Rue Jules Guesdes, 15 heures. Aux abords de la mosquée, c’est l’effervescence. Après avoir prêché devant 600 fidèles le matin même durant une demi-heure en arabe et en français contre une « culture d’assiégés », le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou, a pris la parole dès la sortie des locaux de la Fédération Musulmane de Gironde. « Ce drame nous interpelle tous, car nous ne sommes pas à l’abri de cette violence. Demain, ou après-demain, il y aura un truc ici, à la mosquée. Parce que je pense que la prochaine étape ce sont des mosquées », a-t-il notamment déclaré, sans mâcher ses mots.
La marche inter-religieuse organisée par le collectif Bordeaux Partage, a réuni plus de 2000 personnes. Au premier rang, beaucoup de membres de la Fédération Musulmane mais aussi de nombreux élus, municipaux comme régionaux. Le cortège est notamment passé par le Cours de la Marne et la place de la Victoire pour rejoindre la synaguogue, puis le temple de la rue du Hâ et enfin la cathédrale de la Place Pey Berland. Devant chaque lieu de culte, une minute de silence a été respectée. Sous une pluie fine, certains continuaient de lever des pancartes sur lesquelles on pouvait notamment lire « Ne cédons pas à la peur » ou encore « Qu’Allah protège la France ».
« Combat contre l’extrémisme »
La procession s’est terminée dans la cour de l’Hôtel de Ville, ou la foule a entonné une Marseillaise. Dans le public, un autre panneau s’était incrusté, « Je suis Bamako », en écho aux tragiques évènements qui se déroulaient au Mali. « La force de la République, c’est de faire respecter la liberté fondamentale de la liberté de religion. Cette diversité n’existerait pas sans le bien commun que nous partageons dans ce vivre-ensemble. C’est la devise de la République, le sentiment d’appartenance à la même patrie », a notamment déclaré le maire de Bordeaux à la tribune. Le cortège s’est ensuite dispersé, peu à peu, mais certains sont restés et, avec l’aide d’une guitare et de quelques doigts agiles, ont commencé à entonner des chansons populaires. Simon And Garfunkel, Renaud ou encore l’Imagine de John Lennon (devenu un symbole depuis qu’un pianiste l’a repris dans les rues de Paris). Les visages étaient tantôt graves, tantôt détendus, et les paroles restaient comme suspendues.
Les représentants de Bordeaux Partage ont eux aussi rappellé leur attachement aux valeurs républicaines. « Le combat contre l’extrémisme, on doit le mener au quotidien dans un esprit d unité nationale », ont-ils ajoutés. Un autre rassemblement citoyen devait suivre, sur les coups de 17 heures, alors qu’il était prévu au départ pour ce dimanche mais reporté à vendredi. La manifestation n’avait pas obtenu l’aval de la préfecture pour des raisons de sécurité, omniprésente pendant toute la durée de la marche inter-religieuse, avec de nombreux policiers et militaires déployés tout au long du tracé. La marche a tout de même eu lieu, même si elle a duré moins longtemps que prévu, tandis que celle de Lyon, prévue pour dimanche, avait été annulée ce jeudi pour des raisons de sécurité. De nombreuses manifestations de ce type sont prévues un peu partout en Gironde ce samedi, de Libourne où aura lieu un spectacle de Noël et une « prière pour la paix », à Lesparre où est prévu un rassemblement organisé par une association de riverains. A Bordeaux, plusieurs associations et syndicats (parmi lesquels EELV, CGT, Ensemble !, la Ligue des Droits de l’Homme de la Gironde ou encore SOS Racisme appellent à un grand rassemblement dimanche, dès 15 heures, sur le Parvis des Droits de l’Homme.