La gestion de l’eau, une question d’avenir à la 10e conférence agricole du 17


Anne-Lise Durif
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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 15/11/2018 PAR Anne-Lise Durif

« Avec le changement climatique, nous savons que nous aurons des quantités d’eau équivalentes à aujourd’hui mais qui tomberont à des périodes différentes avec des périodes de pluies massives suivies de sécheresses, donc il va falloir trouver un moyen d’utiliser cette eau de manière intelligente, en restreignant sa consommation notamment, se poser la question de son stockage et de la répartition de son usage », explique Françoise de Roffignac, rappelant que l’Agence de l’eau Adour-Garonne est la première à encourager la constitution de réserves. Les fameuses « bassines » dont les projets créent quelques tensions auprès d’une certaine partie de la population en nord Charente-Maritime (Aunis et Boutonne) et en Deux-Sèvres (Sèvre niortaise). Sur le sud du département, « il y a actuellement trois projets de territoires en cours portés par le Syndicat mixte des réserves de substitution (SYRES), sur la Charente Aval, la Seugne et la Seudre, dont le projet est le plus avancé actuellement (deux réunions publiques ont eu lieu, ndlr) », explique Françoise de Roffignac. Les projets portés par le SYRES se font en  concertation des différents usagers de l’eau en présence de garants de l’environnement, nommé par la Commission nationale du débat public, « pour encadrer et vérifier qu’il y a bien débat, afin de ne pas reprocher plus tard au maître d’ouvrage d’avoir fait les choses tout seul dans son coin ».

Changer les pratiques agricoles

« La constitution de réserves est une des solutions mais cela ne sera pas la seule et elle devra intervenir en complément. L’objectif n°1 c’est d’atteindre le niveau de volume relevable, ce qui peut être atteint soit par du stockage, soit par une diminution de l’usage, soit par des changements de pratiques  », précise Françoise de Roffignac. Pour ces raisons, le SIRES compte créer bientôt un observatoire des pratiques agricoles. « Créer des stockages va forcément augmenter le coût de l’eau […] Les agriculteurs ont conscience qu’à partir de ce moment là il leur faudra avoir des productions à haute valeur ajoutée, ce qui va entraîner obligatoirement des changements de pratiques », note Françoise de Roffignac. En Boutonne, la tendance serait par exemple à la conversion en bio, portée notamment par l’émergence du pole de stockage et de transformation bio de Saint-Jean d’Angély. Depuis peu, la Chambre d’agriculture observe également des conversions en bio en grandes cultures céréalières, qui se faisaient très peu auparavant. Bref, les changements ont déjà commencé mais ils se font lentement.

« Si on veut aller vers un véritable changement des pratiques, iI faut continuer à accompagner l’agriculture en termes de recherche et d’innovation pour changer les agricultures sans entraîner trop de surcoûts, de manière à pouvoir continuer à être compétitif sur la scène internationale », poursuit Luc Servant, « La balance commerciale française est tout juste à l’équilibre, et encore c’est en comptant la filière vin et spiritueux qui marche bien ». Pour lui, les changements de pratiques et la rentabilité riment avec diversification des cultures. La France, et la Charente-Maritime en particulier, a tout intérêt à miser notamment sur les protéagineux, comme la luzerne ou le pois, qui commencent à se développer, mais dont les filières sont encore trop peu structurées.

Penser un projet global de territoire

Le stockage artificiel, le changement de pratiques, la diversification des cultures ne sont pas les seuls outils à mettre en place pour aller vers un usage « raisonné » de l’eau. La gestion de l’irrigation, des nappes souterraines, des zones humides, etc., sont aussi à prendre en compte. « A partir du moment où on va penser stockage, il va falloir se poser des questions comme : comment on utilise l’eau, pour quel usage, à quelle fréquence, sur quel secteur géographique, pour quelles natures de productions ? », explique Luc Servant. Le Département et la Chambre d’agriculture planchent donc sur un projet de territoire agricole depuis 2015. Cette cartographie permettrait à la fois d’identifier les besoins des différents usagers de l’eau (réseau d’eau potable/ usage commercial/agriculture), les pratiques existantes ou en évolution, pour répartir la ressource de manière équilibrée.  En la matière, le fait que le SYRES soit un organisme public, à la fois propriétaire et gestionnaire de son stockage d’eau, permettrait d’avoir une gestion plus impartiale de la ressource qu’une structure privée. Selon Françoise de Roffignac et Luc Servant, le fonctionnement du SYRES serait même suivi de près par l’Etat pour son exemplarité en la matière, ainsi que le département de Vendée.

Le projet de territoire permettrait d’avoir ainsi une vision global des répartitions des usages et des ressources sur le territoire, et non plus à l’échelle des communautés de communes comme c’est déjà le cas. Au-delà de la gestion de l’eau, cette cartographie permettrait également de s’adapter aux besoins du territoire, comme favoriser une juste répartition de l’installation de mini-abattoirs ou d’unités de transformation (légumeries, conserveries), « aux endroits où il y a des besoins à proximité, où les agriculteurs y trouvent une vraie valeur ajoutée, avec des structures suffisamment éloignées les unes des autres pour éviter que l’une fasse concurrence à l’autre », explique Luc Servant.

Un accompagnement financé

Pour accompagner tous ces changements, le Département met d’ores et déjà sur la table 1,8 million d’euros annuels en aide directe aux agriculteurs et en accompagnement sur les structures, via la Région, le Département n’ayant plus compétence économique depuis la loi Notre. « Sachant qu’il existe aussi de nombreuses aides transversales, sur l’environnement par exemple, qui permettent d’aider indirectement l’agriculture », précise le vice-président du Département Lionel Quillet.

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