En juin dernier, la mairie de Bordeaux, par l’intermédiaire d’Alexandra Siarri, adjointe en charge de la cohésion sociale et territoriale, avait annoncé les résultats prometteurs d’un premier appel à projets (financé à hauteur de 419 817 euros par la ville). Celui-ci avait retenu 155 dossiers parmi les 229 déposés dans les huit quartiers de Bordeaux sur la base des cinq axes définis par le Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale de la ville, lui-même lancé il y a tout juste un an. Aujourd’hui, l’action vient de franchir une nouvelle étape puisqu’Alexandra Siarri et Jean-Louis David, adjoint en charge de la vie urbaine et de la coordination de la politique de proximité ont présenté les résultats du second appel à projets, qui représente à lui seul un volet financier d’environ 200 000 euros.
« Nous sommes face à des mutations importantes », a expliqué Alexandra Siarri, « et la précarisation de la société bordelaise nous pousse à nous appuyer davantage sur la participation citoyenne, en analysant les besoins sociaux de chaque quartier ». Un volet moins conséquent que le premier, mais tout aussi important pour continuer à impulser la dynamique : sur les 104 projets proposés par les partenaires associatifs, 78 ont été retenus dans cette seconde vague, avec une petite particularité. « La majorité des actions sont situées dans le secteur de Bordeaux Maritime (35 %), pour prouver la richesse associative et la capacité créative du secteur de Bacalan », a souligné l’élue. De même, près de la moitié des projets (45 %) sont situés dans l’axe 3 du Pacte : « Culture, éducation et savoir ». Au total, le montant des aides pour cette seconde partie s’élève à 190 316 euros (dont 71 837 pour la part CAF).
Lutter contre l’exploitation humaine
Concrètement, comment s’articule cet élan politique sur le terrain ? Essentiellement par des initiatives d’associations plus ou moins ancrées dans le territoire. Celle, notamment, de l’association Ruelle, qui a pour but d’aider les personnes migrantes victimes d’exploitation (esclavage domestique, travail forcé, prostitution, etc.) Le but : les aider à sortir du cercle, au moyen d’ateliers d’expression artistique où ils « passent d’objet à sujets », commente Bénédicte Legendre, présidente de cette association installée depuis trois ans. Après un premier atelier photo, elle a pour projet de créer des spots vidéos d’environ trois minutes diffusés sur le web pour sensibiliser le grand public. « Nous comptons aussi faire participer des membres de la société civile, des adhérents de l’association, pour que ces vidéos ne soient pas uniquement composées de victimes », précise Bénédicte Legendre. Le tout avec des partenariats actifs entre l’institut de journalisme, le Master Journalisme de Sciences Po et l’école des Beaux Arts de Bordeaux, d’où un artiste vidéaste viendra encadrer cette action.
Un important volet culture et éducation
Parmi les projets présentés, la plupart appartiennent effectivement à l’axe 3. La Maison des Adolescents de la Gironde prévoit elle aussi de créer un film avec des jeunes du Grand Parc, où ils s’exprimeront sur leur vie scolaire et sociale. Il sera un support à débat à destination des jeunes comme de leurs parents, puisque l’association viendra à leur rencontre dans les différents quartiers de la ville. Enfin, l’atelier d’alphabétisation, porté par l’Association Familiale Laique de Bordeaux Nord (dans le cadre du projet « École Ouverte » de l’école élémentaire Labarde) : il s’agit d’un atelier expérimental destiné à donner des outils aux personnes qui ne maîtrisent pas la langue française, et faciliter leur insertion sociale.
L’insertion professionnelle, un enjeu interquartier.
L’aspect économique n’est pas oublié pour autant, grâce à l’initiative notable de l’Institut Supérieur de la Formation Permanente, organisme de formation lié à l’économie sociale et solidaire, qui a monté un projet baptisé « Ma petite entreprise en Aquitaine ». Le principe ? Proposer à 12 jeunes et adultes en décrochage ou en difficulté d’insertion professionnelle de mettre en place des projets de prestation marchande (en tant que concepteurs, mais aussi ouvriers). L’ISFP leur fournit un support pour réaliser un projet de service de A à Z. Une passerelle évidente entre la rive droite et la rive gauche de Bordeaux : le projet test, impulsé par le Conseil régional d’Aquitaine en 2012, avait eu lieu à Lormont. « On continue toujours à voir ces jeunes. Ils vont passer sur la prochaine action pour parler de leur expérience », commente Muriel Pecassou, directrice de l’ISFP. « Les bénéfices de leur prestation leur sont reversés sous forme de bourse afin de les aider dans la mise en place de leurs propres projets futurs. Beaucoup ont repris des études. Sur les 11 réguliers, ils sont tous en emploi ou encore en études. Il y a donc eu un impact réel et inattendu », continue-t-elle. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle l’expérience est reconduite dans le cadre de cet appel à projets.
Des petites mains pour l’environnement
L’axe 4, « Bien-être, santé et environnement préservé », s’illustre enfin par deux actions phare : celle du Comité de quartier Maréchaux/Poincaré qui lance la création d’un jardin potager pédagogique et écoresponsable (via l’utilisation d’un puits au XVIe siècle) accessible à tous les écoliers et aux enfants du quartier Poincaré. Fait notable : situé près de la cour de l’école, le potager sera également accessible aux enfants et aux parents le week-end. Enfin, le comité compte proposer un ramassage des déchets verts auprès des personnes âgées ou invalides, « dans le but de créer un lien intergénérationnel ». Dans un volet plus professionnel, la toute nouvelle association des Détritivores a déjà tout d’une grande. Elle vise, en collectant et compostant les détritus biologiques des restaurateurs de la Métropole en couplage avec une entreprise, à réduire le gaspillage. Dans le cadre de l’appel, ses fondateurs ont pour objectif la création de microplateformes de compostage à l’échelle des quartiers. La première a déjà été installée sur la rive droite, à Darwin Écosystème. L’objectif en cas de réussite ? Transformer l’association en Société Coopérative.
Toutes ces actions, et de nombreuses autres seront présentées à raison d’une documentation par quartier distribuée à tous les habitants d’ici quelques semaines. « Le but, c’est de prouver à tous ces gens qu’ils peuvent générer des choses sans que les élus ne le leur commandent. Ça nous permet aussi de favoriser des choses qui nous échappent », assure Alexandra Siarri. La dynamique devrait d’ailleurs se poursuivre pour l’année 2016, et même si les investissements de la ville ont été récemment revus à la baisse, il reste suffisamment de dynamiques pour créer de nouvelles actions innovantes : 41 millions d’euros sont toujours alloués au milieu associatif par la mairie chaque année.
Vidéo tournée en juin 2015.