On pourrait très bien imaginer des festivals de théâtre ou de cinéma. L’intérêt etant d’y voir du spectacle vivant, des acteurs jouer en direct dans des oeuvres aussi bien connues que jamais présentées auparavant. Le principe est quelque peu différent pour le cinéma, mais celui-ci demeure toutjours dans cette dimension du spectaculaire. Il est difficile, à priori, de dire la même chose sur la BD ; et d’imaginer un festival entier qui y serait consacré. Angoulême se défait de tous ces clichés, en prouvant que le monde de la BD mérite sa place parmi les « grands ».
Espace Editeurs
La 35 édition a été marquée, dans un premier temps, par le retour du festival au centre ville. Mais c’est bien toute la ville qui fut envahie par la BD-mania avec des expos, rencontres, spectacles et ateliers organisés dans 16 localisations différentes. Tout d’abord un espace important fut consacré aux éditeurs confirmés et indépendants, avec deux sites: « Le Nouveau Monde » accueillant les éditeurs porteurs de nouveaux courants de la BD (roman graphique, autobiographie, BD reportage, etc.) et « Le Monde des Bulles » prévu en grande partie pour les éditeurs franco-belges.
Un régal pour les jeunes
Par ailleurs, les organisateurs ont porté une attention particulière aux jeunes. Ceci avec un « Pavillon Jeunes Talents » dédié à tout auteur et dessinateur désirant se consacrer au 9ème art – rencontres d’auteurs, découverte d’écoles spécialisées, d’ateliers de dessin etc. Outre le Pavillon, quelquechose pour les plus petits et ceux un peu plus grands; le « Pôle Jeunesse » proposant des ateliers de dessin, plusieurs animations, projections de dessins animés ainsi que la découverte de la Sélection Jeunesse – 20 albums choisis par les enfants pour concourir au Prix de l’Essentiel Jeunesse.
Impros BD et Concerts Dessins
Les amateurs de BD ont eu aussi l’occasion de la découvrir sous des formes nouvelles et originales. Parmi elles, les Concerts de Dessins: lors de chaque spectacle une bande dessinée était créée en direct, sous les yeux du public, accompagnée et enrichie par la participation musicale de l’orchestre d’Areski Belkacem. Une autre forme assez inédite – les Impros BD: cette année l’équipe du magazine « Fluide Glacial » affrontait celle de l’hébdomadaire « Spirou » dans un duel graphique acharné. Avec un sujet imposé, les artistes, sur une seule planche, enrichissaient celle-ci à tour de rôles.
Un regard sur l’étranger
Angoulême consacre par ailleurs chaque année, une place importante à la création étrangère. Les Jeux Olympiques s’approchant à grands pas, la BD chinoise a obligatoirement fait son apparition, avec une quinzaine d’auteurs chinois présents pour l’occasion. Le second grand invité fut bien entendu l’Argentine, présentée sous le regard très personnel du Président du festival, l’argentin José Muñoz. Un retour synthétique mais plein d’émoi sur l’histoire de la BD argentine sous la forme de plus de 200 planches originales et de dessins, sans oublier le panorama complet de l’oeuvre de Muñoz.
Sortir des héros traditionnels
« On veut ainsi proposer au public de multiples regards sur la BD. » explique Sebastien Baumgarth, membre du comité d’organisation du festival: « Il faut encourager les gens à sortir de leurs habitudes, de leurs héros traditionnels et découvrir de nouveaux mondes graphiques, de nouvelles histoires. » Une exposition phare du festival consacrée à la science-fiction et aux villes du futur venait confirmer cet objectif. Des oeuvres incrustées dans un décor « cosmique » d’une station orbitale, une ville 3D pivotante autour des têtes des visiteurs, la sortie assurée enfin par un « sas de téléportation », tout simplement magique.
Avec plus de 4000 albums sortant chaque année, quelques 600 auteurs réunis pendant le festival, la BD, 200 000 visiteurs par jour, la BD tient bon. « Il n’y a pas de gens qui n’aiment pas la bande dessinée, il y en a seulement qui ne la connaissent pas. » explique le phénomène M. Baumgarth: « Avec des styles narratifs et graphiques différents, chacun peut trouver son bonheur dans la BD. »
« Là où vont nos pères » de Shaun Tan – Prix du Fauve d’Or
Le festival d’Angoulême c’est aussi un riche palmarès de prix et récompenses prévus pour les auteurs. D’abord, une Sélection Officielle comprenant 58 ouvrages de bande dessinée, choisis à partir de l’ensemble des albums publiés par les éditeurs en langue française entre décembre 2006 et novembre 2007. Parmi ces 58 albums, 8 concourraient pour l’Essentiel du Patrimoine, qui distingue une publication qui a marqué l’histoire de la BD. Les 50 autres albums furent en compétition dans diverses catégories: celle du Meilleur Album – Fauve d’Or ; l’Essentiel FNAC-SNCF – prix du public et les Essentiels, dont l’Essentiel Révélation, attribué à un(e) auteur en début de parcours. Cette année les heureux élus furent: « Là où vont nos pères » de l’australien Shaun Tan chez Dargaud – Fauve d’Or ; « L’éléphant » d’Isabelle pralong chez Vertige Graphic – l’Essentiel Révélation ; « Moomin » de la finlandaise Tove Jansson chez Le petit Lézard – l’Essentiel Patrimoine et « Kiki de Montparnasse » de Catel et José-Louis Bocquet chez Casterman pour le prix du public.
Pour la prochaine édition le président José Munoz passera le relais au duo Philippe Dupuy, Charles Berberian. Les créateurs de « Monsieur Jean » furent attribués le Grand Prix de la Ville d’Angoulême 2008 pour l’ensemble de leur oeuvre. Celui-ci est décerné, comme chaque année, par un collectif d’auteurs, anciens lauréats du Grand Prix.
Piotr Czarzasty