A votre bon coeur pour restaurer les boiseries Art déco


L’équipe de Didier Bayle, gérant de Blanchon, va prochainement commencer la restauration des boiseries de la gare de Limoges

L’équipe de Didier Bayle, gérant de Blanchon, va prochainement commencer la restaurationCorinne Merigaud

L’équipe de Didier Bayle, gérant de Blanchon, va prochainement commencer la restauration

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 16/09/2022 PAR Corinne Merigaud

Depuis un an et demi, une partie des boiseries Art déco de la gare des Bénédictins attend l’heure de sa restauration dans l’un des ateliers de la société Blanchon, à Limoges. Ressurgies du passé par miracle, ce mobilier fabriqué en 1926 a été sauvé de la destruction par un petit groupe de cheminots. Il sera présenté aux amoureux du patrimoine ce samedi uniquement.

Ce monumental portique en iroko de 6,30 m de haut et 3 m de largeur attend de retrouver sa place dans la gare de Limoges… qu’il a quittée en 1979. La SNCF avait décidé de démonter les immenses comptoirs et le mobilier en bois installés depuis l’ouverture de la gare en 1929, modernisation oblige… « Il fallait ouvrir l’espace pour fluidifier le trafic, mettre en valeur le dôme et l’architecture du hall, démolir ce qui gênait pour l’accès au quai » rappelle Marie-Noëlle Polino, du service patrimoine et mécénat de la SNCF.

Dans ces années-là, le patrimoine ne préoccupait pas grand monde… sauf René Brissaud, responsable des études bâtiment et travaux. « Un grand amateur du patrimoine se souvient Jacques Ragon, président de l’Historail, il risquait des sanctions lourdes en décidant de protéger ce mobilier qui contenait une carte touristique du Syndicat régional des offices de tourisme Limousin, Périgord et Quercy. Elle indiquait aux voyageurs des sites à visiter. Elle est signée Francis Chigot, le créateur des vitraux de la gare. Les deux frises en mosaïque de porcelaine sont de Camille Tharaud. »

Une épopée rocambolesque

Avec des cheminots complices, il embarque le portique sur un wagon, le dissimule sous une bâche et change le panneau de destination. Direction Saint-Léonard de Noblat… Arrivé en gare de triage de Puy-Imbert, les agents SNCF sont bernés. A l’arrivée, le chef de gare est mis dans la confidence, les boiseries sont cachées dans la halle de marchandises. Elles sont déménagées en 1988, la halle étant louée. La carte est entreposée dans le grenier de l’Historail, la mosaïque sous l’escalier. Les boiseries seront stockées trente-trois ans dans la barge d’une grange à Saint-Léonard. Ironie de l’histoire, ce mobilier n’aurait jamais dû être détruit car inscrit, de fait, aux Monuments Historiques en même temps que la gare en 1975. Une nouvelle que Jacques Ragon apprendra des décennies plus tard.

La façade Art déco du buffet de la gare qui rouvrira en 2023.

C’est à l’occasion d’un reportage de France 3 Limousin qu’il vend la mèche, en février 2019. Il dévoile alors son fabuleux trésor. « Il y avait danger à voir disparaître la grange par succession et j’étais le seul à savoir où c’était caché » avoue-t-il… content que l’entourloupe ait duré aussi longtemps. René Brissaud ne sera pas là pour voir les conséquences de son forfait, l’enthousiasme du Ministère de la Culture par le biais de son représentant de la DRAC qui s’engage à ce que ce mobilier retrouve sa place originelle.

Un budget restauration de 100 000 euros

Le prochain objectif est fixé dans un an avec l’inauguration de cet ensemble d’ébénisterie lors des Journées du patrimoine. D’ici là, les travaux sont lancés après un long feuilleton juridique entre le Ministère, la SNCF, l’association Historail et les descendants. « Il m’a fallu l’accord d’Hubert Védrine, le petit-fils de Francis Chigot et des descendants de Camille Tharaud pour que l’association puisse signer une convention et engager le financement participatif d’un montant de 36 000 euros » précise-t-il. Le budget restauration avoisinera les 100 000 €, la DRAC s’est engagée pour 40 % et la Fondation du Patrimoine versera 20 000 €. « Cinquante-deux contributeurs ont donné 4 630 euros grâce à l’engagement de la Ville de Limoges, précise-t-il, et nous avons obtenu un premier acompte de la DRAC, c’est exceptionnel. »

Pour faire un don, il suffit de flasher un QR code apposé sur les affiches dans le hall de la gare, les plaquettes et flyers imprimés par SNCF Gares & Connexions. Il renvoie sur la plateforme Helloasso. Les internautes peuvent aussi se connecter pour prendre leur billet pour 1929, le slogan de la campagne de collecte. Un don ouvre droit à 66 % de réduction d’impôt pour les particuliers et 60 % pour les entreprises.

Jacques Ragon, président de l’Historail (au fond à droite) a dévoilé l’existence des boiseries

A voir pour les Journées du Patrimoine

La DRAC a retenu des entreprises habilitées à intervenir sur des monuments historiques, la plupart étant basées en Haute-Vienne. La société Blanchon, Entreprise du Patrimoine Vivant, redonnera son lustre aux boiseries. « Couty et Art’s du Feu » se chargeront de compléter les deux frises puisqu’il manque 40 % des carreaux et le fabricant « Les Porcelaines de la Fabrique » cuira les pièces. L’atelier « A l’oeuvre de l’art » (Allier) restaurera la carte. Il faudra ajouter 61 000 € pour le garde corps qui protégeait le portique.

A l’occasion des Journées du Patrimoine, les boiseries seront exposées samedi de 9h à 12h et de 14h à 18h à l’atelier Blanchon (7 rue Fernand Malinvaud). Le public pourra faire des dons et repartir avec un mug (à partir de 20€). « Nous avions reçu 600 visiteurs l’an dernier se souvient Didier Bayle, le directeur, ils nous avaient déjà demandé comment faire des dons, cette année, c’est possible !» Des démonstrations de taille de pierre, charpente et couverture sont prévues ainsi que de création de vitraux à l’Atelier du vitrail (10 rue Fernand Malinvaud), fondé par Francis Chigot. A la gare de Limoges, la rue souterraine ouvrira exceptionnellement et les deux locomotives à vapeur 141 TD 740 et 140 C 38 seront en gare à tour de rôle.


Infos pratiques !

Depuis la fermeture du Buffet de la gare en mars 2018, dont l’annonce avait suscité la mobilisation des Limougeauds, SNCF Gares et Connexions travaillait sur un projet de réouverture prévoyant d’importants travaux. Elle a choisi comme prestataire le buffet de la gare d’Agen. La société Blanchon a dévoilé, en avant-première, les menuiseries de la vitrine. « Avec la DRAC, nous avons imaginé une réplique des boiseries pour aménager à terme toutes les concessions de la gare comme le relais de presse dans un esprit Art déco dévoile Lionel Trussard architecte, l’objectif est de créer un dialogue avec les boiseries et une cohérence des façades. » Les travaux commenceront en fin d’année pour une ouverture du buffet au deuxième semestre 2023. Quant à l’Historail, il organisera un concert de jazz commenté, en avril, au cinéma Rex de Saint-Léonard.

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