« A partir de la fin des années 80 chaque problème a donné lieu à une loi créant un dispositif, adressé à un public cible et mis en œuvre par une organisation ad hoc. Conséquence : au lieu d’avoir une action sociale polyvalente sur un territoire, on a été amené à spécifier des champs de compétence : aide à l’enfance, accueil, insertion, handicap, etc… », se souvient Lucienne Chibrac, de la Direction en charge des Solidarités pour le Département de la Gironde. De quoi installer une approche individuelle morcelée et séquencée du parcours d’insertion oubliant d’écouter la personne dans la globalité de ses difficultés et de sa situation… et ne plus construire un parcours réellement « avec elle » mais « à sa place ». Si la tendance des pratiques professionnelles est, depuis moins de dix ans, d’entrer peu à peu dans des démarches nouvelles de participation de la personne aidée à son propre parcours d’insertion, « les habitudes de travail de certains professionnels sont parfois difficiles à changer » concède Lucienne Chibrac.
« Quand tu t’impliques, ça marche mieux »Pourtant à entendre le témoignage d’Alexandre, jeune homme, ancien polytoxicomane, accompagné par les structures de soin et d’insertion, avoir été l’acteur de son propre parcours de réinsertion est la condition de sa réussite. « En plus de partage d’expérience entre les résidents de la structure, le projet thérapeutique est soumis à chacun des résidents. Or quand tu t’impliques dans ton soin, ça marche mieux pour sortir de la précarité. C’est une première manière de se réapproprier le monde dans lequel on vit, de redevenir citoyen.»
Une citoyenneté réappropriée pour Alexandre qui, désireux de « s’impliquer dans la vie de la cité, de montrer que sa voix à une valeur » est désormais délégué au Conseil consultatif régional des personnes accueillies (CCrPA). Un lieu où il peut exprimer ses opinions sur les politiques publiques en général et plaider, en matière sociale en paticulier, pour que le professionnel soit «un révélateur pour permettre aux usagers d’arriver à leurs objectifs. Il ne doit pas faire à leur place, il doit faire avec elle. Il ne doit pas par exemple être en position de donner toutes les informations mais dire à l’usager à quelle structure s’adresser pour les avoir par lui-même».
Des travailleurs sociaux partenaires de Pôle emploiUn changement de posture des professionnels qui n’est pas à l’oeuvre dans toutes les structures, constate le jeune homme. « Mais les choses sont en train de changer. Les centres de formation des travailleurs sociaux demandent de plus en plus à des personnes accompagnées d’intervenir devant les étudiants, de raconter leur parcours… » Une autre manière pour lui de porter la bonne parole. Un message en tout cas déjà bien compris des professionnels participant à cette table ronde, soulignant, non sans une certaine fierté, de succès parfois a priori improbables, mais pourtant obtenus, en termes de réinsertion et d’autonomisation des personnes.
Une participation et une écoute globale de la personne qui est également en train de se mettre en place dans une organisme que la parole populaire ne dit pourtant pas des plus attentives à l’écoute : Pôle emploi. En raison d’un partenariat établi avec le Conseil départemental, une personne en recherche d’emploi peut, sur la base du volontariat, être prise en charge à la fois par un conseiller pôle emploi et par un travailleur social ; chaque professionnel accompagnant la personne dans ses spécificités. « Un double regard ayant un effet dynamisant puissant puisque différents types de problèmes peuvent ainsi être abordés », assure Benoît Meyer, Directeur territorial Gironde de Pôle Emploi.