À Bordeaux, « Afrique-France » aura son contre-sommet


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À Bordeaux, "Afrique-France" aura son contre-sommet

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 10/12/2019 PAR Romain Béteille

C’est un contre-sommet qui ne ressemble pour l’instant à pas grand-chose de précis, mais qui s’annonce tout de même. Ce mardi 10 décembre, un collectif composé pour l’instant de 22 associations, mouvements et parti politiques (pour l’instant tous issus de l’extrême-gauche) a évoqué au travers d’une première conférence de presse leur souhait d’organiser un contre-sommet Françafrique du 2 au 8 juin 2020. Ce n’est évidemment pas un hasard, puisque c’est au Parc des Expositions de Bordeaux que se tiendra, du 4 au 6 juin, la 28ème édition du sommet Afrique-France, qui a prévu de convoquer 54 chefs d’États africains et de nombreuses entreprises pour faire découvrir les innovations d’entreprises françaises et africaines, notamment au travers du « village des solutions », centré autour du thème des « villes durables ». « Une rencontre qui n’est pas sans rappeler les expositions et foires coloniales que Bordeaux a connues », écrivent les signataires d’un collectif voué à s’élargir. 

« Considérations matérielles »

Ses porte-paroles n’hésitent d’ailleurs pas à évoquer une version du néocolonialisme repeinte en vert », notamment en évoquant les trois premiers partenaires stratégiques du sommet : Méridiam, Colas et Veolia. « Cet évènement vise à montrer que Bordeaux est aux portes de l’Afrique et de montrer que l’Afrique et la France sont à égalité, comme si un seul état pouvait décider d’en convoquer 54. Faire ce sommet à Bordeaux n’est pas anodin : Bordeaux est l’une des villes qui a le plus profité de l’empire colonial en France », professe ainsi Karfa Diallo, de l’association bordelaise Mémoires et Partages. Les soutiens à qui ce dernier a donné la parole ne sont pas plus tendres : « C’est une réunion de complaisance, superficielle et non-approfondie. La France se retire peu à peu de problématiques centrales qui concernent les pays africains pour se rapprocher de considérations uniquement matérielles. Le G5 de Pau est l’exemple même de ce déséquilibre » affirme Moulaye El Hassan, militant de l’association « Pour une Mauritanie laïque », qui lutte contre l’instauration d’une religion d’État dans le pays. Avant même sa tenue à Pau, le G5 Sahel fait couler beaucoup d’encre, et les récentes déclarations d’Emmanuel Macron sur le « mouvement anti-français en Afrique » ne rassure guère. Ce qui fait rire (jaune) les organisateurs de ce contre-sommet, qui évoquent aussi le G7 de Biarritz et se demandent « pourquoi notre région déclenche autant de méthodes et se retrouve au cœur des enjeux géopolitiques internationaux de l’Afrique ».

La sociologue Valentine Loukombo-Senga, elle, dénonce : « Est-ce vraiment une rencontre qui permettra de traiter des problèmes réels en tant que partenaires ? Ce sera davantage un lieu où les gens se connaissent, on les mêmes pratiques, une assemblée de sorciers qui se réunissent pour ne pas faire avancer les choses. Peut-on vraiment aider une population qu’on dépouille ? ». Pour autant, le collectif ne se revendique pas dans une « opposition bête et méchante, qui ressasserait de vieilles haines anticoloniales. Nous comptons faire des propositions et apporter des solutions aux problèmes que nous dénonçons ». Ainsi, si on ne sait pas encore quelle forme réelle prendra ce contre-sommet (conférences ? expositions ? rencontres ?), les associations et membres signataires parlent de faire intervenir des experts des relations entre la France et le continent africain, « pour donner la parole à toute cette diaspora africaine et permettre de nous effacer » précise la militante associative Donatienne Aubry. Le collectif se donne entre cinq et six mois pour avoir une réelle programmation. Trois groupes de travail sont déjà à l’œuvre depuis le mois d’octobre pour se pencher sur la programmation, la communication et (détail important) les finances qui seront accordées à ce contre-sommet, qui « sera ouvert à tous » même aux éventuels participants du sommet Afrique-France qui seraient intéressés et ne trouveraient pas de réponse dans un « village des solutions aux places très chères duquel nous seront exclus d’emblée », poursuit Karfa Diallo.

« Ni exclusion ni exclusivité »

Au moment d’évoquer un lieu dans lequel pourrait se dérouler cette manifestation, Darwin revient pointer le bout de son nez. Il faut dire que le décolonialisme était l’un des thèmes centraux du dernier festival Climax. Et qu’on ne dise pas à Moulaye El Hassan que le sommet Afrique-France pourrait constituer une manne économique pour les entrepreneurs africains : « On leur propose le moyen de communiquer, mais en réalité c’est eux qui vont acheter. C’est déjà une arnaque économique, ça ne tient pas. Si ça ne l’était pas, le sommet aurait dû se faire en Afrique ». « Nous souhaitons innover dans nos propositions, créer de nouveaux lieux, espaces et façons de faire, même dans notre discours », termine le fondateur de Mémoires et Partages. Pour boucler le tout, tout reste encore à faire. L’intention va, dès le 15 janvier, passer par l’organisation d’un évènement : la diffusion, au sein du cinéma Utopia, du documentaire « Système K » qui raconte la réalité des habitants de Kinshasa. Une manière, par un évènement culturel, d’annoncer le ton qui, même s’il ne revendiquera « ni exclusion ni exclusivité », sera tout de même largement tranché. 

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