tranquillité publique (nouveau commissariat), et la mise en place d’un transport en commun en site propre, ce qui est le cas avec le tramway vers l’aéroport. Les gens pensent que ça allait de soi, mais ça n’est pas le cas parce que chaque maire veut son tramway. Pour nous, l’intérêt, c’est que ça desserve Marne Soleil et la zone d’emploi de BNP Paribas. Enfin, j’avais promis du dialogue : j’ai participé à une vingtaine de conseils de quartiers et de multiples réunions sur le mandat.
Les raisons qui me conduisent à me présenter, c’est en grande partie les soutiens que j’ai pu obtenir (328 en tout). Ils viennent de la société civile, de personnes qui étaient sur la liste de Thierry Millet la dernière fois, il y a un peu plus de 300 personnes en tout dans le comité de soutien, ça me semble assez significatif. J’aurais souhaité que le rassemblement soit encore plus large et pouvoir continuer à travailler avec les verts. Ça fait vingt ans qu’ils sont entrés dans la majorité du conseil municipal, je regrette qu’ils n’y soient pas encore. La porte reste ouverte s’ils changent d’avis, même si je n’y crois pas trop. Je regrette la manière dont ça s’est passé, on ne s’est pas assis autour d’une table pour discuter, j’ai appris quasiment par la presse qu’une liste verte allait être déposée. On travaillera ensemble demain, je ne pense pas qu’il y ait de divergence fondamentale entre les verts et nous. Tout ce que je vais proposer autour de cette campagne sera d’ailleurs très marqué par le développement durable. Ce n’est pas quelque chose qu’on invente aujourd’hui, c’est dans l’âme et dans l’esprit de la ville depuis toujours, ce n’est pas pour rien que l’on qualifie Mérignac de ville verte.
@qui.fr – Concernant, justement, les propositions que vous allez faire durant cette campagne, auront-elles un socle commun ? Sur quels points allez-vous insister plus particulièrement ?
A.A – La ligne directrice, c’est la qualité de vie, ça synthétise tout même s’il faut la décliner dans plusieurs aspects. Ça veut dire prendre en compte ce qui va se passer dans les années à venir, on retombe donc sur le développement durable, la transition écologique et le réchauffement climatique. On aura des propositions très fortes. Pour l’instant, on ne les a pas toutes parce que je veux faire réfléchir des groupes de travail. Par exemple, une idée majeure, c’est celle de créer des îlots de fraîcheur. Ce qui me séduit beaucoup, ce serait de créer en plein centre-ville une sorte de « forêt urbaine », ou un parc très arboré, et de développer les autres parcs de façon globale. On se donne comme objectif de planter 5000 arbres sur la durée du mandat, sans compter les 10 000 arbres d’ici à 2030 sur le projet Marne-Soleil. On pense aussi à un plan photovoltaïque et un plan pour la consommation énergétique. On a déjà mis en place une OPAH (Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat) avec une aide de l’État, de la métropole et de la ville pour pouvoir réduire la précarité énergétique.
L’un des sujets majeurs de la métropole pour les années à venir, c’est la mobilité. À notre échelle aussi, on doit le développer. On va beaucoup pousser pour qu’il y ait plus de pistes cyclables. On a aujourd’hui 110 kilomètres, elles ne sont pas toutes sécurisées, loin de là. Ma préoccupation, c’est d’en sécuriser le plus possible, en sachant qu’actuellement, on en sécurise six ou sept kilomètres par an. On envisage aussi de créer un système de prêt de vélos électrique avec la ville qui prendrait en charge une partie des frais et de faire des zones piétonnières dans chaque quartier. Pour les vélos, on doit faire des efforts considérables : des pistes cyclables beaucoup plus larges que celles qu’on fait, des rocades pour vélos. On n’insiste pas assez sur la notion de services pour les vélos. On a inauguré deux ateliers de réparation, on a une maison du vélo, il faut qu’on continue sur tous ces aspects. Il faut aussi qu’on pense aux piétons. Tous les spécialistes commencent à dire qu’il faut séparer les piétons des vélos pour éviter les risques d’accident. En même temps, quand je vois certaines zones de la ville comme la rue Georges Bonnac, on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup de vélos ou de piétons… Quand on va faire la grande voie entre le Haillan et Dassault en passant par les Cinq chemins, c’est facile de prévoir une voie pour chacun. Dans l’existant, c’est plus difficile, même s’il faut qu’on offre ça.
Verdissement du discours
@qui.fr – On note une prise en compte appuyée dans votre discours de la transition écologique. La première priorité pour Mérignac, c’est donc de se verdir ?
A.A – Je ne pense pas qu’il faut en rester à la seule offre écologique, ce serait une erreur, nos habitants n’attendent pas que ça même si leur conscience écologique a augmenté ces derniers mois. Les gilets jaunes ne doivent pas être passés par pertes et profits, ça révèle aussi une incompréhension de certaines mesures prises au nom de la protection de l’environnement. En matière d’insertion, on a beaucoup d’emplois et on passe pour être une ville riche. Pourtant, même si on est une ville qui a un revenu supérieur à la moyenne de la métropole, on a toute une série de familles pauvres qui viennent aussi s’installer. Il faut, pour ces gens, arriver à trouver le lien avec l’emploi. On a des structures existantes comme la Mission Locale, l’ADSI Technowest, les PLIE (Plans Locaux pluriannuels pour l’Insertion et l’Emploi), qui doivent arriver à être encore plus efficaces qu’aujourd’hui.
La vocation première des villes, c’est d’offrir des services. Je pense qu’on peut être meilleurs sur le nombre de solutions de garde qu’on offre et l’accueil des seniors. On a pas suffisamment de crèche mais c’est dans les tuyaux : on va créer une soixantaine de places à La Glacière, par exemple. Sur les personnes âgées, la résidence Plein Ciel est ouverte mais c’est une résidence pour personnes aisées. On va refaire et agrandir tout le foyer Jean Broca et avoir un nouvel EHPAD privé en plein centre-ville sur un terrain public qu’on va céder avec des prix qui permettront d’accueillir des personnes qui n’ont pas beaucoup de moyens. En matière de culture, on doit aussi continuer. Le projet de conservatoire a pris beaucoup de retard. Aujourd’hui, il est divisé en trois pôles : le premier à Capeyron, le deuxième centre-ville (près de l’école du Parc) et le troisième sur le site de Marbotin et ça fonctionne bien. On va transformer la Maison Carrée en maison des arts, qui accueillera des conférences, des grandes expositions. Juste à côté, l’ancien centre de loisirs sera un lieu pour accueillir des expositions d’artistes locaux. On pourra aussi y mettre une partie du conservatoire dédié aux arts graphiques. Pour ce qui est des gymnase, on en a au moins deux nouveaux en projets dont un dans le quartier de Beutre, et deux autres (Robert Brette et Léo Lagrange, qui a brûlé en décembre) vont être rénovés.
On fera des choses mais on va les thématiser. Pour les seniors, je compte mettre en place une sorte de conseil qui réfléchira avec nous à la politique à conduire. On a un conseil municipal des jeunes, peut-être envisagera-t-on un conseil des ados. Il faut continuer les conseils de quartiers mais ce n’est pas le sésame, c’est trop un lieu dans lequel les gens viennent défendre leurs intérêts particuliers, il faut qu’on ait d’autres choses. On peut aussi arriver à questionner un quartier sur un projet en créant une sorte de référendum local, ce qui serait une façon d’arbitrer comme on l’a fait pour les rythmes scolaires.
@qui.fr – Fin décembre dernier, le comité de surveillance de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac a voté son plan d’orientation stratégique 2019-2023. Sur les 169 millions d’euros, une trentaine seront fléchés vers le développement durable. Selon vous, est-ce suffisant ?
A.A – Il faut voir la révolution culturelle que c’est pour ceux qui s’occupent de l’aéroport. La première priorité du précédent plan, c’était le développement et l’attractivité. Cette fois, c’est l’éco-responsabilité. Cinq grandes collectivités (région, département, ville de Bordeaux, Bordeaux Métropole et Mérignac) ont co-signé une lettre en demandant des précisions avant de voter le plan d’orientation. Les demandes portaient sur le zéro carbone parce qu’on doit pouvoir faire ce que Lyon et Nice ont fait, l’arrêt des parkings à l’horizontale remplacés par des parkings à silos, la réduction des nuisances sonores en revoyant sans doute certaines lignes et méthodes de navigation et enfin la préservation de la biodiversité. Les collectivités mettent la pression pour qu’il y ait un calendrier plus précis. Deux fois par an, on aura un comité qui nous dira où on en est des différents objectifs.
Lignes directrices
@qui.fr – Le dernier conseil municipal de décembre, consacré au vote du budget, s’est déroulé dans une ambiance houleuse, notamment lorsqu’il s’agissait de parler d’urbanisme et de la bétonisation que vous reprochent une partie de vos concurrents. Au niveau purement budgétaire, le conseil a voté une hausse des dépenses de nouveaux équipements de +17% par rapport à 2019. Votre logique par rapport aux nouvelles constructions restera-t-elle la même pour le mandat à venir ?
A.A – On est obligés d’investir. On a investi pendant la durée du mandat plus que pendant toute la durée de l’ancien. On n’a pas besoin d’avoir plus d’habitants. Le foncier bâti des grandes entreprises tombe dans l’escarcelle de la commune, c’est une des raisons pour lesquelles on emprunte très peu et que notre capacité de désendettement est faible. On n’a pas besoin de construire pour financer nos investissements, ce sont surtout les entreprises qui nous rapportent de l’argent. On a pris des mesures très sévères en matière d’urbanisme en révisant le PLU (Plan Local d’Urbanisme) et en instaurant une charte de pratiques à destination des promoteurs. Je refuse beaucoup de projets, il y a eu très peu de projets collectifs en 2019. On veut rester sur les projets proches des transports et faire beaucoup de végétalisation. Quand la FAB est venue me voir pour présenter le projet Marne Soleil, j’ai commencé par dire que je n’étais pas d’accord. J’ai pu poser des conditions, notamment sur la végétalisation avec un architecte paysagiste qui regarde les ratios d’arbres par mètre carré. Globalement, il y a un ras le bol de la construction, pas uniquement à Mérignac mais dans toute l’agglomération. Les gens veulent être tranquilles chez eux et en ont marre des problèmes de circulation qui ne se règlent pas. La métropole a du retard sur les grandes infrastructures de circulation : on en est encore à faire les trois voies sur la rocade, on est l’une des agglomérations qui a le moins de ponts… La métropole a été mauvaise depuis des années sur la mobilité.
Je peux être battu demain sur la question de l’urbanisme. C’est la vraie fragilité des maires sortants. Les gens ne vous croient pas quand vous dites que vous essayez de freiner tout ça. C’est le thème dominant. En Marche a fait une carte de vœux en disant « Le maire vous adresse ses meilleurs vœux de ville bétonnée ». Ce sera certainement un des thèmes majeurs des élections sur la métropole. Pour ce qui est de la fiscalité, je vais reprendre l’engagement de la stabilité en essayant d’aller un peu plus loin : si les dotations de l’État ne baissent pas davantage, je baisserai les taux.
@qui.fr – L’un des points clé de votre discours de vœux, c’est celui de la sécurité. Vous vous êtes indignés ces derniers mois des expulsions de campements illégaux et vous êtes dit prêt à « montrer l’exemple » sur les aires de grands passages et les espaces temporaires d’insertion à destination des populations roms. Que pensez-vous de la politique métropolitaine sur la question ? Quels sont les problèmes de sécurité rencontrés par la ville ?
A.A – On a été quelques-uns à proposer ces solutions pour les roms. Il faut en trouver mais il n’y a pas de volonté extrêmement forte de la métropole pour s’en occuper. On n’a l’impression que c’est un peu la patate chaude et que tant qu’elle n’est pas dans les mains de chacun, on s’en satisfait. Ce que je n’arrive pas à comprendre non plus, c’est la position de l’État. Je pense qu’on ne peut pas accueillir tout le monde, mais cette position n’est pas cohérente. Les déboutés du droit d’asile ne sont pas reconduits à la frontière tout de suite, ils restent sans aucun droit. On devrait se donner les moyens, comme en Allemagne, de créer un statut du débouté avec un minimum de droits. Il faudrait qu’on ait cette cohérence-là.
Sur la sécurité, les chiffres montrent qu’on n’est pas du tout la Seine-Saint Denis comme certains peuvent le dire. Ce qui est réel, en revanche, ce sont les incivilités. Ce que j’ai constaté au Clos Montesquieu depuis juin, c’est une bande qui fait régner une sorte de terreur parce qu’ils cassent les vitrines des commerçants, s’en prennent aux gens et empoisonnent la vie de tout le monde. Personne ne comprend pourquoi ça dure. Ils tiennent leur territoire mais on ne peut pas laisser faire, même si on n’a pas trouvé la solution. Je veux qu’on passe de 18 policiers municipaux à 33 le plus rapidement possible, 2020 ou 2021. On a du mal à recruter parce que toutes les villes recrutent en même temps et qu’on est une agglomération chère au niveau des loyers par rapport à la rémunération.
@qui.fr – Sur le plan pratique, comment va se dérouler votre campagne ? Votre décision de vous représenter (après avoir abandonné votre mandat de sénateur en 2014) s’est-elle faite rapidement ?
A.A – Je veux montrer la continuité entre ce que j’ai fait et ce que je propose. Il y aura donc une lettre qui sera distribuée ce week-end aux habitants. On aura un autre document avec plusieurs engagements comme ça a été fait pour le mandat précédent. Enfin, un dernier document présentera la liste, mais il n’arrivera pas avant la mi-février. Pour les réunions publiques, il y en aura dix, elles seront spécifiées dans la lettre.
Pour ce qui est de mon choix d’abandonner le Sénat pour devenir maire, je l’ai fait en pleine connaissance de cause. Philippe Madrelle ne voulait pas se représenter, j’aurais été tête de liste sénatoriale. Personne ne l’aurait contesté puisque Françoise Cartron est passée chez En Marche, j’avais donc des chances d’être élu. Le Sénat est passionnant, surtout pour un juriste comme moi, mais ça n’est pas concret. On n’est un parmi d’autres à voter les lois. Ici, on est dans la réalité du terrain. Ça n’a rien à voir avec la vie d’un parlementaire. Le maire fait face et est pris à parti sur tout et rien. C’est une vie plus éprouvante mais aussi pleine de passion, on a l’impression d’être utile et de servir à quelque chose. Le choix de me représenter a donc été simple.