5ème colloque d’Aqui.fr : «  Métropole et Informations : le numérique change tout ! »


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5ème colloque d'Aqui.fr : «  Métropole et Informations : le numérique change tout ! »

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Temps de lecture 17 min

Publication PUBLIÉ LE 25/09/2015 PAR Solène MÉRIC

Après les mots d’accueil de Jean-François Egron, premier adjoint au Maire et de Bernard Jouannaud, président de l’association des Amis d’Aqui.fr, place à Joël Aubert, rédacteur en chef d’Aqui.fr, et Roland Cayrol politologue et président d’honneur des Amis d’Aqui.fr qui ouvrent le colloque.

La vidéo complète du colloque du 25/09/2015


« Curiosité, éveil, attention à toutes les évolutions. Les années précédentes, on a évoqué la question du difficile modèle économique pour la presse numérique. Depuis l’an dernier, le colloque a la volonté d’ouvrir les portes, de confronter le numérique avec le citoyen, les associations, les élus…
Cette année, on se centre sur la métropole, et les attentes citoyennes, en matière de démocratie locale. C’est une demande structurante de l’opinion. Ce qui ressort des sondages, c’est que tout le monde veut être mieux informé, à tous les niveaux de la société. On affirme ne pas être assez informé, on souhaite la multiplication des canaux et des moyens. Il y a un souhait aussi d’être « mis dans le coup ». Il ne faut pas pour autant se méprendre sur l’idée de la participation citoyenne, qui est souvent liée à une notion de consommation. En réalité, même si nous ne participons pas, nous souhaitons être mis en conditions de pouvoir le faire.

De l’autre côté, il y a une habitude des politiques à être dans une ligne descendante. Un usage de médiatisation pour eux même et d’auto-valorisation. Or le numérique ce n’est pas que ça, c’est aussi la possible participation citoyenne. S’exprimer, débattre du bas vers le haut et de manière horizontale. Dans le cadre de ce colloque, il s’agit aujourd’hui de faire le point de la situation du numérique, ce qui s’y passe. Les contraintes et espoirs de chacun sont-ils impactés par ce changement ? Existe-t-il des résistances ? »


Cadrage du Débat « L’info d’aujourd’hui : Comment ça marche ? Quelles sont les grandes tendances ? »

Jean-Marie Charon sociologue spécialisé dans l’étude des médias et du journalisme, auteur du rapport au Ministère « Presse et numérique, l’invention d’un nouvel écosystème ».

« Mon point de départ pour ce rapport, c’est le constat d’une grande vitalité qui s’exprime dans ce domaine, avec notamment le « bouillonnement des jeunes pousses ». Ces derniers mois, est apparue une quinzaine de nouveaux éditeurs sur l’information généraliste. 
Le vieux modèle du journaliste distant des questions de management tombe en désuétude. Les jeunes journalistes pour réaliser ce qu’ils veulent faire, se lancent aussi dans ces questions. Ils créent des médias, et se lancent dans leur gestion…
Il est vrai qu’il y a eu des échecs mais pas seulement : aqui est là et se relance, Médiapart avec 100 000 abonnés, via le payant, résiste. Mais on assiste aussi à l’apparition d’entreprises atypiques qui incluent information, services et divertissement.
Il se passe sous nos yeux de nouvelles formes de narration : écriture beaucoup plus longue, plus lente, le data-journalisme, le fact-cheking, et autres… C’est aussi la floraison de tout un univers de start-ups qui ne regroupent pas uniquement des journalistes. Elles essaient d’inventer de nouveaux outils aussi au coté des médias (crowdfunding). On voit l’émergence d’un milieu professionnel dynamique, et de nouvelles formes de travail : coopération entre journalistes, public et experts. 

Une vitalité nécessaire pour faire face à deux grands défis
Le premier, c’est un mode de rapport au média qui n’est plus le même. La relation privilégiée à un média n’est plus le mode privilégié. Ça prend à contre-pied le mode de l’abonnement, mais aussi le mode de structuration de l’information interne à chaque média. Au total, c’est une obligation de travailler différemment avec son public :
– la temporalité (le lecteur n’a pas d’horaire) et chronologie nouvelle
-être présent où est son public, c’est à dire dans les réseaux sociaux
-faire des internautes des contributeurs
-l’expertise peut aussi être issue du public
-faire des internautes une communauté de partenaires, un accompagnement dans la recommandation
-imaginer des nouveaux modes de travail : enquêtes collectives ou accompagnement de projets d’édition (des magazines proposent le co-financement d’une enquête par les internautes)
Le deuxième défi provient du modèle économique. On a subi le recul de la recette publicitaire et la baisse de la diffusion. Il n’y a pas d’autres solutions que de saisir l’opportunité du numérique que de réinventer un modèle économique. Il y a une diminution du nombre de publicités mais aussi une baisse de leurs tarifs, ce qui condamne de nombreux pure players. On a sous-estimé les agrégateurs d’audience. Par exemple Google a quatre à cinq fois plus d’audience que le Figaro.fr qui est le plus gros média numérique parmi les médias traditionnels.
Les éditeurs doivent s’engager dans la monétisation de l’information. Mais ce qui est partout disponible doit être gratuit, donc, il faut avoir de la valeur ajoutée, pour pouvoir monétiser. Mais ce qui existe déjà, reste insuffisant, mais on a pas de modèle ailleurs….
Le grand chantier reste donc l’innovation et expérimentation. Il faut trouver des façons de travailler qui dégagent du temps et des moyens en recherche et développement. Aux privés de prendre l’initiative d’accompagner les médias mais il aussi avoir des lieux, des incubateurs ou des « labs » pour faire naître des idées, des initiatives entre les différents acteurs. A l’avenir, il faudra des lieux d’incubation, des pépinières pour les jeunes pousses, créer des relations entre médias traditionnels et start-ups et intégrer des réseaux de recherche et d’enseignement. Il faudra travailler de façon mutualisée ».

5ème colloque Aqui.fr au Rocher de Palmer

TABLES RONDES : « Etat des lieux : L’info d’aujourd’hui dans une grande Métropole »

Les élus de la Métropole « Comment communiquez-vous ? Qu’attendez-vous des acteurs de l’info pour atteindre vos objectifs de développement de la Métropole ? »

Animation : Jean-Christophe Blancand, animateur sur O2 radio

Christine Bost maire de la ville d’Eysines et chargée des synergies, stratégies et développement des territoires au Conseil Départemental de la Gironde
Sébastien Saint-Pasteur conseiller départemental du canton de Pessac 2
Alexandra Siarri adjointe au maire de Bordeaux en charge de la cohésion sociale et territoriale
Alain Turby maire de la ville de Carbon-Blanc

Christine Bost : Je ne suis pas forcément un très bon exemple dans le monde du geek, bien que ma formation initiale soit tournée vers les métiers de la communication. Pour ce qui est de la propre communication de la ville d’Eysines, le panel d’outils à notre disposition est très vaste. La presse municipale est pour moi l’outil le plus important. J’ai du faire trois tweets dans ma vie depuis l’ouverture de mon compte. J’ai un profil facebook que j’alimente moi même. Certains personnages publics utilisent cet outil de façon frénétique : c’est dangereux parce que ça banalise l’information. Cela peut rendre le propos peu intéressant et ça ne donne pas forcément une très bonne image de l’élu. Il faut d’abord avoir le temps de le faire, c’est souvent au détriment d’autre chose même si c’est un exercice devenu obligé aujourd’hui. C’est un moyen de se rapprocher de la population. Les relations avec la presse sont aussi un outil, c’est le plus délicat. Parfois, il y a un décalage entre ce qu’on aurait voulu faire ressortir et ce que le journaliste a voulu retransmettre.

Alain Turby : Il y a une nécessité à adapter l’usage numérique aux territoires. Aujourd’hui, Carbon Blanc est une cité dortoir. Il faut aller chercher le canal de l’info municipale là où le citoyen se rend : on a décidé d’investir les réseaux sociaux. Sur Facebook, on a la possibilité de mesurer l’engagement de la population. Mes prédécesseurs n’avaient pas cette fibre numérique, cette volonté là. Il y a une nécessité, au delà d’accompagner le citoyen à l’usage numérique, d’accompagner les élus. Il y a un vrai besoin là dessus car les élus ont du mal à imaginer les possibles en raison de possibilités d’un champ qu’il est difficile de percevoir. Il faut que l’information soit intéressante quand on la publie. Par le type de média à utiliser, on arrive à déterminer le meilleur moyen de diffuser l’info.

Sébastien Saint-Pasteur : Je n’ai ni compte Facebook ni compte Twitter. Il y a une confusion qui s’opère entre l’outil numérique et sa finalité. On peut l’utiliser avec plus ou moins de talent mais il ne dénature pas la relation que peut avoir le citoyen avec son représentant. Cette relation doit permettre de faire passer d’autres messages. Quelle attente a-t-on des journalistes sur un échelon territorial ? On fait plus de buzz lorsqu’on montre des chatons sur internet que lorsque l’on explique que l’accueil d’un jeune autiste en foyer revient à 45 000 euros par an… Il n’y a plus de hiérarchie dans l’info. Les outils numériques ne sont pas forcément les mieux à même de répondre à la distance entre le citoyen, l’élu et la presse. Je ne prétend pas avoir une actualité suffisamment intéressante pour publier en permanence sur les réseaux sociaux. En tout cas pour l’instant.

Alexandra Siarri : Le plus important, c’es le contenu qu’on donne. Les élus sont confrontés à un double challenge : une époque de mutation vertigineuse et violente, ou le citoyen a un rapport à l’espace qui a muté et où le champ des possibles est énorme. La consommation a cannibalisé la citoyenneté.  Il vient consommer du service public, de l’information, de l’élu. Il attend des réponses à ce qu’il croit être des questions principales car c’est les siennes. On est un peu décrédibilisés, on est censés être ceux qui doivent gérer l’intérêt général. On nous soupçonne souvent de ne pas être à la hauteur de la mission qui nous a été donnée. La problématique de l’élu est propre à celle du média : on s’est habitué à communiquer beaucoup et sur beaucoup de choses mais sans véritable profondeur. Toutes les réformes nous obligent à cela. On nous pousse à pouvoir donner une info plus complète et directe. Le numérique est un outil, il peut être une opportunité énorme ou une menace totale. Ce sont les élus qui, grâce au numérique, qui devraient tout changer. Le numérique, lui, ne doit nous permettre que de récupérer de l’information.

Christine Bost : Je pense qu’on fait un peu les mêmes métiers entre élus et journalistes. Eux doivent capter de l’info, nous sommes un peu des producteurs. Nous avons une certaine convergence : celle d’expliquer ce que l’on fait. Notre but, c’est de se rapprocher le plus possible de la réalité ou de la rigueur de l’information. On doit en tout cas atteindre les mêmes objectifs.

Les nouveaux acteurs de l’information (associations, chefs d’entreprise, bloggeurs et citoyens hyper-connectés) « Informations/Communication : les dangers du mélange des genres » « Les outils du numérique au service de la contestation ou du débat démocratique ? »


Animation : Benjamin Rosoor, fondateur de Web Report

Jean-Louis Blouin directeur général délégué d’I2S et spécialiste de la vision numérique
Charles-Marie Boret consultant en communication publique à cmb ; mutations&stratégies
Wanda Laurent présidente de L Connect développement et partenariats Coh@bit et Cred à l’Université de Bordeaux
(José Rodrigues président de l’association Alegria Portuguesa, absent)

Wanda Laurent : Moi je suis ultra connectée. Je suis sur tous les réseaux sociaux. Pour moi, ces réseaux c’est une démarche de partage. C’est en me nourrissant de ce qui se jouait sur les réseaux sociaux que j’ai pu construire ma place dans la société tant d’un point de vue professionnel que personnel. J’ai vu des choses que je n’aurais peut être pas pu connaître autrement. J’ai démarré ma vie sur les réseaux sociaux en tant qu’élue. Désormais, je n’ai pas du tout la même posture. On s’épie sur les réseaux sociaux, on recrute sur les réseaux sociaux, et en même temps on n’est pas vraiment nous-mêmes …

Jean-Louis Blouin : Personnellement, j’ai deux murs sur Facebook. Un très sérieux et un autre qui est un vrai « barnum », mais c’est aussi une autre manière d’être dans le réseau, tu vois passer des choses tu partages, etc… D’un point de vue professionnel : cela me permet de faire fonctionner les communautés auxquelles on voudrait appartenir, ou encore, il faut l’avouer de se poser comme « influenceurs » de ces communautés. C’est un outil, on en fait ce que l’on veut. Ce qui se passe sur les réseaux sociaux, ça dépend ce qu’en font les gens.

Charles-Marie Boret : Dans la société de l’hyper médiatisation, la liberté de parole des élus est différente de ce qu’il était il y a 30 ans. L’absence ou la présence d’une virgule, peut totalement changer un message, donc oui, sur les réseaux, les responsables font très attention : essayer d’être proche, tout en faisant attention à ce qu’on dit. D’un autre côté, l’élu est à l’écoute des expressions citoyennes. En tant que conseillers, il y a une veille, de l’écoute, mais il faut aussi savoir gérer les messages… Des messages qui prennent de l’ampleur quand la presse s’y intéresse.

Wanda Laurent : Sur la question de l’influence, pour capter l’attention, il faut serrer votre thématique. Si on est dans une posture ludique, alors on peut en effet partir dans tous les sens. Mais si c’est une posture professionnelle, il faut faire attention : des gens recrutent sur Twitter, Ce sont des acteurs d’entreprise notamment numérique, qui veulent aller au bout du système. Au final,on retrouve une forme de cooptation sur les réseaux sociaux.
Dans une approche d’influence, il faut alterner théorie et pratique. Il y a les réseaux, la com, mais derrière il faut organiser des rencontres en réel, il faut du présentiel, pour que le message passe, que ça fonctionne. La capacité de se rencontrer est importante, d’où le succès des tiers lieux. L’innovation c’est du bon sens, la rencontre de deux cerveaux qui fait « pshitt »

JL Blouin : les réseaux sociaux, c’est beaucoup d’instantanéité. Ce qui apparaît sur les réseaux sociaux c’est une représentation symbolique de la réalité, avec une part de raison et une part d’impertinence. Coté raison les réseaux sociaux, c’est un outil, un objet où il faut faire le tri, « en prendre et en laisser ». Côté impertinence : c’est la possibilité de la parole libre où sur les réseaux tu es un peu ce que tu es vraiment, ce que tu aimerais être et un peu ce que tu deviens. S’il y a un peu de raison dans l’impertinence dans la manière d’être sur Facebook et un peu d’impertinence dans la raison, c’est ce qui fera l’alchimie chez toi et donc chez les autres, et c’est ce qui fait qu’ils te suivront. J’avoue que parfois je suis hyper provocateur ; mais comme je le disais les réseaux sociaux, c’est une représentation symbolique, donc, à ce titre je ne m’attaque jamais à des personnes, mais ça ne me gêne pas de jouer les provocateurs avec des élus par exemple, car ils sont pour moi une représentation symbolique d’idées ou de partis.

Charles-Marie Boret : Dans ma vision des médias digitaux de demain, il faudrait une part de travail journalistique, qui reste indispensable pour animer la démocratie, et une part contributive.


Les médias & les acteurs de l’info

Animation : Jean-Christophe Blancand, animateur sur O2 radio

Joël Aubert rédacteur en chef d’Aqui.fr
Thierry Guillemot directeur d’antenne de TV7
Laëtitia Langella rédactrice en chef de wit fm
Benoît Lasserre journaliste pour Sud-Ouest


Benoît Lasserre : Mon souci, c’est de répondre aux attentes des lecteurs. L’ADN de Sud-Ouest est la proximité, on reste un quotidien général d’information, qui veut embrasser toute la panoplie des informations qui tombent tous les jours. C’est un ADN qui ne bouge pas, même si la façon de traiter les sujets peut bouger. Les techniques d’information ont évolué, mais le fondamental reste le même.
Le numérique s’adresse à une clientèle qui ne lit pas forcément la presse papier. Le site est lu par une classe plus jeune, on a élargi un peu notre audience grâce au numérique.
Il y a des gens qui nous disent qu’on devrait faire d’avantage d’info locale, mais on constate que les quotidiens départementaux ne font pas de bons d’audience, ils ont aussi une érosion de leur lectorat. Le journalisme n’est pas une science exacte, et heureusement.
Bordeaux Métropole n’a rien changé dans notre exercice quotidien de travail, nous n’avons pas modifié la publication des éditions. Par contre, on essaye le plus possible d’expliquer en quoi le passage à la Métropole aura des conséquences financières sur les habitants. Sur la grande région, il n’est évidemment pas question que SO ouvre des éditions en Limousin et Poitou-Charentes. Nous n’avons pas les moyens financiers d’élargir notre diffusion.

Thierry Guillemot : Le budget d’un an de TV7, c’est deux heures de Canal Plus. Le numérique a rendu notre référencement sur les canaux de télévision plus difficile.

Laëtitia Langella : La radio, c’est le média hyper-connecté depuis toujours. On a toujours pu échanger nos auditeurs, aujourd’hui on le fait par téléphone mais aussi sur les réseaux sociaux. Sur les contenus, nous n’avons pas évolué même si on se pose des questions comme tout le monde. A la fin des années 90, on s’est posé la question de savoir si on allait pouvoir survivre au MP3 au numérique. Mais il nous a permis de remettre l’humain et la proximité au centre de notre média. Sans histoires, la musique intéresse moins les gens. Chez nous, le numérique n’est pas valorisé, il ne rapporte pas d’argent. Un spot de pub coûte 100 fois plus cher qu’un bandeau sur notre site web.
Aujourd’hui, le rapport de proximité est plus anonyme, on a moins d’appels directs.

Joël Aubert : Quand on a lancé aqui il y a 8 ans, on a fait le choix le plus compliqué. On essaye de diffuser des informations choisies. Il y a de la place pour une information de proximité et de qualité. Mais il faut la réinventer. La société s’éloigne des médias parce qu’elle ne les reconnaît pas forcément et nous n’apportons pas suffisamment de réponses à ses préoccupations. Nous la considérons encore de notre piédestal. J’ai envie qu’on donne la parole à ces gens à qui on ne la donne plus.

Thierry Guillemot : Il y a une forme d’uberisation de la presse. On ne fait pas le même travail que les politiques, ce n’est pas notre job. Le seul job qu’on a à faire, c’est de demander aux politiques ce qu’ils proposent à la base. On ne fait pas de programme politique. Si les gens zappent, ce n’est pas de ma faute. On nous dit qu’il n’y a pas de loi mais il y en a une : celle du plus fort.

Benoît Lasserre : Chacun a besoin de l’autre, sans doute. On ne fait pas non plus le même boulot que les lecteurs. On essaye de donner la parole aux gens, mais attention à ne pas sacraliser le lecteur qui se pense journaliste parce qu’il a une information. Twitter, Facebook balancent des infos complètement bidon le plus souvent fausses et on nous demande pourquoi on en parle pas. Les commentaires laissés par les lecteurs sur les choses qu’on écrit restent affligeants. Relativisons les choses : le journalisme ne peut pas être fait pas n’importe qui, sans élitisme. Comme on ne peut pas s’improviser boulanger ou élu, on ne peut pas tous être journalistes.

Joël Aubert : Je voulais parler de lecteur constitué, c’est à dire les associations, ceux qui trament le territoire et la vie sociale, doit être reconsidérés.

Thierry Guillemot : Aujourd’hui, vous communiquez si vous avez de l’achat d’espace. Ceux qui n’ont pas assez d’argent, ça ne marche pas. Ce n’est pas en envoyant son petit truc chacun de son côté qu’on construit une communication. On essaye de recevoir un maximum d’information sur les associations. L’info locale se creuse, alors que le national tombe. La difficulté du journalisme local, c’est de chercher l’info. On ne peut pas tout faire.

Laëtitia Langella: Je n’ai pas l’impression qu’on soit en déconnexion avec ce que vivent les gens. On nous en ferait le reproche chaque jour. Le numérique a facilité la communication : pour contacter un média, on trouve toujours un moyen.

DEBAT : « Prospective : Qu’en sera-t-il de demain ? »

Animation : Joël Aubert, rédacteur en chef d’Aqui.fr

« Les tendances lourdes et les signaux faibles » par Antoine Chotard chef de projets en transformation numérique chez Aquitaine Développement Innovation

Depuis tout à l’heure, vous avez beaucoup parlé de vos propres modèles, mais moi je voudrais savoir ce qui est fait pour les lecteurs aujourd’hui.
Que font les lecteurs en dehors du temps de lecture ? Ils sont sur les réseaux sociaux, sur Tinder, ils regardent leurs vidéos à la demande, etc… Je veux bien lire des articles d’un média ou d’un autre, mais au moment où j’en ai envie… Il nous faudrait un système qui me rendrait plus fluide le rapport aux médias. En Aquitaine, il existe une société WIIDII qui fait de la conciergerie et essaie de démocratiser ça en mettant une touche d’automatisation, avec si besoin, l’humain reprend la main dessus. Il se développe dans le tourisme, dans la robotique. En d’autre terme c’est un point d’entrée à qui je pose une question qui se met en arrière fond et s’occupe de faire l’assistant avec moi. Pourquoi ne pas avoir ce genre de système autour de l’information… ?

Le temps passé à chercher de l’information doit être beaucoup plus facile, moins long pour le lecteur. Jusque là on avait un internet dans lequel on était proactif. Désormais, l’internet vient davantage vers nous, par un « push » permanent, mais pour cela il a besoin de données, qu’il puisent un peu partout. Et c’est en train d’arrivée, peut être un risque que ce soit mal fait, or côté média on ne s’en préoccupe pas, on laisse la main aux acteur économique. Même si effectivement ça coûte très cher de faire se genre de chose, mais à une époque, il a été très cher de faire une application mobile… C’est quoi le Wiidii de l’information de demain ?!

 

Parole à l’expert : Jean-Marie Charon sociologue spécialisé dans l’étude des médias et du journalisme auteur du rapport au Ministère « Presse et numérique, l’invention d’un nouvel écosystème »

L’une des caractéristiques du milieu urbain, c’est qu’à partir des années 80, on a vu reculer le lectorat des métropoles. Les principaux manquants sont les jeunes, les femmes et les habitants des quartiers. En partant de ce constat, on arrive à la conclusion qu’on est à un moment où on se demande s’il reste un grand public, si la notion de « mass media » est toujours pertinente ? Je pense qu’on en sort progressivement, et que les médias sont confrontés à cette question de sociétés qui réagissent davantage à partir de communautés. Entre les communautés, on comprend de moins en moins le média qui tient le discours de l’une d’entre elles. Le récit de l’information, selon les lieux de la métropole, est très différent. Autant sur le papier, avec des médias diffusés, il est compliqué d’articuler ses différentes préoccupations de différents pôles de la société, autant le numérique permet de le faire. La personnalisation de l’information, c’est, par les outils dont on dispose, la possibilité d’identifier les principales communautés et entrées dans l’information que l’on peut proposer. Le média n’est pas forcément là pour servir un consommateur, même s’il faut monétiser l’information.

Il faut arrêter de penser que nous sommes toujours dans la même société. Le numérique est plastique, capable de s’adapter aux transformations sociales et de les accélérer. Nous ne sommes plus au temps du magistère d’un journaliste en surplomb. Il doit d’avantage être en recherche d’expertise de ce qui fait l’intérêt des autres. La question c’est de savoir qui peut apporter une parole intéressante dans un sujet très déterminé.

Conclusion par Roland Cayrol politologue et président d’honneur des Amis d’Aqui.fr

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