Hier, entre 8 heures 30 et 17 heures 30, le Centre Condorcet de Pessac s’est transformé en salle de réflexion. Environ 170 personnes ont répondu présentes pour la seconde « journée éthique » organisée par la FEP et la FEHAP. Une première édition s’était tenue en 2011 sur la fin de vie. Dans la salle, Edileuza Gallet, secrétaire régionale de la FEP, est au premier rang. Elle confie : « le but de cette journée, c’est de réunir des personnes aux univers très différents pour ouvrir la pensée, montrer que le risque est partout, que les incertitudes font partie de la vie. Dans le public, vous trouverez des étudiants, des bénévoles, des aides soignants… Dans un travail social, la réflexion est très importante. Quand on est sur le terrain, on n’a pas souvent l’occasion de réfléchir à ce que l’on fait. Cette réflexion, on essaie de la créer ici ».
La journée éthique invite donc les grands penseurs à exprimer leur réflexion sur un thème transversal, ici celui du risque. Philippe Ducalet directeur d’ALGEEI (Association Laïque de Gestion d’Etablissements d’Education et d’Insertion), l’un des modérateurs de la journée, tente aussi de nous en expliquer son but. « Les différents intervenants essaient de voir comment l’éthique peut venir en complément du soin clinique afin que l’aspect clinique, l’éthique et le droit puissent coexister. Soigner, accompagner des personnes vulnérables, ce n’est pas quelque chose de simple. Les professionnels se retrouvent souvent face à des contradictions, des impasses, des logiques qui s’opposent. D’où une approche qui tente d’être pluridisciplinaire ».
Morceaux choisisParmi les spécialistes figurait notamment Patrick Baudry, professeur de sociologie à l’Université Bordeaux Montaigne, qui intervenait dans une tribune sur le thème du suicide : « quand il devient normal ». Face à une audience réceptive, il tente d’expliquer sa pensée. « Le suicide est une transgression », affirme-t-il. « Une société a en charge l’élaboration du rapport à la mort dans la relation à autrui. Nous ne sommes plus dans une logique de liberté mais de responsabilité. L’usage du mot dépendant renvoie à des situations pénibles, mais le fait est que nous sommes tous interdépendants. On constate un appétit à se trouver du côté de la mort, de ce qu’on imagine de sa puissance. Dans Star Wars, Luke Skywalker est bien le héros, mais Dark Vador est encore plus fascinant ».
A sa suite, Eric Fiat, professeur à l’Université Paris-Est Marne la Vallée, venu parler du « risque provoqué par la rencontre ». Dans une réflexion teintée d’humour, le philosophe affirme que « le respect et la dignité de la personne s’est substitué à l’amour du prochain, afin de rompre ce lien entre amour et soin. Certains malades se contentent ainsi du respect du soignant et considèrent l’empathie comme une intrusion, tandis que d’autres demandent beaucoup plus que le respect de leur dignité ». Parmi les temps forts de la journée figurait également la conférence d’Alain Garay, avocat du Barreau de Paris, venu parler des « effets juridiques des risques médicaux », ou certains retours d’expériences comme le refus de soins en établissement EHPAD. Le but d’une telle journée, « longue et compliquée à mettre en place en raison de la qualité des intervenants » selon Edileuza Gallet, est de devenir un rendez-vous régulier tous les deux ans, essentiellement pour les professionnels des secteur sanitaire, social et médico-social. Au vu des fauteuils occupés dans la salle, presque pleine, les organisateurs et du comité de pilotage semblent sur la bonne voie. Prochain rendez-vous organisé par la FEP et un collectif d’une trentaine d’associations engagées dans la lutte pour le logement : une « Nuit solidaire » le 12 février prochain à Paris.
L’info pratique : Retrouvez toutes les infos sur la FEHAP et la FEP, les deux organisateurs de la journée éthique, sur ces deux liens.