Début septembre, le groupe coopératif Euralis, a organisé une grand-messe au Zénith de Pau en présence de plus de 800 participants. Adhérents, salariés et partenaires divers étaient présents. Outre l’exploit de la tenue d’un tel événement en période sanitaire trouble, ce Rendez-vous d’Euralis a permis à son président Christophe Congues de poser, dans une intervention pour le moins vigoureuse et déterminée, les grandes ambitions et vocations du groupe. Une réunion qui a aussi été l’occasion d’hommages appuyés à son prédécesseur Christian Pées, au repos forcé pour des raisons de santé.
En introduction à ce temps fort de la rentrée de la coopérative agricole à la capitale béarnaise; trois experts ont échangé sur scène sur le rôle des agriculteurs aujourd’hui et demain. Sébastien Abis, chercheur et directeur du groupe Demeter, a ainsi un peu rudement posé le décor : « Évidemment le métier d’agriculteur n’est pas attractif et n’est pas regardé par la société. La raison, c’est que plus personne n’est agriculteur. Les agriculteurs c’est moins de 1% de la population française. Pourtant, plus le temps passe et plus le rôle qu’on leur assigne est important ».
« Les agriculteurs sont les soldats de la paix »
De quoi expliquer les incompréhensions ou décalages entre la société et le monde agricole pourtant selon lui « au cœur des solutions ». Une profession en effet « au cœur de tous les enjeux du développement durable », souligne à son tour la géographe et ex-présidente d’Action contre la faim, Sylvie Brunel, qui s’adressant à un public agricole déjà convaincu, rappelle une évidence pourtant trop oubliée par leurs concitoyens : « votre rôle, il d’abord nourricier. Sans agriculture, un pays meurt, et c’est la révolution ».
Dans la même idée, Sébastien Abis, insiste aussi sur la place que doit, ou devrait prendre l’agriculture sur l’échiquier européen : « il ne faut vraiment pas perdre de vue la dimension géopolitique de l’agriculture. Les agriculteurs sont les véritables soldats de la paix. Une société qui a faim, ce sont des manifestations et un risque d’instabilité politique. On se rappelle des émeutes de la faim ».
« Agriculture régénératrice »
Parmi les autres rôles du métier, les intervenants citent la production de richesses, le maintien de la biodiversité en gardant notamment des espaces ouverts, la production d’énergies biosourcées, la captation de carbone, mais aussi « la contribution sociale, l’emploi sur les territoires, l’innovation », ajoute Guillaume Debrosse, Directeur général de Bonduelle, que celle-ci soit technique, technologique et notamment digitale.
Sans oublier, soulignent et assument les trois invités, l’impératif de « performance » et de « compétitivité » et la nécessité d’allier pour cela « l’ensemble des agricultures et des filières ». Agricultures bio, conventionnelle, et désormais aussi « agriculture rénégératrice », mêlant ici dans un même (et nouveau) concept « agriculture raisonnée, de conservation ou encore l’agroécologie », détaille Guillaume Debrosse. Comprendre ici qu’il faut de tout pour faire un monde agricole performant.
Autant de rôles à assumer pour l’agriculture qui ne doit pas non plus perdre de vue un autre objectif : l’accessibilité des produits (en plus d’être évidemment sûrs, sains et durables… !) le tout, et le message est davantage ici adressé aux consommateurs, ou aux grandes surfaces, « sans perdre le sens de ce que coûtent les choses, et l’acte de produire »…
Une transformation agricole plus qu’une transition
Une équation complexe que les responsables de la coopérative Euralis gardent à l’esprit et tendent à résoudre, non sans une certaine fierté et affirmation à relever la tâche. Pour le directeur général de la Coopérative, Philippe Saux,le défi est tel que « plus qu’une transition agricole, on est dans une transformation. L’innovation sera la clef pour la qualité, la quantité et la compétitivité agricole », ajoute-t-il. Une innovation, dans les technologies, mais aussi dans les pratiques, et les idées, qui se déroule au fil des trois grandes vocations du groupe coopératif ainsi identifiées par Christophe Congues : « la vocation nourricière, la vocation sociétale et celle d’être producteur d’énergies renouvelables ».
Autant d’axes de travail énoncés par le Président de la Coopérative et pour lesquelles un certains nombre d’actions sont déjà lancées ou sur le point de l’être, comme l’ont rappelé à ses côtés son directeur général et Laurent Dubain, directeur général du pôle agricole. Parmi les exemples cités sur la vocation nourricière : la poursuite du développement des circuits courts (y compris vers la restauration collective) ou encore, dans une volonté de diversification, la création de nouvelles filières telles tout récemment celle du Kiwi, avec la SCAAP Kiwifruits de France. Autres points mis en avant par Philippe Saux, une meilleure écoute des marchés et l’accentuation de la contractualisation « en aval, mais aussi en amont avec nos producteurs sur nos produits de qualité. Il faut assurer un débouché aux producteurs et pour ça mettre en production, ce que nous avons déjà vendus », assène-t-il.
« Etre leader des énergies décarbonnées »
Sur la vocation sociétale, Laurent Dubain pointe notamment des pratiques toujours plus renforcées sur la gestion de la ressource en eau en citant en exemple : la poursuite et le développement des couverts végétaux pour limiter l’écoulement des eaux, des recherches continues sur la génétique variétale et la création de plantes plus résistantes au stress hydrique, ou encore le déploiement d’outils d’aide à la décision toujours plus performants. Autre aspect lié au rapport société-agriculture ; la mise en place de charte Jeunes agriculteurs pour accompagner et faciliter la reprise d’exploitation, et d’autant plus pour des installations de jeunes non issus du milieu agricole.
Enfin, Christophe Congues plaide avec force pour faire de la coopérative « un leader des énergies décarbonnées dans le grand Sud-Ouest. Pour ça il faut qu’on recense l’ensemble des toitures des fermes Euralis, avant de s’attaquer au sol ». Si appuie-t-il à nouveau « la vocation du sol est déjà de nourrir », le groupe coopératif place aussi dans ses projets le développement de l’agrivoltaïsme qui viendrait couvrir certaines cultures. À cela s’ajoute pour 2022, un projet de méthanisation important avec Total Energies et Fonroche en partenaires, on encore la production de bio-plastiques à partir de rafles de maïs… Les collaborateurs et adéhrents de la coopérative auront bien entendu le message de Christophe Congues ; « Demain commence aujourd’hui ! » a-t-il ainsi lancé avec ferveur en conclusion de son discours.